1.1.2 Le portage, les dos d'ânes: des usages
détournés de
véhicules
Au nombre des moyens de déplacement utilisés par
les populations africaines dans leurs transactions commerciales, on note le
portage des marchandises, par les jeunes gens, des aides ou des esclaves ou
même de l'usage de dos d'animaux, notamment les ânes.
L'organisation du commerce peut être appréciée à
quatre niveaux: les pistes d'évacuation, les moyens de transport, les
intermédiaires (c'est-à-dire les agents de liaison qui jouaient
le rôle de transitaires pour l'expédition et la réception
des marchandises) et le réseau de distribution. Les pistes
d'évacuation, c'étaient les pistes terrestres,
créées et contrôlées par les commerçants, les
voies d'eau et quelques rares fois les routes officielles. Ces
commerçants par le moyen de portage, soit à travers des esclaves,
soit sur les dos d'ânes ou de chameaux, d'engins à deux roues, de
la pirogue (lorsqu'il s'agissait d'emprunter les voies d'eau), etc., assuraient
le ravitaillement des populations en cola, en bétail, en poisson
séché, en tissus, en or, et sel, etc. Mais, l'occupation
coloniale est porteuse de germe de mutation. Selon Pascal Labazée,
depuis leur indépendance, les États ouest-africains ont connu un
ensemble de mutations dont l'un des traits dominants est l'émergence
d'un monde des affaires composé de promoteurs nationaux. Le commerce dit
traditionnel est orienté vers la satisfaction de besoins nouveaux. En
outre, les établissements européens, disposant d'une rente de
situation à l'époque coloniale, privilégient les
opérations d'importation de
Ainsi, les conditions d'apparition des transports alternatifs
sont indissociables des pratiques du commerce africain basées sur des
relations de travail à base
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produits manufacturés au détriment de
l'exportation des produits du cru, jugée aléatoire.
«Confiné, à l'ère coloniale, dans le
négoce des produits de consommation dits traditionnels (cola,
bétail, bandes de coton, karité...), ou employé en tant
qu'intermédiaire par les sociétés de commerce
européennes, le grand commerce local a su progressivement adjoindre de
nouveaux produits à sa gamme: matériaux de construction,
quincaillerie, tissus, pièces détachées pour cycles et
automobiles, produits vivriers» (Labazée 1988).
Avec l'accentuation de l'importation des produits
manufacturés, les pratiques anciennes de portage et d'usage de dos
d'ânes ont évolué de façon significative. Dès
les années 30, les grands commerçants ont acquis des
véhicules de transport. Les camions, qui ont ainsi remplacé les
ânes ou les porteurs, leur confèrent un avantage certain. La
plupart des commerçants se sont équipés au cours des
années 50 et 60, ce qui a coïncidé avec leur insertion dans
la collecte du cacao, du café, dans la distribution en gros dans les
centres urbains et dans les transports urbains et interurbains.
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