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Socio-histoire d'une offre alternative de transport urbain: etude du cas des «woro-woro» de yopougon (abidjan, cote-d'ivoire)


par Yerehonon Jean Zirihi
Université Alassane Ouattara (Ex Université de Bouaké) - Doctorat  2015
  

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Chapitre 1 :

Aux origines des transports alternatifs

En Côte d'Ivoire et particulièrement à Abidjan, le premier type de transport collectif est apparu vers les années 1930. Constitués de taxis collectifs, les premiers véhicules de transport urbain à Abidjan étaient de marque Buick et Chevrolet et étaient au nombre de trois ou quatre voitures (Demur 1969)27 En 1952 le nombre est passé à 250 environ. Ils se sont multipliés jusqu'à 300 en 1962 avec des marques diverses (Ford, Vedette, Citroën, Peugeot, etc.) Ces véhicules prenaient les passagers à condition d'avoir de la place Le prix de la course était de 30 FCFA par personne quelle que soit la distance. D'où l'appellation de«30-30» qui signifie en malinké «woro-woro»28. À côté de ces véhicules «30-30», il y avait les minibus «1000 kilo» de marque Renault appelés «gbaka». Ce transport, avec l'accroissement de la ville, s'est progressivement étoffé pour donner lieu à un transport collectif privé.

Ainsi, la naissance d'initiatives en faveur d'une mobilité alternative dans l'espace urbain de Yopougon résulte du processus initié au cours des années 1950 dans la ville d'Abidjan, lorsque les populations africaines, propriétaires de véhicules particuliers ont entrepris d'exploiter la carence des transports publics formels. Dès lors, pour comprendre les facteurs de naissance des modes alternatifs de mobilité à Yopougon, il importe de les étendre au contexte général de la ville d'Abidjan dont Yopougon est une composante. Les circonstances de naissance et d'organisation de réponses alternatives de mobilité d'Abidjan doivent éclairer celles de Yopougon (Guibert and Jumel 2002).

27 Ces véhicules de transport étaient détenus par les Européens et certains groupes Syro-libanais.

28 Les surnoms donnés aux véhicules de transport collectif mettaient en valeur leur tarif.

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1.1 Les transports alternatifs: une naissance influencée par les pratiques du commerce africain

Selon (Bloch 1949), la recherche historique a pour fonction de révéler, à partir des traces dont on dispose, les faits du passé. Cette singularité de l'histoire dans le champ de la sociologie, nous permet de trouver dans les pratiques du commerce du passé les éléments d'explication des modes de transport africains qu'on observe aujourd'hui dans la ville d'Abidjan et notamment à Yopougon. Certes, l'analyse orientée vers la recherche d'une limite chronologique pertinente pour l'explication d'un problème du présent est d'un usage délicat selon (Dosse 1987). Mais dans ce travail, il n'est question que dans la stricte mesure où les pratiques du commerce précolonial d'autrefois pèsent sur les modes de transports alternatifs et commandent secrètement les enjeux des pratiques actuelles (Lepetit 1996).

Certains auteurs tels Diaz Olvera, Plat Didier, Pascal Pochet, Sahabana Maïdadi, Xavier Godard à travers les références faites aux différentes appellations de ces transports, semblent indiquer une correspondance entre les modes de transport africain et les pratiques de commerce d'autrefois. Les transports alternatifs trouvent leur origine dans les pratiques du commerce précolonial africain. Les deux pratiques se rapprochent par la similitude des mêmes groupes d'acteurs influents (les Malinké), par l'usage d'un moyen, même si le portage et l'usage de dos d'ânes ont été remplacés par le véhicule et par une implication importante des intermédiaires (syndicats). Néanmoins, là où les «30-30» relèvent d'une pratique informelle et non prévue à l'avance, le woro-woro dans sa tendance actuelle apparaît davantage organisé. Il s'agira alors, au travers de cette perspective historique de retrouver la filiation de cette pratique, mais aussi de comprendre le passage entre la pratique informelle qu'est le «30-30» à la pratique organisée du woro-woro actuel.

Des camions, la pratique se serait alors ensuite transposée sur les transports en ville. Puisque pendant la colonisation, on assiste à la fin du commerce caravanier,

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1.1.1 Le commerce précolonial à longues distances, le berceau des transports alternatifs

«Les structures du passé se prolongent dans le présent et le sociologue est appelé à enregistrer le mouvement qui caractérise les phénomènes sociaux car, dans le chantier de l'histoire, il retrouve ses matériaux, ses outils, son vocabulaire, ses problèmes, ses incertitudes même»(Braudel 1969).

