3.1.2 Le woro-woro une activité de survie
La multiplication des initiatives face aux contraintes de
l'environnement socio-économique témoigne d'une certaine
réalité. Près de 80% de la population ivoirienne comme
partout en Afrique subsaharienne vivent en marge du système
d'accumulation depuis un demi-siècle (Hugon 1992). L'ouverture des
populations aux opportunités et stimuli du marché et le fort taux
de croissance démographique, auxquels il faut ajouter dans certains cas
les effets de la mauvaise gouvernance, ont déclenché un processus
de paupérisation et de prolétarisation des populations (Metougue
2004). Avec la chute des revenus il y a impossibilité d'accéder
aux services de base que sont l'alimentation, l'éducation, la
santé, le logement, la protection sociale. Face à cette
marginalisation, se sont multipliées des initiatives individuelles ou
collectives visant à faire face aux besoins qui ne sont pas pris en
compte par la classe politique et surtout pour satisfaire les besoins primaires
de ces populations. C'est dans ce contexte qu'on a pu constater la
montée du phénomène de woro-woro dans la capitale
économique ivoirienne au cours de ces dernières années
(Konaté 2001). À tous les niveaux d'organisation de
l'activité de transport, on retrouve des groupes spécifiques
d'entrepreneurs dynamiques et
133
opportunistes. Mais posséder un taxi à Abidjan
réclame un investissement initial important62 qui, une fois
réalisé, doit être amorti
3.1.3 Le woro-woro, un secteur d'activité de plus en
plus
ouvert
Le travail lié au woro-woro est une activité
qu'on exerce en attendant, d'autant plus que les conducteurs eux-mêmes
estiment que la concurrence devient très forte. Tous les jours, de
nouveaux véhicules sont mis en service. En attendant, c'est un
métier qui permet aux chômeurs et aux citadins
déscolarisés de gagner leur vie. Dans l'encadré suivant,
on retrouve les avis de certains jeunes que nous avons rencontrés
- Raphael, niveau d'études
3ème, j'ai fait un apprentissage en
électronique. Mais quand il a fallu travailler, je n'avais que le
woro-woro comme seul choix
-
- Sam, niveau d'études 2nde
année université, j'ai d'abord été agent de
sécurité dans une ambassade de la place. Le woro-woro a
été sa seule opportunité à un moment
donné.
-
- Ismaël, niveau d'études
4ème, j'ai été chauffeur dans 3
entreprises différentes avant de faire le gbaka. C'était la seule
opportunité qui s'est présentée à moi. -
- Pascal, niveau d'études
6ème, je possède une formation en plomberie,
j'ai déjà travaillé comme plombier. Le woro-woro a
été le seul choix qui s'est présenté à
moi.
-
- Loué, niveau d'études
maîtrise en sociologie. J'ai d'abord travaillé avec une ONG avant
de devenir conducteur de woro-woro en 2011
Source: nos entretiens
Par le passé, la profession de transporteur en
général et particulièrement le métier de chauffeur
de taxi était essentiellement alimenté par les Dioula (Aka 1988;
Dembélé 2002; Kassi 2007). Mais depuis plus d'une vingtaine
d'années, la profession est de plus en plus investie par les originaires
des zones pauvres de
62 Le «France au revoir» est vendu entre 3
et 4 millions selon la qualité l'âge et la marque.
134
l'espace urbain où convergent en quasi permanence une
importante migration d'origine rurale et les classes moyennes frappées
par la récession économique. Sur la base des entretiens que nous
avons menés, on note une diversité d'origine géographique
des chauffeurs comme le montre la (fig. 3).
Graphique 2: Origine géographique des
entrepreneurs du secteur des woro-woro
L'étude réalisée par Kassi en 2007 sur la
répartition des chauffeurs des woro-woro par secteur d'activité
et par nationalité donne les résultats suivants: sur un
échantillon de 242 chauffeurs des taxis communaux, on note 83, 2 %
d'Ivoiriens pour 16,8 % de non nationaux. C'est aussi dans ces mêmes
proportions que les Ivoiriens se signalent au niveau des woro-woro
intercommunaux avec 78,8 % pour 20,2 % des non nationaux (Kassi 2007) contre
seulement 0,33 % dans les années 1960.
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