3.2.4 Le chauffeur en second
Il joue pratiquement le même rôle que le chauffeur
titulaire, mais son embauche se fait par le titulaire qui en informe le
propriétaire. Malgré, l'immensité de sa tâche, il
n'est pas rémunéré par le propriétaire avec qui il
n'a aucun contrat. Le chauffeur en second n'a pas de salaire, même si
dans certains cas rares, il reçoit
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entre 5000 et 10000 FCFA mensuellement de la part du chauffeur
titulaire. Dans un secteur où les conditions de travail sont à la
limite de la résistance humaine puisqu'elles impliquent une
journée de conduite de l'ordre de 14 heures, les conditions de travail
du chauffeur et en particulier du chauffeur en second ne sont pas sans poser
des problèmes. D'où l'intervention d'un troisième
chauffeur dans certains cas, appelé le «en cas de cas».
3.2.5 «Le en cas de cas»
Cette troisième catégorie de chauffeur ne roule
pas régulièrement. Il n'a pas de salaire. De plus, si le contrat
qui lie le chauffeur titulaire au propriétaire exige que celui-ci
connaisse le chauffeur en second, «le en cas de cas», lui n'a pas
cette possibilité. Il est juste sollicité pour des tâches
intérimaires temporaires et s'en sort grâce au surplus de recette
qu'il garde sur lui après le versement du montant que lui exige son
employeur. Le point de vue de ce chauffeur dans l'encadré suivant donne
à peu près une idée du «en cas de cas».
«Sur le taxi! Bon, comme souvent il y a des
problèmes quand l'autre est malade, tu es obligé de chercher un
second et donc souvent on est trois, voilà. Les trois ne sont pas
payés. Le troisième on l'appelle «en cas de cas. Lui, il ne
roule pas régulièrement comme ça. Par exemple quand je
suis en train de travailler et qu'un problème m'oblige à aller en
famille, je fais appel au «en cas de cas» qui vient achever ma
journée et me verse la recette. Quant au chauffeur en second, il verse
directement sa recette au propriétaire comme le chauffeur principal.
Lui, on fait ça pour pouvoir payer ses besoins. Le premier à qui
on a donné la voiture c'est lui que le propriétaire
connaît. Maintenant toi tu cherches ton second et tu l'envoies chez le
propriétaire. Ah! C'est avec celui là que je vais travailler.
Maintenant en fonction du salaire vous vous départagés entre vous
(le titulaire et le second). Le patron paye le premier et c'est lui qui doit
s'arranger avec son collègue (le second). «Le en cas de cas»
n'est pas dedans.» (P.N 13. 12 2012)
Les chauffeurs de woro-woro accomplissent de longues
journées de travail, car leurs revenus dépendent du nombre de
courses qu'ils effectuent. Pour cela, les chauffeurs dépassent souvent
les vitesses autorisées sur les routes pour plus de profits
immédiats et ils sont dans beaucoup de cas désignés comme
responsables
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des accidents de la circulation et des embouteillages.
Malgré des chiffres d'affaires importants, les revenus procurés
par l'exploitation d'un taxi demeurent limités à cause du trop
grand nombre d'acteurs impliqués autour d'une autorisation. Seul un
comportement enfreignant les règles élémentaires de la
circulation routière (dépassement des vitesses autorisées
et des lignes blanches, arrêts inopinés) permet aux chauffeurs du
woro-woro de réaliser un nombre quotidien de courses suffisant pour
dégager des revenus. Les chauffeurs prennent peu de jours de
congé et ne sont pas affiliés aux organismes de
sécurité sociale. Ils dépassent les vitesses
autorisées sur les routes pour plus de profits immédiats et ils
sont souvent désignés comme responsables des accidents de la
circulation et des embouteillages. «L'humour des Ivoiriens surnomme ces
véhicules «le cercueil roulant» en raison de leur conduite
imprévisible et en référence aux pratiques de «
danseurs de cercueil ». Le cercueil, évolue dans tous les sens pour
désigner le sorcier, responsable de la mort du défunt. Pour
Claude Vidal,
«à Abidjan, les pratiques de la conduite sont
autant de comportements à mettre en rapport avec la catégorie
sociale des conducteurs et les conditions spécifiques de leur
accès à l'automobile: un jeune chauffeur, peu scolarisé et
mal payé, qui, à raison de plus de dix heures par jour, conduit
une camionnette en mauvais état, n'a certainement pas en matière
de sécurité les mêmes pratiques qu'un cadre d'entreprise
roulant dans sa propre voiture. Les chauffeurs professionnels, en surnombre,
détenteurs d'un permis plus ou moins acheté, souvent le substitut
d'un diplôme scolaire demeuré hors d'atteinte, ils ne sont pas en
état de refuser des conditions de travail désastreuses au sens
plein du terme, Le cycle du taxi est à cet égard
particulièrement significatif, En 1975, les compagnies d'assurances
refusant les taxis. Le Président du Syndicat National des Transporteurs
reconnaît que, durant l'année 1975 sur 2043 taxis en
activité dans la capitale, 1800 ont eu des accidents 88 % d'entre
eux!»(Vidal 1986)
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