L'histoire des transports alternatifs est très étroitement liée à celle du commerce actuel. Leur émergence et leur développement sont le produit à la fois de l'évolution des pratiques de ce commerce, de sa complexification et des relations entre l'Etat et les groupes d'acteurs qui l'animent.

Les modes de transport de type africain, les termes comme les acteurs donnent l'impression d'être nés avec la création des villes africaines actuelles. Pourtant, il est possible de trouver des correspondances entre ces modes de transport et d'autres usages du passé. Un ensemble de pratiques sociales et économiques préexistait à l'établissement colonial. Ainsi, les pratiques du commerce à longues distances d'autrefois se rapprochent de celles d'aujourd'hui. Les deux pratiques se ressemblent par la forte implication des mêmes individus issus du même groupe socioculturel Malinké. Le transport des gbaka et des woro-woro pourraient alors venir de la transposition des pratiques du commerce de ces acteurs d'abord sur le transport des marchandises inter-Etat. À ce titre, Pascal Labazée, Yves Fauré donnent une belle illustration:

«Ces hommes d'affaires sont venus au transport après avoir tenu une boutique, fait du commerce régional transfrontalier ou du commerce à longue distance pour les plus âgés. Ils investissent progressivement dans tous les types de transport, y compris ceux plus coûteux en capital, des hydrocarbures et du transport du bois. Ils sont également à l'origine du fort développement, en Côte d'Ivoire, du transport de personnes, interurbain ou régional les taxis-brousse» (Fauré and Pascal 2002)

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au renforcement du commerce de traite né des comptoirs européens à l'intérieur des espaces territoriaux issus du partage colonial. Aujourd'hui, plusieurs études attribuent à ces transporteurs la qualité de «Dioula transporteur» (Aka 1988; Dembélé 2002; Kassi 2007). Ainsi, la présence des entrepreneurs Dioula dans le transport est très ancienne et remonte à l'époque coloniale. Selon Harding et Pierre Kipré, le transport est à la fois ce qui a facilité l'adaptation des Dioula aux flux imposés par le capitalisme colonial.

«Ils sont dès les années 1930 les plus nombreux à introduire une demande d'autorisation de transport en commun. En 1935, 89 % des transporteurs sont des Africains. En 1938, ils sont 98 % »(Kipré, Harding et al. 1992).

Le commerce du cola a engendré de longs déplacements de commerçants à travers des espaces économiques entre le Nord et le Sud de la Côte d'Ivoire. Mais l'occupation coloniale a ruiné ces échanges traditionnels. Les signes précurseurs de ces changements sont nés avec l'intervention coloniale qui a modifié l'organisation des échanges avec l'introduction de nouveaux produits. C'est ainsi que les anciens pôles de développement ont été délaissés au profit d'Abidjan et de Bouaké qui se sont réveillé avec les routes et le chemin de fer29. Dans le même temps, Anyama qui est une banlieue d'Abidjan était devenue la plaque tournante du commerce du cola30.

Toutefois, l'implantation coloniale française n'a pas éteint le dynamisme des Dioula. Bien au contraire, ils ont exploré d'autres secteurs d'activité dont le transport. À l'époque coloniale, ce sont ces Dioula et les Sénégalais qui furent les premiers autochtones à investir le secteur des transports. À la fin de la Deuxième

29 Entre 1955 et 1965, la population urbaine s'est accrue en moyenne de 10% par an avec de fortes inégalités: + 10 % pour Abidjan, +0,7 % pour Bouaké, + 10 % pour les quatre villes

moyennes de plus de 20 000 habitants (Daloa, Man, Korhogo, Gagnoa).

30 Anyama était non seulement une zone productrice du cola, mais favorisait doublement le commerce de produit à cause de la voie ferré qui facilitait les transactions entre les régions de la boucle du Niger et la zone forestière. On trouvait aussi à Anyama le jonc qui facilitait l'emballage du cola.

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Guerre mondiale, sont apparues les premières entreprises de transport collectif pilotées par des autochtones qui étaient restées pendant longtemps la chasse gardée des Européens et des Libano-Syriens. C'était l'époque où la carrosserie des véhicules était transformée, consolidée pour supporter l'état des infrastructures ivoiriennes et augmenter la capacité de charge. Avec l'aide des forgerons, on effectuait les modifications nécessaires pour adapter les véhicules à leurs nouvelles fonctions. Au fil du temps des initiatives individuelles se sont organisées pour constituer une véritable corporation de transporteurs. Il s'agit principalement du transport collectif par le moyen des «1000 kilo» appelés gbaka et des «30-30» ou woro-woro.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery