CHAPITRE I:
La mise en demeure comme nous l'avons déjà
souligné plus haut joue un rôle indispensable dans la
procédure de rupture du bail professionnel puisque sans elle, cette
procédure serait déclarée irrégulière. C'est
la raison pour laquelle, il est important que cet acte soit lui-même
valable pour pouvoir produire les effets attachés à un acte
régulier. Par ailleurs, une fois la validité de la mise en
demeure attestée, il est question de s'interroger sur une possible
régularisation de la situation de la partie défaillante. Il
convient donc d'analyser la question de la régularisation de la
situation litigieuse (SECTION 1). Lorsque la partie
défaillante refuse du tout de s'exécuter c'est-à-dire de
régulariser la situation alors des effets spécifiques s'y
appliqueront. (SECTION 2).
SECTION 1 : LA RÉGULARISATION DE LA
SITUATION DÉFAILLANTE
La régularisation est définie comme la mise en
conformité d'un acte juridique ou d'un acte de procédure avec les
prescriptions légales opérant validation de l'acte originairement
entaché de nullité. Cette régularisation est donc
nécessaire pour valider ledit acte ou ladite procédure. Mais elle
variera selon que nous sommes en matière de résiliation
(paragraphe 1), ou en matière de renouvellement
(paragraphe 2).
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La mise en demeure en matière de rupture du bail
à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
Paragraphe 1- L'hypothèse de la résiliation
judiciaire
La régularisation en instance de résiliation est
possible et la partie souhaitant exécuter ses obligations pourra le
faire dans le délai imparti par la mise en demeure (A).
Cependant, il se pose le problème de la régularisation alors
même que le délai est déjà écoulé
(B).
A- Régularisation dans les délais
impartis
La régularisation de la situation litigieuse est
recommandée pour que l'acte puisse être jugée valable. La
partie défaillante qui peut être soit le preneur, soit le bailleur
selon le cas, peut à cet effet décider d'exécuter les
obligations manquantes. L'article 133 imparti un délai à la
partie défaillante pour cette régularisation. Il dispose :
«À peine de nullité, la mise en demeure doit indiquer la
ou les clauses et conditions du bail non respectées et informer le
destinataire qu'à défaut de s'exécuter dans un
délai d'un mois à compter de sa réception, la juridiction
compétente statuant à bref délai est saisie aux fins de
résiliation du bail et d'expulsion, le cas échéant, du
preneur et de tout occupant de son chef ». Si elle y parvient,
c'est-à-dire la partie défaillante, et ce dans les délais
prévus, la régularisation emportera certains effets qu'il importe
de ne pas ignorer. En effet, du moment où la partie pourtant fautive a
exprimé son intention de régulariser sa situation, ou l'a
d'ailleurs déjà fait, il s'en suit que toutes les actions tendant
à demander la résiliation du bail seront éteintes.
D'où l'idée de « l'extinction des actions en
résiliation du bail ». Ceci se justifie par le souci de permettre
à celle-ci de se rattraper dans le cadre de l'exécution de ses
obligations. Ainsi, toute action en résiliation intentée
postérieurement sera irrecevable puisque éteinte.
