SECTION 2: LA NOTIFICATION DE LA MISE EN DEMEURE
Une notification est une formalité par laquelle l'on
donne connaissance à un individu du contenu d'un acte pris à son
égard. Ce sont des actes juridiques qui n'ont efficacité que
lorsqu'ils sont portés à la connaissance de leur destinataire ;
que lorsque celui-ci les reçoit. On a pu signaler le cas de la mise en
demeure par exemple. La plupart des actes de la procédure doit
être portée à la connaissance de la partie adverse, lui
être notifiée, plus précisément. Cette notification
est essentielle.
Si la notification est nulle, si elle est
irrégulière, l'acte n'ayant pas été porté
régulièrement à la connaissance de son destinataire sera
sans aucune efficacité dans la procédure. Si la notification est
irrégulière, l'acte sera considéré comme non avenu,
il n'aura jamais eu ses effets. C'est pourquoi la notification est soumise
à des exigences très précises. En outre, l'acte de mise en
demeure peut se faire notifié par différents moyens lesquels
moyens ont pour but d'assurer une information suffisante de la partie
vis-à-vis de laquelle l'acte a été dressé
(paragraphe 1). Plus loin, il se pose le problème du
moment à prendre en compte pour apprécier l'effectivité de
la notification (paragraphe 2).
Paragraphe 1-Les procédés de notification de
la mise en demeure
Sous l'empire de l'ancien article 101 de l'AUDCG, il a
été jugé que la mise en demeure doit être
adressée par acte extrajudiciaire, c'est-à-dire par voie
d'huissier. Celle adressée par lettre simple de l'avocat du bailleur
n'est pas valable et ne peut servir de fondement à une
résiliation judiciaire. Mais comme l'observe très justement un
auteur, la seule condition désormais exigée par l'article 133,
al.2 de l'AUDCG pour la validité de la notification de la mise en
demeure est l'existence de «tout moyen permettant d'établir sa
réception par le destinataire»62. Il en résulte
que la décision ci-dessus est désormais caduque, sauf si dans
l'espèce, il n'y avait eu aucun moyen de prouver la réception de
la mise en demeure par le destinataire. L'acte extrajudiciaire n'est plus
obligatoire si l'auteur de la mise en demeure est capable de prouver sa
réception par le destinataire.
62 TGI Bobo-Dioulasso (Burkina-Faso), n° 32,
2-2-2005 : SANGA Mady c/ GRAPHI-SERVICE, Ohadata J-09-63).Obs. Jimmy Kodo.
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à usage professionnel en Droit de
l'Ohada
La notification de la mise en demeure pourra donc se faire par
le biais de plusieurs procédés. On pourra utiliser plusieurs
critères de distinction de ces moyens, mais la distinction la plus
simple et la plus utilisée est celle consistant à envisager d'une
part La voie ordinaire de notification (A), et d'autre part la
voie de la signification (B).
A- La voie ordinaire
Ici, il n'y a pas de complication, l'acte va être
placé sous pli fermé et il sera expédié par la
Poste, soit remis directement à son destinataire et dans ce cas, contre
émargement ou récépissé, selon l'article 667 du
Cpcc. Lorsque l'on procède par voie postale, l'administration des Postes
n'est tenue à aucune diligence particulière pour toucher
particulièrement le destinataire. Rien n'indique qu'il n'ait
été touché. Et c'est là le grand risque que
présente ce procédé ; il est certes moins onéreux
mais porteur de beaucoup d'inconvénients pour l'expéditeur de la
mise en demeure63.
La notification par forme ordinaire recouvre plusieurs
procédés, comme par voie postale, par lettre recommandée
avec demande d'avis de réception. Parfois-même, la loi se contente
d'une lettre simple, ce qui est rare sur le plan probatoire. Le recours
à la lettre recommandée présente un intérêt
pour établir la réalité d'un envoi, la date de celui-ci
et, le cas échéant, sa réception par le destinataire. Les
hypothèses sont légion, qu'il s'agisse, pour une partie,
d'établir qu'elle a effectivement posé un acte unilatéral
ou porté un fait à la connaissance d'une autre partie. Cependant,
à l'heure où se généralise la communication
électronique pour s'échanger des informations ou pour poser ou
conclure des actes juridiques, il s'imposait de reconnaître la
possibilité d'effectuer des envois recommandés de mise en demeure
sur support électronique. Cette reconnaissance étant
désormais acquise64.
Il existe de nombreuses situations où l'on souhaite se
ménager la preuve de l'envoi d'un
63 Ceci est d'autant vrai qu'en cas
d'impossibilité de toucher le destinataire par l'acte, les
conséquences y afférentes seront opposées à
l'expéditeur.
64Selon l'article 82 alinéa 2 du nouvel Acte
uniforme sur le droit commercial général : « les documents
sous forme électronique peuvent se substituer aux documents sur support
papier et sont reconnus comme équivalents lorsqu'ils sont établis
et maintenus selon un procédé technique fiable, qui garantit,
à tout moment, l'origine du document sous forme électronique et
son intégrité au cours des traitements et des transmissions
électroniques ». Les procédés techniques fiables et
garantissant l'origine des documents sous forme électronique ainsi que
leur intégrité au cours de leurs traitements et de leurs
transmissions électroniques sont reconnus valables par le nouvel Acte
uniforme sur le droit commercial général ou par le Comité
technique de normalisation des procédures électroniques.
