1.1.3 L'intermédiation et le courtage présents
dans le commerce se retrouvent dans le transport
Aussi bien dans le commerce que dans le transport, on remarque
une importante implication des intermédiaires. En Afrique et notamment
en Côte d'Ivoire, dans les activités sociales et
économiques, on note une importante implication d'individus
«intermédiaires». Les activités liées au
développement des transports ne sont pas en reste. Dans ce secteur, on
note un fleurissement d'intermédiaires souvent informels. La logique
consiste pour ces courtiers à se transformer en protecteurs, ou en
guides qui vont même parfois dans les méandres de l'administration
avec lesquelles ils ont des relations d'une étendue variable.
63
communautaire. Mais parler de relations, c'est selon
(Merclé 2004) restituer aux comportements individuels la
complexité des systèmes de relations sociales dans lesquels ils
prennent sens, auxquels ils donnent sens. Les relations à
caractère familiales ou de dépendance sont les premiers recours
possible dans la constitution de la main-d'oeuvre dans les modes de transport
alternatif. Le lien contractuel verbal est fort et garantit un droit au
maintien, si les termes du contrat sont respectés. Les liens de
parenté entre entrepreneurs limitent également les renvois
systématiques. Le transport a été et reste encore un
secteur de placement social (SSATP 2001). Les différents acteurs y
amènent souvent leurs parents proches pour l'apprentissage d'un
métier qui culmine avec celui de chauffeur, d'apprenti ou de
chargeur.
Dans un contexte économique où les institutions
chargées de l'emploi formel sont mises à rude épreuve, les
relations de parenté sont donc mises à contribution afin de
satisfaire ce besoin. Aussi, les membres de la cellule familiale
constituent-ils une réserve de main-d'oeuvre indispensable pour le
responsable chargé de recruter du personnel ou pour celui qui
achète un véhicule de transport. Ce choix porté sur les
membres de la famille est également fonction des valeurs
traditionnelles. En effet, la société africaine s'est depuis
toujours distinguée par son attachement à la structure familiale.
Le marché du travail est en même temps un marché de
relations sociales. Ainsi dans les relations de travail, les rapports sociaux
lignagers prennent parfois le pas sur les règlements officiels. Le
recrutement d'un grand nombre d'entrepreneurs du secteur des woro-woro est
caractéristique des droits et obligations en vigueur dans la
société africaine (Hernandez 1995). On peut donc en
déduire avec Tbou Sané que «l'informel», s'il constitue
une réponse de survie, semble correspondre assez bien aux valeurs
socio-culturelles africaines.
La réussite ainsi que l'ascension des activités
dites informelles ne tiennent point du miracle, mais découlent d'une
organisation socio-économique où la solidarité et la
confiance sont les maîtres-mots (Sané 1993). Le
développement des initiatives alternatives de mobilité
n'apparaît donc pas comme un phénomène nouveau et
isolé. C'est une transposition de pratiques commerciales,
économiques
64
et culturelles des Africains à l'automobile. Elles
prennent des noms divers dans les Etats et se sont développées de
manière significative en rapport avec le développement progressif
des grandes villes comme l'indique le tableau suivant
Tableau 4: Quelques modes de transports en
Afrique
Pays
|
Appellation locale
|
Bénin
|
Zemidjan (prends-moi vite, transport rapide et porte à
porte)
|
Kenya
|
les emergency taxis (taxis collectifs d'au plus 7 places), puis
les commuter buses (bus de liaison, en majorité des minibus
|
Congo Brazza
|
foula-foula (qui va vite, se faufile, on ne peut pas
l'attraper)
|
Cameroun
|
Bendskin (penche-toi pour mieux t'accrocher au véhicule ;
danse traditionnelle de l'Ouest du Cameroun)
|
Kenya
|
Boda-boda (border to border)
|
Niger
|
Kabu-kabu (haoussa)
|
Nigeria
|
Okada
|
Ouganda
|
Boda-boda (border to border)
|
Sénégal
|
Ndiaye ndiaga (mouride), car rapides
|
Togo
|
Oléyia (Ewé) = est-ce que tu vas?
|
Côte d'Ivoire
|
Woro-woro (manlike) (30f, 30 f)
|
Source: Adapté des travaux de (Diaz
Olvera, Plat et al. 2007)
Actuellement, dans la ville d'Abidjan et notamment à
Yopougon, le secteur des transports alternatifs est essentiellement entre les
mains de néo-citadins et natifs de souche qui se sont en
réapproprié un certain nombre d'enseignements socioculturels de
leur terroir pour sortir de la marginalité dans laquelle les confine la
«ville formelle». Mais qui sont les animateurs de ces transports?
Au-delà du parallèle entre le déficit des moyens formels
de mobilité et la naissance de réponses alternatives de
mobilité, un autre fait que notre approche historique nous a
révélé est le rôle des Malinké dans la
trajectoire historique de ces transports.
65
|