Dans l'hypothèse d'une clause résolutoire, il
est encore possible pour le locataire de régulariser sa situation dans
le délai d'un (01) mois. Dans ce cas, la clause résolutoire est
privée d'effet et le bail se poursuit normalement. La Cour d'appel de
Bordeaux a ainsi rendu la décision suivante le 2 novembre
201176: « Les juges saisis d'une demande
présentée dans les formes et conditions prévues aux
articles 1244-1 à 1244-3 du code civil peuvent, en accordant des
délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de
résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou
prononcée par une décision de justice ayant acquis
l'autorité de la chose jugée. (...) Dans ces conditions, compte
tenu de la situation du débiteur, l'octroi rétroactif de
délais de paiement pour la régularisation de deux termes de
loyers et de
76 CA Bordeaux, 02 /11/201, n° 11/4804.
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La mise en demeure en matière de rupture du bail
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l'Ohada
la suspension de la clause résolutoire pour
effectuer ce paiement sont justifiés. Le paiement intégral des
loyers dus étant intervenu avant même que la cour accorde ces
délais, il doit être constaté que la clause
résolutoire n'a pas opéré. ». Nous constatons
ici que le juge est très peu tolérant des résiliations
précipitées puisqu'il n'accorde que peu de crédit à
une action en résiliation alors même que la partie
défaillante proposait de régulariser la situation ou l'a
même déjà régularisé. La Cour de l'Ouest dans
une affaire a décidé que le refus pour le bailleur de renoncer
à l'action en résiliation alors que le preneur offrait de
s'exécuter est une faute de la part du bailleur pouvant entraîner
le versement d'une indemnité d'éviction77.
L'indemnité d'éviction était due dans le cas
d'espèce car, le véritable but du bailleur était la
libération des locaux et non le paiement des arriérés de
loyers. Il échait de rappeler que la régularisation peut aussi
être faite par les créanciers du débiteur de l'obligation
et ce, en vue de protéger leurs intérêts qui pourraient
être sapés si la résiliation venait à être
prononcée. Un délai d'un mois à compter de la mise en
demeure lui est imparti pour exécuter ses propres obligations et d'autre
part un délai supplémentaire d'un mois, après la
notification de la demande en résiliation du bailleur, pour permettre
aux créanciers inscrits de se substituer à lui pour
exécuter à sa place ses obligations ou l'inciter à
s'exécuter. La haute juridiction de cassation française a eu
l'occasion de juger que l'exécution par le locataire, pendant ce
délai, de ses obligations spontanément ou sur incitation du
créancier inscrit, a pour effet de faire échec à la
résiliation sollicitée. En cas de notification de la demande en
résiliation aux créanciers inscrits, la juridiction saisie, pour
se conformer à l'article 133 du nouvel Acte uniforme, devrait renvoyer
la procédure à plus d'un mois avant de rendre sa décision
de résiliation. En effet, l'exigence de la notification a pour objet de
porter la procédure de résiliation initiée par une partie
au bail à la connaissance des créanciers inscrits sur le fonds
antérieurement à la demande en résiliation , en vue de
leur permettre « de prendre le cas échéant toutes
dispositions utiles pour sauvegarder leurs intérêts » .
Récemment, un arrêt de la Cour de cassation française du 14
décembre 2008 a jugé que la notification de l'acte introductif
d'instance vaut mise en demeure au créancier d'exécuter les
obligations du bailleur défaillant ou de les faire exécuter.
Cette obligation d'information permet aux créanciers inscrits d'une part
d'intervenir dans l'instance en résiliation pour s'assurer qu'il
n'existe pas
77CA de l'Ouest, n° 11/civ., 9-10-2002 : K. A.
c/ F. C., Ohadata J-04-227 : Lorsque la mise en demeure a été
suivie d'une offre réelle par le preneur de payer les loyers dus,
offrerejetée par le bailleur qui a répondu qu'il «ne veut
pas recevoir de l'argentcar le véritable problème était
que le preneur libère sa maison», les conditions de
résiliation prévues par l'article 101 [devenu 133] ne sont
pasremplies ; si le bailleur décide tout demême de
résilier, il doit, dans ce cas, se conformer à l'article [94
devenu 126] de l'AUDCG, c'est à dire offrir au preneur une
indemnité d'éviction
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à usage professionnel en Droit de
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une collusion frauduleuse entre le bailleur et le locataire et
d'autre part d'avoir la faculté d'exécuter les obligations du
locataire défaillant en ses lieux et place. Mais, lorsque la
défaillance du preneur résulte d'agissements positifs par exemple
l'extension d'activités illicites, réalisation de travaux sans
autorisation du bailleur..., la marge de manoeuvre du créancier inscrit
est bien limitée. Il ne peut, en effet, se substituer au locataire. Il
ne peut intervenir que pour l'amener à faire cesser le manquement
à ses obligations. Cependant, lorsque l'action en résiliation est
fondée sur un défaut de paiement de loyers ou le refus de
procéder aux réparations d'entretien, le créancier inscrit
peut exécuter ces obligations à la place du preneur, pour
éviter le dépérissement de sa sûreté.
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