4.1.3 Afrique du Sud: concurrence entre l'Etat et les
associations d'opérateurs privés de transport
En Afrique du Sud, ce sont deux logiques qui s'affrontent dans
l'organisation des transports collectifs, celle de l'Etat dont l'un des points
focal est la modernisation du secteur et celle défendue par les
organisations de la société civile, moins
intéressées par toute idée de formalisation. Cette
situation, qui n'est pas spécifique à ce pays, se traduit en
Afrique du Sud selon (Lomme 2004) par la médiocre qualité du
service rendu aux usagers par les transports publics. Les dessertes ne sont pas
adaptées à l'évolution de la géographie
urbaine133. La fréquence des rotations des offres publiques
est insuffisante et les temps de trajet sont considérables. Les
véhicules sont vétustes et le confort comme la
sécurité des passagers se dégradent. D'un autre
côté les tentatives de mettre fin au monopole des grands
opérateurs hérités du régime d'apartheid se sont
traduites par la montée en puissance des taxis collectifs, un secteur
fortement caractérisé par des affrontements armés
récurrents entre opérateurs. En outre, les trois principaux modes
de transports urbains (bus, trains et taxis collectifs) sont plus concurrents
que complémentaires. Aujourd'hui, le nombre de petits opérateurs
s'est considérablement multiplié. Les organisations de
propriétaires des taxis et minibus se sont constitués en gangs
mafieux (Lombard, Bruez et al. 2004), permettant à certains
transporteurs d'opérer sans licence, avec des véhicules hors
normes réglementaires. Cette situation procède en Afrique du Sud
de circonstances particulières. En effet, c'est sous le régime
d'apartheid, dans les années 1980 surtout, que se sont multipliés
les taxis collectifs tout comme les associations des transporteurs, en
réaction contre l'insuffisance et l'inadéquation des moyens de
transports publics mis à la disposition des populations noires
reléguées à la périphérie des
agglomérations urbaines. Cette situation a été
envenimée par l'affrontement de forces politiques antagonistes dont les
townships ont été le théâtre jusqu'au début
des années 1990 Le régime d'apartheid a incontestablement
contribué à exacerber les tensions et les conflits entre
133 Les dessertes des transports publics relient
essentiellement les quartiers périphériques aux vieux
centres-villes (même lorsqu'à Johannesburg, le centre-ville n'est
plus le principal bassin d'emploi qui s'est déplacé au nord de
l'agglomération) et les agglomérations sont
généralement dépourvues de desserte
périphérique.
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opérateurs de taxis collectifs afin d'attiser les
dissensions chez l'ennemi. Ainsi, les affiliations partisanes d'associations
d'opérateurs concurrentes à l'ANC, à l'Inkatha ou au
Pan-African Congress (PAC) ont aussi alimenté leur antagonisme, sans
compter la collusion éventuelle de certains responsables politiques avec
les belligérants en raison d'intérêts acquis dans ce
secteur d'activité.
La concurrence entre l'Etat et les organisations des
transporteurs134 et les oppositions meurtrières entre les
organisations des transporteurs, sont autant d'éléments
significatifs pour expliquer les difficultés de l'Etat sud-africain au
niveau du secteur des transports publics. Le mode d'organisation du secteur des
taxis collectif en Afrique du Sud se présente selon (Lomme 2004) comme
un avatar de la guerre civile des années 1980 et 1990. Les tueurs
à gages, qui assassinent des opérateurs et des chauffeurs de
taxis et parfois leurs passagers, les organisateurs d'opérateurs ont
été utilisés pour combattre l'apartheid. C'est donc en
toute logique qu'ils bénéficient dans certains cas d'une
légitimité historique qui fait défaut aux forces de police
et qui leur vaut des sympathies dans les milieux politiques et une partie de la
population. Ceci explique l'ambivalence de l'attitude des autorités
à l'égard de ces organisations des transporteurs qui ont
hautement criminalisé le secteur des transports. Tout comme à
Abidjan et à Johannesburg, les services de l'Etat apparaissent
globalement défaillants aussi à Dakar.
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