2.1.4 Le transport urbain de personnes, un facteur
structurant de la communauté Mouride
Les Mourides sont une communauté religieuse appartenant
du point de vue identitaire au groupe ethnique Wolof. Ils sont
caractérisés par un même système
politico-économique et partagent les mêmes valeurs religieuses et
se réfèrent tous à un homme: cheikh Ahmadou Bamba,
fondateur du Mouridisme. Selon (Sané 1993), les marchands Mourides,
transporteurs partagent la même idéologie et défendent les
mêmes valeurs. Ils font partie d'une «vaste association de
coopération commerçante à base confessionnelle. Ils sont
connus pour leur attachement aux principes fondamentaux de la confrérie,
pour leur quête constante de l'agrément de Dieu par le respect
scrupuleux des recommandations et ordres «Ndigël» du marabout
(guide religieux) et l'attachement sans faille au culte du travail,
considéré comme un principe sanctificateur de l'homme en
général et du Talibé en particulier. Leur dynamisme,
axé essentiellement sur la recherche de la félicité, passe
par la bénédiction du maître spirituel appelé
«Cheikh», «Serigne» ou encore marabout.
Le travail occupe une place toute particulière chez les
Mourides. Il est considéré à la fois comme une
prière, un instrument puissant de consolidation de la foi et
d'élévation spirituelle qui pousse constamment le disciple
à l'action pour la recherche forcenée de la réussite de
ses projets dans ce bas monde et de son salut dans l'au-delà. Les
Mourides profitent donc de toute opportunité pour la réalisation
de ce double objectif matériel et spirituel. Ils constituent la
confrérie la plus connue du Sénégal. Intimement
liée à l'histoire du Sénégal, les Mourides ont
toujours joué un rôle politique de premier plan dans tous les
secteurs d'activités économique, sociale, culturelle, politique
et notamment le transport des personnes et des marchandises du
Sénégal (Sané 1993). La présence des Mourides dans
le transport est donc très ancienne. Il s'agissait d'abord de
commerçants et de
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marabouts issus des différentes confréries
musulmanes100. Ils ont été les tous premiers
autochtones à se constituer un parc automobile au
Sénégal.
À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, sont
apparues les premières entreprises de transport public pilotées
par des autochtones. Les Mourides ont investi dans le transport collectif qui
était resté pendant longtemps la chasse gardée des
Européens et des Libano-Syriens. On leur attribue la naissance et le
développement des réponses alternatives de transport collectif de
Dakar (les cars rapides et les ndiaga ndiaye). Cars rapides est un
terme générique qui désigne les minibus de plus de 30
places effectuant le transport collectif à Dakar. Apparus après
la Seconde Guerre mondiale, ils ont été mis au goût du jour
par les Mourides. Quant aux ndiaga ndiaye, ce sont des fourgonnettes
de marque allemande Mercedes, destinées au transport de marchandises en
Europe. Ils sont importés au Sénégal et transformés
de manière artisanale pour en faire des cars et des minicars de
transport collectif de 35 à 50 places. Ndiaga Ndiaye a
été l'un des tous premiers transporteurs mourides à avoir
introduit un nouveau service dans le transport collectif. Profitant d'une
demande très forte, il a continué d'évoluer dans le
transport interurbain, pour glisser dans le transport urbain de Dakar vers la
fin des années 1970. Cette stratégie a été
renforcée et officialisée de fait vers la fin des années
1980 avec le déclin progressif de la SOTRAC. Mais quel rapprochement
avec les Malinkés de Côte d'Ivoire?
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