Socio-histoire d'une offre alternative de transport urbain: etude du cas des «woro-woro» de yopougon (abidjan, cote-d'ivoire)par Yerehonon Jean Zirihi Université Alassane Ouattara (Ex Université de Bouaké) - Doctorat 2015 |
1.1.3 La SOTRA et l'option de monopole de service publicLa bataille contre les modes de transports hérités de la période coloniale s'accentue après l'indépendance, notamment avec la création de la SOTRA. L'argument principal repose sur l'idée de construction d'une capitale moderne68. Cette approche idéologique de la ville d'Abidjan s'exprime aussi bien dans le registre des représentations que dans celui des mesures concrètes d'exclusion, car Abidjan est un lieu privilégié pour l'observation d'une société ivoirienne en devenir (Couret 1997). En liaison avec la vision de donner une planification 68 Cette approche, correspond au mythe et à l'idéologie d'une société «moderne» chers à l'État ivoirien et à son premier Président. Dans cette conception, Abidjan est la vitrine de l'édification d'une société ivoirienne moderne. Là où les signes du progrès sont les plus lisibles dans le paysage, l'expression d'un projet total de réalisation d'une société nouvelle. 150 cohérente à la ville d'Abidjan, les transports dits artisanaux sont exclus des périmètres urbanisés au profit de la SOTRA, nouvellement créée. Dans un contexte du tout à la modernité, l'éviction de ces transports s'accompagne de la concession du monopole à cette compagnie même si les potentialités techniques et infrastructurelles de cette entreprise sont encore faibles (Lombard and Zouhoula-Bi 2009). De cette représentation découlent, l'élaboration d'un ensemble de réglementations et de construction de contraintes juridiques qui exigent à ces transports leur aggiornamento ou de s'installer hors de toute zone réglementée. Les mesures de 1960 et les modifications législatives successives au tournant des années 1961 et 1977 précisent clairement cela. L'arrêté municipal n° 29 du 3 décembre 1960 interdit la circulation des transports en commun autres que les autobus et les taximètres. En 1961, la SOTRA obtient le monopole des transports collectifs urbains: «il est interdit à compter du 1er août 1961, sur le territoire de la commune d'Abidjan, sauf dérogation prévue à l'article 9, l'exploitation des voitures de place, et autres moyens collectifs de transport, à l'exclusion des véhicules munis d'un compteur taximètre et des autobus dont l'exploitation est assurée par la SOTRA69». Mais c'est à partir du 1er juillet 1964 que le monopole de la SOTRA devient effectif. Toutefois, les propriétaires des taxis collectifs reçoivent en compensation des autorisations de transport sur des lignes non urbaines ou des vignettes de taxi-compteur70. Ce qui a donné naissance à deux modes de transport au niveau de la ville d'Abidjan: l'un dit formel et l'autre dit informel. Le 02 mai 1977, bien que des difficultés structurelles liées à la croissance démo-spatiale de la ville d'Abidjan et en dépit de la réduction du parc auto de la SOTRA, les responsables de la ville d'Abidjan obtiennent le renouvellement du monopole. Celui-ci est 69 L'arrêté municipal n° 29 du 7 avril 1961 70 http://www.rezoivoire.net/annuaire/article/6/la-societe-des-transport-abidjanais-sotra.html, consulté le 20 mars 2012. 71 Des bus transportant uniquement des ménagères et commerçant en direction du marché d'Adjamé. 151 prorogé malgré tout, puisque dans le même temps, la SOTRA a diversifié son offre en direction des marchés urbains à travers les (taxis-bagages)71. |
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