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l'Ohada
courrier afin d'éviter toute contestation
ultérieure sur la réalité de cet envoi. Une telle
précaution s'avère particulièrement opportune lorsqu'une
relation s'envenime et qu'un litige se profile à l'horizon. À
titre d'illustration, on peut songer, en matière de baux, à
l'insatisfaction d'un locataire (infiltrations d'eau non résolues,
grosses réparations non effectuées...). Ce dernier aura
intérêt à consigner ses reproches dans une mise en demeure
adressée par envoi recommandé, afin d'être en mesure de
prouver, dans le cadre d'un litige ultérieur, qu'en temps utile, il
avait effectivement averti son bailleur des désagréments qu'il
subissait. Par ailleurs, préalablement à toute sanction, une mise
en demeure est nécessaire : le créancier est, en principe, tenu
de manifester au débiteur, d'une manière claire et non
équivoque, sa volonté de voir exécuter l'obligation en
souffrance. La mise en demeure constitue un acte
unilatéral65: son efficacité est donc
subordonnée à une notification au débiteur et le
créancier doit se ménager une preuve de sa réception. En
ce qui concerne la forme de la mise en demeure, la jurisprudence fait preuve
aujourd'hui de la plus grande souplesse : aussi, en pratique, elle pourra
fréquemment être adressée au débiteur par lettre
recommandée (ou même par simple lettre) 66 .
L'intérêt incontestable de toute lettre recommandée est de
ménager à l'expéditeur une preuve de la
réalité et, au besoin, du moment de son envoi, ou plus exactement
de son dépôt à La Poste. Cette double preuve pourra
être rapportée grâce au récépissé qui
lui est remis par l'agent de la Poste lors du dépôt du pli. Comme
cela vient d'être suggéré, le dépôt à
la Poste d'une lettre recommandée n'atteste nullement que celle-ci est
effectivement parvenue à son destinataire. L'occasion a
été donnée à la jurisprudence de confirmer ce point
de vue : «Le seul fait pour les services de la Poste d'apposer pour
chaque envoi individuel un cachet établissant l'envoi recommandé
n'apparaît pas suffisant pour en déduire que le destinataire a
reçu l'envoi qui lui était destiné ou qu'il en a eu
connaissance (...)67''. L'éventualité qu'un envoi
recommandé s'égare et n'arrive jamais à destination est
d'ailleurs clairement envisagée dans les dispositions fixant la hauteur
de l'indemnité due par la Poste en cas de perte, de vol ou de
détérioration d'un envoi recommandé.
En tout état de cause, le destinataire peut toujours
prétendre n'avoir pas reçu le courrier
65 Il s'agit d'un acte juridique, et non d'un fait
juridique, car ses effets de droit sont voulus par le créancier, et d'un
acte unilatéral au motif qu'il émane de la seule volonté
du créancier et n'est pas subordonné à une acceptation du
débiteur
66 En matière commerciale, il est admis, de
longue date, que la mise en demeure ne doit répondre à aucune
forme spéciale. La mise en demeure peut donc prendre la forme d'une
lettre recommandée (ou même d'une simple lettre), pourvu qu'elle
contienne une interpellation suffisamment ferme du débiteur.
67Par exemple, Mons, 21 octobre 1998, J.L.M.B., 1999,
I, p. 456.
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recommandé que l'expéditeur affirme avoir
déposé à la Poste. L'expéditeur peut toutefois se
prémunir contre ce risque, en faisant recours à un type
particulier de recommandé : le recommandé avec accusé de
réception. Dans cette hypothèse, le destinataire est
invité à signer un accusé de réception du courrier
qui lui est présenté par le facteur. Ce dernier doit
vérifier l'identité du destinataire et remettre la lettre en main
propre. Ainsi, sur le plan de la preuve, la situation de l'expéditeur
sera particulièrement confortable si l'accusé de réception
est effectivement signé de la main du destinataire. Celui-ci ne pourra
alors plus prétendre qu'il n'a pas reçu le
courrier68.
Tous les problèmes ne sont pas pour autant parfaitement
résolus.
Tout d'abord, il arrive parfois que le signataire de
l'accusé de réception ne soit pas le véritable
destinataire de l'envoi. Dans cette hypothèse, si un litige survient, la
responsabilité de la Poste pourrait être engagée puisque
l'employé n'a pas procédé à une vérification
d'identité.
Ensuite, le destinataire peut toujours refuser le pli
recommandé qui lui est présenté. Toutefois, il y a lieu de
considérer qu'est parfaitement valable l'incombance par exemple une mise
en demeure accomplie par lettre recommandée au destinataire qui, sans
motif plausible, refuse le pli, alors que les circonstances devaient lui faire
deviner le contenu. Cette attitude de refus apparaît pour le moins
suspecte et, en principe, ne permet donc pas d'éviter les effets d'une
mise en demeure.
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