2.1.2 Conflits entre la mairie et l'AGETU
Les rapports conflictuels entre les mairies d'Abidjan et
l'AGETU à propos du contrôle des taxis collectifs ne sont pas
nouveaux. Ils commencent en 2005, lorsque l'AGETU créée par
décret en 2000 décide de prendre les devants de la gestion du
transport (taxes et redevances provenant de la délivrance et du
contrôle des titres, agréments et autorisations) et la subvention
publique de l'Etat conformément à ses prérogatives. Une
polémique naît entre les collectivités et cette agence au
sujet du niveau de la répartition de ce budget. Alors que les
collectivités l'estiment à 1,5 milliards FCFA, l'AGETU le chiffre
à 706 millions de FCFA soit 3% du budget77
de la ville d'Abidjan. Un tel écart conduit cette structure à
s'estimer légitimement victime d'une lecture politique dans l'affaire
«les redevances: les communes, délestées d'une
importante source de devises78». Les appréhensions
des maires ne sont pas aisées à réduire dans la mesure
où,
«...le transfert des ressources au profit de l'AGETU
entraînerait un manque à gagner important: 160 000 francs CFA par
an par taxi compteur pour la ville d'Abidjan, 40000 francs par an par taxi
communal pour les communes d'Abidjan» (Zoro 2002).
77 In Fraternité-Matin n°12176 du dimanche
11 et du samedi 12 juin 2005
78 Rapport de présentation du projet de decreet
portant transfert et répartition de compétences aux
collectivités territoriales en matière de transport.
167
Ainsi, d'une année à l'autre,
l'indépendance de l'AGETU semble loin d'être acquise. En
dénonçant la réduction de l'allocation financière
de l'agence, un de ses responsables tire la sonnette d'alarme:
«...il ne s'agit pas de créer des structures qui
fonctionnent sur papier, encore faut-il leur donner les moyens financiers
nécessaires à la bonne conduite des missions qui leur sont
assignées [...] Il y a un désordre quand on regarde la
physionomie de l'ensemble de la voirie d'Abidjan. Les raisons de ce
désordre se situent à plusieurs niveaux de
responsabilités. C'est surtout un désordre qui provient de
l'organisation institutionnelle et du manque d'organisation. Les autorisations,
ce qu'on appelle le droit d'exercer sur le terrain, se géraient à
divers endroits [...] Quand déjà avec un seul secteur, il y a
plusieurs intervenants, cela devient complexe. Car, il n'y a pas de
coordination à l'entrée du marché. C'est le premier niveau
de problème. Il sera réglé avec l'avènement de
l'AGETU qui compte en son sein toutes les compétences. L'AGETU a une
vision cohérente du secteur, contrairement à plusieurs
administrations qui le géraient par le passé». M. A,
responsable chargé des ressources humaines à l'AGETU
(03-02-2009).
Ce dépit qui illustre des chevauchements dans
l'exécution des compétences, prend actuellement une autre forme.
Dans la continuité de la bataille des prérogatives, L'AGETU
semble décider à rendre la régie annoncée
inopérante, surtout qu'elle affirme que son système ne
s'accommode pas des lourdeurs d'une régie79. Quant aux
collectivités, elles s'accrochent à leurs prérogatives et
ressources et n'acceptent pas qu'une structure transversale organise les
transports dans l'ensemble de l'agglomération abidjanaise. Pour
résoudre ce conflit et renforcer l'autorité de l'AGETU, le
recours à la loi est adopté. L'annexe fiscale de la loi de
finance 2004 stipule qu'il
«est institué auprès de l'Agence de
Transports urbains (AGETU), une taxe d'inscription et une redevance
d'autorisation annuelle lors de la délivrance et du contrôle des
titres de transport urbain [...] Dans le ressort territorial de l'AGETU, les
redevances d'autorisation se substituent à la taxe sur les taxis et
à la taxe sur l'exploitation d'embarcations prélevées par
les communes, ainsi qu'à la taxe sur les taxis interurbains,
intercommunaux ou ceux dotés d'un compteur prélevées par
le district d'Abidjan80».
79 Zoro, Directeur Général de l'AGETU,
in Fraternité-Matin n°12176 des dimanche 11 et samedi 12 juin 2005,
p.3
80 In Fraternité-Matin n°12176 des
dimanche 11 et samedi 12 juin 2005
81 Idem
82 Idem
168
Une clé de répartition des redevances est
même arrêtée. Elle donne 40% aux collectivités
territoriales et 60% à l'AGETU. Mais cette répartition suscite la
colère des collectivités locales. Celles-ci s'appuient sur des
dispositions légales et engagent une bataille juridique essayant en vain
de se ménager les transporteurs par la promesse d'une exemption de
visite technique. Estimant que la précédente répartition
ne prend pas suffisamment en compte les contraintes budgétaires des
communes et du district d'Abidjan81, l'annexe fiscale de la loi des
finances 2005 contrarie ce dénouement. Celle-ci inverse la clé de
répartition des redevances transport. Elle attend reverser 60% des
redevances aux collectivités territoriales et 40% à l'AGETU en
adjoignant à l'agence une régie pour la gestion des redevances
d'autorisation de transport. Ce renversement de situation qui confine
désormais l'AGETU dans le rôle de guichet d'enregistrement la rend
tributaire des politiques de transport des communes dont le souhait est de
reprendre la gestion complète des redevances82.
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