2.3.3 Le woro-woro comme un ajustement de la demande
sociale de mobilité à la crise
L'avènement des woro-woro intercommunaux a
renforcé des comportements déjà amorcés avec les
difficultés de la SOTRA à partir de la crise des années
1980. Face au renchérissement du coût de la vie, au niveau du
transport public, on note un bouleversement des habitudes de mobilité,
notamment avec l'avènement de la
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dévaluation du FCFA de janvier 1994. La crise a
contribué à modifier les habitudes de mobilité des
populations en favorisant le partage du coût du trajet entre passagers
«arrangement» dans les déplacements domicile-travail au
détriment d'un déboursement personnel du coût en taxi
compteur61. Le renchérissement du coût de la vie, le
chômage, la libéralisation de l'importation des véhicules
usagers dits «France au revoir» ainsi que les faiblesses de l'offre
de la SOTRA ont contribué au renforcement de tels comportements comme le
fait remarquer Konaté Yacouba,
«Les ménages réduisent leur train de vie et
cherchent à tirer le meilleur avantage des richesses qu'ils .ont pu
accumuler au temps de la croissance. Des propriétaires louent leur
maison pour ensuite devenir eux-mêmes locataires à moindre
coût. Des voitures de loisir et de tourisme deviennent des taxis
collectifs. On les appelle woro-woro à Abidjan [...] Son activité
répondant de toute évidence à un besoin de la population,
il est vite rejoint par de nombreuses voitures [...] Suivant son exemple, de
nouvelles lignes sont créées ailleurs si bien qu'aujourd'hui, la
ville d'Abidjan peut être parcourue de part en part en taxi woro-woro.
Les usagers s'en félicitent en ce sens qu'ils ne sont plus
obligés de se soumettre aux retards de la société des
autobus» (Konaté 2001).
Au total, ce paragraphe a permis de comprendre comment les
moments de crise qui ponctuent les décennies 1980 et1990 se sont
révélés comme des moments propices à la
construction d'itinéraires alternatifs d'accès à la ville.
Les difficultés engendrées par la crise amènent les
populations précarisées à s'en remettre à
l'aléatoire du destin, à investir des espaces a priori
improductifs afin de les exploiter pour assurer leur subsistance(Hurtubise and
Vatz Laaroussi 2002). Le développement des taxis collectifs est de cet
ordre. À ce niveau, l'un des changements notables opérés
est la transformation observée depuis quelques temps dans la structure
de fonctionnement de ces taxis collectifs
61 Le taxi compteur est le mode proposant la
moins mauvaise qualité de service, mais son coût est quasi
unanimement jugé trop élevé. Le taxi-compteur, transporte
sa clientèle à travers toute la ville. Le prix de la course est
fixé par un compteur. Peu onéreux pour la clientèle
européenne, les taxi-compteurs restent coûteux pour une grande
majorité de la population abidjanaise.
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