4.1.4 À Dakar: emboitement d'intérêts
entre Etat, mairies et organisations des transporteurs privés
À Dakar, dans la capitale sénégalaise,
les ndiaye ndiaga et les cars rapides doivent leur prééminence
actuelle à la politique de l'État initiée dans les
années 1990 suite à la défaillance de la SOTRAC. Mais avec
l'accentuation du processus de
134 Les organisations et les opérateurs de taxis
collectifs ne sont pas seulement en concurrence les uns contre les autres, ils
le sont aussi avec les transports formels, dessertes d'autobus et transports
ferroviaires, auxquels ils s'attaquent de temps à autre: au point que
certaines compagnies d'autobus ont renoncé à desservir certains
townships en dépit de leurs obligations de service (c'est notamment le
cas de la compagnie PUTCO à laquelle les opérateurs de taxis
collectifs interdisent l'accès au township de Diepsloot, situé au
nord de Johannesburg).
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décentralisation administrative et politique, le
contrôle de ces transports fait l'objet de tiraillements entre l'Etat,
les collectivités locales et les organisations des transporteurs. Cette
situation se traduit au niveau de l'organisation des transports urbains de
Dakar par:
- Une absence totale de contrôle pour l'entrée
dans l'activité
- Une multiplication des taxis urbains (anciennement à
compteur horométrique)
- Une officialisation des taxis clandestins et de banlieues
- Un renouvellement en interne des minibus
- Un fort contrôle en interne qui passe par l'obligation
d'adhérer à un garage135. Désormais, toute
réforme des transports urbains à Dakar ne peut se faire sans les
organisations des opérateurs des transports alternatifs qui se sont
imposés du fait du tâtonnement de l'Etat et des
collectivités dans l'application de la réglementation.
Au total, le processus de décentralisation à
l'oeuvre à Abidjan, à Johannesburg et à Dakar a pour
objectif de renforcer les pouvoirs locaux. Cependant, le transfert de
compétences aux collectivités décentralisées ne
s'est accompagné, ni à Abidjan, ni à Dakar, d'un transfert
de ressources proportionnel. Aussi bien en Côte d'Ivoire qu'au
Sénégal, les gouvernements centraux lâchent difficilement
leurs prérogatives alors qu'ils se désengagent
financièrement et leurs propres régies de transports sont
défaillantes. Si bien que les autorités locales ont à
assumer des charges croissantes en matière de transports sans en avoir
les compétences. Elles fonctionnent sur des budgets
prévisionnels, mais ne sont pas toujours en mesure de
récupérer les fonds que l'Etat est censé leur
rétrocéder (Ori 1997; Lombard, Bruez et al. 2004). Elles sont en
conséquence amenées à contractualiser des accords avec des
intervenants aussi diversifiés que des organisations de
135 Au Sénégal, un garage est un lieu de
concentration de véhicules et de chauffeurs qui ont déposé
la clientèle et attendent, à tour de rôle, de repartir pour
la banlieue. Avec le développement du réseau privé de
transport, entre la banlieue et le centre de Dakar, prend une forme
renversée de « patte d'oie» qui subsiste encore aujourd'hui.
Les bouts de lignes, au Plateau et à Sandaga, deviennent des terminaux
utilisés le soir par les travailleurs pour rentrer chez eux. Ils
prennent les noms des rues dans lequel ils sont installés: garage 164
Jean Jaurès, garage Tolbiac, garage Faidherbe
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transporteurs, des autorités coutumières pour
continuer d'entretenir leurs territoires. En Afrique du Sud par contre, la
situation est totalement différente. La nouvelle
constitution136 de l'Afrique du Sud a conféré des
prérogatives élargies aux municipalités qui les
affranchissent de la tutelle des gouvernements national et provincial. Si bien
qu'en En Afrique du Sud, en matière d'organisation des transports
collectifs, le partage des rôles est bien assumé entre les trois
sphères de l'Etat (national, provincial et local). Ce qui revient
à dire que le gouvernement local, l'équivalent de la mairie
à en Côte d'Ivoire et au Sénégal, est doté
d'une pleine capacité d'administration et de gestion financière
et qu'il entretient en tant sphère autonome une relation
égalitaire avec les deux autres niveaux de décision. En revanche,
la difficulté en Afrique du Sud réside dans l'application des
décisions sur le terrain. Les pouvoirs de sanction, de
réglementation et de réforme sont conférés à
l'Etat en tant que garant de la satisfaction de l'intérêt
général. Mais, l'Etat ne veille pas toujours à ce que les
règles du jeu soient respectées. Les associations de
transporteurs privés sont très criminalisées et
réfractaires à la modernisation du secteur des transports public
en Afrique du Sud. Et c'est sur ce point que la Côte d'Ivoire, le
Sénégal et l'Afrique du Sud présentent des similitudes.
136 Selon la constitution de 1996 le pouvoir public est
reparti entre trois sphères de gouvernement de même rang: le
gouvernement national, les gouvernements provinciaux, les gouvernements
locaux.
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