3.3.2 «Sécuriser le secteur»
Les dernières crises qu'a traversées la
Côte d'Ivoire ont eu des résultats désastreux sur les
couches sociales déjà fragilisées. Dans «les
quartiers» de la ville d'Abidjan, on a vu se multiplier les quartiers
enclos, c'est-à-dire les quartiers dont les résidents tentent de
contrôler l'accès grâce à la fermeture, partielle ou
complète, temporaire ou permanente, des rues les desservant. Ces
développements qui constituent une réponse locale à un
fort sentiment d'insécurité, occasionnent une économie de
débrouille plus que de travail chez certains jeunes rabatteurs du
transport. Aussi, l'expression: «assurer la sécurité»
pèse-t-elle pour beaucoup dans la création des lignes des
woro-woro dans certains sous quartiers de la commune de Yopougon.
«Nous sommes là pour la sécurité des
véhicules et de la clientèle. Nous sommes les
éléments de la route». Rassure B. Dao, chargeur dans une
station de woro-woro 25-12-2012).
En fait, les rues dans certains quartiers ne sont plus
considérées en premier lieu comme éléments d'un
réseau de circulation, dont la fonction dominante est de relier les
lieux et les citadins au sein de l'aire métropolitaine. Elles sont
désormais perçues comme le point faible de territoires qui
cherchent à assurer leur propre protection, contre un extérieur
considéré comme menaçant. Aujourd'hui, selon
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des règles informelles du jeu non écrites mais
collectivement intériorisées dans le secteur des transports, en
dehors du réseau de taxis conduisant à ces types de quartiers, il
est quasiment impossible à tout autre taxi collectif d'y embarquer ou
d'y prendre des passagers. En deux décennies les lieux de transport ont
changé à Yopougon. La capacité d'organisation et
l'opportunisme des acteurs du transport collectif privé expliquent cette
effervescence Les groupes sociaux qui interviennent dans ces espaces transport
et qui s'y déploient sont porteurs d'échelles diverses où
se construisent les notions de temps, de rythmes de vie, d'accès
à l'espace et à sa symbolique (Heringer and David 1986). L'espace
public peut donc être objet de conflits en raison même d'une
multiplicité d'usages difficilement compatibles. Selon (Leimdorfer
1999), l'espace public est assimilé par ces entrepreneurs à un
espace ouvert, un espace de passage et d'échange à forte valeur
marchande qui perd de ce fait son caractère commun pour devenir synonyme
de cible foncière
«Tant que y a le goudron à Abidjan,
nous, on va manger» s'exclame
Bill, un chargeur à la SIPOREX (02. 04.2010)
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