3.3 Le woro-woro: une évolution dans le prix de
la course
«woro-woro est un terme malinké voulant dire
six-six car à l'époque la course coûtait 30 FCFA (6
pièces de 5 FCFA). Aujourd'hui le prix
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de la course a largement augmenté, au minimum 100 FCFA.
Ainsi, pour relier l'Université de Cocody à Marcory, il vous en
coûte seulement 200 FCFA en bus (certes debout dans la chaleur et la
sueur avec des arrêts très fréquents), et au mieux 600 FCFA
en woro-woro avec un changement» (Soko 2010).
L'intérêt des woro-woro et leur
attractivité viennent de leur coût relativement bas mais aussi et
surtout de la satisfaction qu'ils procurent en termes de rapidité.
Cependant, les revenus procurés par l'exploitation d'un taxi demeurent
limités à cause du trop grand nombre d'acteurs impliqués
autour d'un agrément. Si les propriétaires des véhicules
renouvelaient le parc automobile, si chacun était imposé à
la mesure de ses revenus, la rentabilité et l'efficacité du
modèle abidjanais des taxis collectifs, ainsi que les
rémunérations qu'ils produisent, diminueraient. Ainsi,
l'exploitation d'un woro-woro aux conditions économiques passées
est impossible sans un réajustement progressif du prix à la
course au coût élevé de la vie actuelle. Plusieurs facteurs
ont rendu possible cette mutation du prix de la course du woro-woro. Il s'agit
notamment de la hausse du prix du carburant, du rallongement des distances, de
la pression de la recette exigée au chauffeur et de la forte demande
sociale de mobilité.
3.3.1 La hausse du prix du carburant, un facteur de
l'évolution des prix de la course
Le transport en commun est un moyen de limiter les
dépenses associées à l'automobile, particulièrement
pendant les fortes hausses du prix du carburant (Godard 2002). Mais, ces
transports deviennent chers au fil du temps à cause des tarifs qui
s'ajustent suivant de multiples facteurs, parmi lesquels le carburant qui reste
une donnée importante avec ses implications sur la tarification. La
montée vertigineuse du cours du pétrole date des chocs
pétroliers de 1973 et 1979 ou plus récemment en 2000 et 2005,
2007 et 2008. Au cours de l'année 2005, le prix du gasoil est
passé de 470 et 475 F CFA à 540 et 545 F CFA, soit 70 F CFA
d'augmentation par litre. Or tous les woro-woro utilisent le
gasoil64, qui a subi une plus forte hausse. Comme le montre cet
extrait de deux journaux locaux; «L'Inter» et «Fraternité
Matin».
64 L'Inter, 08/07/2008
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«On va mourir. Ce sera terrible de se déplacer et
manger. Depuis hier, on n'entend plus que ces lamentations dans les woro-woro
et gbaka à travers les rues d'Abidjan. C'est que le prix du transport a
pris l'ascenseur dans la journée, suite à l'augmentation du prix
du carburant intervenue la veille. Pour cette première journée,
le tarif du transport interurbain a été majoré de 150 F
voire, 200 F pour certaines destinations». (L'Inter,
08/07/2008)
«Il s'agit particulièrement des taxis communaux et
intercommunaux communément appelés woro-woro, des minicars
urbains ou gbaka. Pour les cars de transport de plus de 50 places, le
gouvernement a souhaité que l'augmentation se fasse en fonction de la
distance parcourue par le véhicule. Et la marge fixée varie entre
un minimum de 100F (pour les cars exerçant leurs activités dans
un rayon de 50 km) et un maximum de 1500 F (pour les cars parcourant plus de
450 km). Ainsi, et selon le souhait du gouvernement qui entend par là
éviter l'anarchie sur le terrain et les augmentations sauvages des prix
du transport, la course pour un taxi communal qui pratiquait un tarif de 250 F,
ne devrait pas excéder le tarif de 300 F, avec ces nouvelles
propositions. Tout comme un Gbaka de Yopougon à Niangon qui encaissait
par client 300 F, ne devrait qu'en demander 350 FCFA désormais. [...] On
s'en souvient, cette hausse qui varie de 50 à 100 francs en fonction des
destinations, est intervenue dès l'annonce de l'augmentation du prix du
carburant à la pompe. Ainsi, Adjamé-SIDECI qui coûtait 300
francs est passé à 350 francs. Le coût du transport du
quartier Niangon est lui aussi passé à 350 francs au lieu de 300
francs. Pour la destination Adjamé-Siporex, il y a eu une augmentation
de 50 francs. (Frat. Mat. du mardi 8 juillet 2008)
D'après ces deux extraits, le carburant
représente le facteur le plus important des coûts de production
des taxis collectifs. À chaque augmentation du prix du carburant, on
note une modification à la hausse du prix de la course des taxis
collectifs. Depuis les années 2000, des hausses régulières
interviennent sous la pression des syndicats des chauffeurs, motivés par
la hausse du coût de la vie et du prix du carburant. On est ainsi
passé d'un mode de transport au prix de la course relativement bas
à une situation de cherté.
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