Paragraphe 2- Le formalisme dans la mise en demeure
Dans l'instance en résiliation du bail à usage
professionnel, le formalisme de la mise en demeure constitue un
élément déterminant pour l'information de la partie
défaillante par rapport au manquement à ses obligations
contractuelles. L'exécution effective de cette obligation d'information
est largement tributaire de la forme que doit revêtir l'acte de mise en
demeure. Sous l'empire de l'ancien article 101 de l'Acte uniforme sur le droit
commercial général, la mise en demeure ne pouvait être
délivrée que par « acte extrajudiciaire ». La
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lourdeur de ce procédé ainsi que son
caractère dispendieux ont incité les rédacteurs du nouvel
Acte uniforme à simplifier la forme de la mise en demeure, sans pour
autant répudier le recours à un officier ministériel. Il
résulte de l'alinéa 2 de l'article 133 de l'Acte uniforme
précité : « la mise en demeure est faite par acte
d'huissier ou notifiée par tout moyen permettant d'établir sa
réception effective par le destinataire ».
L'avènement du nouvel Acte uniforme sur le droit
commercial général60 a marqué l'apparition de
l'expression « tout moyen permettant d'établir sa réception
effective par le destinataire » dans la terminologie du législateur
communautaire. Cette formule est employée dans plusieurs autres textes
issus de la réforme pour traduire la volonté législative
d'allégement du formalisme de certains actes. Il en est ainsi de la
forme de la cession du bail, de celle du renouvellement du bail, de la forme du
congé ou de la mise en demeure du preneur dans le cadre de l'opposition
au droit au renouvellement du bail. Cette formule générique
semble viser tout procédé permettant de garantir la
réception effective de la mise en demeure par la partie
défaillante. Il ne fait pas de doute que le procédé de la
lettre recommandée avec accusé de réception ou de la
simple lettre dûment déchargée par son destinataire, permet
de remplir cet objet spécifique.
Mais, avec le développement contemporain des
technologies de l'information et de la communication (TIC), on peut se demander
si le recours à des procédés électroniques ne peut
valoir utilisation de moyens permettant d'établir la réception
effective de l'acte de mise en demeure par le destinataire. En l'état
actuel du droit uniforme de l'OHADA, le Conseil des Ministres n'a pas encore
adopté un Acte uniforme sur les transactions électroniques qui
pourrait héberger le principe de l'admissibilité de la preuve
électronique. Mais, le législateur communautaire de l'OHADA a
profité du chantier de réforme de l'Acte uniforme sur le droit
commercial général pour envisager, dans le cadre de
l'informatisation du registre du commerce et du crédit mobilier, la
question de l'équivalence entre l'écrit sur support papier et
l'écrit électronique. Selon l'article 82 alinéa 2 du
nouvel Acte uniforme sur le droit commercial général : «
les documents sous forme électronique peuvent se substituer aux
documents sur support papier et sont reconnus comme équivalents
lorsqu'ils sont établis et maintenus selon un procédé
technique fiable, qui garantit, à tout moment, l'origine du document
sous forme électronique et son intégrité au cours des
traitements et des transmissions électroniques ». Les
procédés techniques fiables et garantissant l'origine des
60 Il s'agit de l'AUDCG adopté le 15
décembre 2010
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documents sous forme électronique ainsi que leur
intégrité au cours de leurs traitements et de leurs transmissions
électroniques sont reconnus valables par le nouvel Acte uniforme sur le
droit commercial général ou par le Comité technique de
normalisation des procédures électroniques. Les rédacteurs
de l'Acte uniforme ont entendu donner une grande portée juridique au
principe d'équivalence entre l'écrit sur support papier et
l'écrit électronique. Il résulte de l'article 79 de l'Acte
uniforme que les dispositions du livre V sur l'informatisation du registre du
commerce et du crédit mobilier du fichier national et du fichier
régional, dans lequel est inséré l'article 82 de l'Acte
uniforme précité, s'appliquent aux formalités ou demandes
prévues par le présent acte uniforme, par tout autre acte
uniforme ou par toute autre réglementation. En d'autres termes, faute
d'avoir prévu un Acte uniforme spécifique aux transactions
électroniques, le législateur a voulu étendre la nouvelle
réglementation sur la preuve électronique contenue dans le nouvel
Acte uniforme sur le droit commercial général, aux autres Actes
uniformes61 et même aux droits des États Parties ne
disposant pas encore d'un cadre juridique approprié. L'accueil de
l'écrit électronique au même rang que la preuve manuscrite
classique a permis au législateur d'admettre la preuve des actes de
commerce à l'égard des commerçants par voie
électronique et le paiement du loyer par voie électronique .
Dans le cadre du contentieux de la résiliation du bail
professionnel, le nouveau dispositif sur la preuve électronique de
l'OHADA, n'autoriserait-il pas le demandeur en résiliation du bail ou en
refus de renouvellement du bail à servir à son cocontractant une
mise en demeure par un procédé électronique, comme un
courrier électronique (mail) ? Il est légitime de le penser.
Mais, pour admettre ce mode de preuve, le juge devra vérifier la
condition d'intégrité du document électronique
posée par l'article 82 du nouvel Acte uniforme et celle tirée de
la réception effective de la mise en demeure électronique au
destinataire prévue par l'article 133 alinéa 2 du même Acte
uniforme. Dans la pratique, la vérification judiciaire de ces conditions
d'admissibilité de la mise en demeure électronique risque de
poser des difficultés. En effet, en raison de la technicité de la
matière, le juge ne dispose pas toujours d'éléments
d'appréciation suffisants, et ce, d'autant que le contenu de la mise en
demeure obéit à un formalisme dont la simplification a
été également recherchée par la réforme
61Déjà, l'acte uniforme de l'OHADA
relatif aux contrats de transports de marchandises par route du 22 mars 2003
avait consacré une acception très extensive de la notion
d'écrit incluant les supports numériques modernes. L'article 2 de
cet Acte uniforme définit l'écrit comme : « une suite de
lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles
dotés d'une signification intelligible et mis sur papier ou sur un
support faisant appel aux technologies de l'information ».
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