1.3.3 Un transport qui naît sur fond de distinction
entre quartier européen et quartiers africains
Les politiques d'administration coloniales qui ont
établi des différences entre les espaces à
l'intérieur de la ville ont permis d'ériger un
périmètre urbain et de contrôler son accès.
«Dans la cartographie de l'espace colonial, la ville
occupe une place à part. Elle joue le rôle d'interface entre la
métropole, dont elle est souvent le prolongement littoral, et la
colonie. La ville européenne est conçue comme un espace
borné, encadré par un maillage serré de
règlementations et délimité d'accès
juridiquement» (Georg 2006).
La ville d'Abidjan est bâtie en sorte que les quartiers
réservés aux Africains soit isolés. La bipartition de
l'espace a pour conséquence l'érection de frontières entre
les Noirs et les Blancs qui composent la population. Jusqu'en 1934, la
séparation
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était accentuée par l'absence de liaison
permanente entre Anomabo et le Plateau. Le bac qui relie les deux rives cessait
de fonctionner à la tombée de la nuit. Plus tard, le pont
métallique flottant réduira l'étanchéité de
la séparation, sans pour autant conduire au brassage des populations
Noirs et Blancs se rencontraient uniquement dans le cadre professionnel. Suite,
à l'ouverture du canal de Vridi et l'intensification des
activités34 du port d'Abidjan en 1950, trois types de
transport de passagers apparaissent dans le paysage urbain abidjanais. Ce sont
les taxis-compteurs (pour la ville «blanche»), les taxis-ville
(woro-woro) et les minicars (gbaka) pour ce qui est des quartiers africains
(voir le schéma suivant).
34 L'ouverture du canal de Vridi décide du
boom démographique d'Abidjan. Long de 2,7 km, large de 370
mètres, il permet l'accès au site lagunaire à des bateaux
de près de 15 mètres de tirant d'eau. Le wharf de Port-Bouët
est immédiatement abandonné au profit port. L'aménagement
du port en eaux profondes fait tripler le trafic qui passe entre 1948 et 1958
de 430 000 tonnes à 1300 000 tonnes tandis que la population d'Abidjan
passe de 48 000 habitants à 120 000 habitants.
Treichville, quartier africain, Zone de desserte des
«30-30»
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Champs de la population Ebrié et Akié
Adjamé, quartier Africain
(Zone des 1000 kilos)
Pont flottant (Marche)
Plateau, ville blanche, capitale de la colonie
Lagune
Marche
Schéma 2: Schéma du transport de la ville
d'Abidjan avant l'avènement de la SOTRA en 1960
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Mais très vite, ces structures de transport vont
connaître une évolution remarquable, suite à l'expansion
démo-spatiale d'Abidjan. Depuis les années quatre-vingt, la
généralisation des administrations communales dans les questions
d'intérêt urbain et dans l'attribution des autorisations des
titres de transport ont de fait contribué à la tolérance
et au succès des taxis dans les banlieues subitement devenues des
communes. Yopougon et Abobo L'aménagement de la ville d'Abidjan a fait
apparaître une nette distinction entre les quartiers de résidence
et les quartiers d'emploi. Ce principe de zonage qui date de l'administration
coloniale se traduit par une délimitation très nette des zones
d'emplois, favorisant ainsi la convergence d'importants mouvements des grandes
cités dortoirs (Abobo, Yopougon, etc.) vers les seules communes du
Plateau et de Treichville. Ce qui rend quasi inefficaces les structures de
transport organisé qui ont du mal à répondre à la
demande exprimée (Aka 1988).
L'extension des zones urbaines constitue un
phénomène mondial touchant depuis quatre décennies
l'Afrique subsaharienne. Les enceintes des villes n'existent plus et
l'urbanisation s'étend très loin de la cité. La
périphérie devient synonyme d'éloignement qui joue un
rôle primordial dans le choix des modes de transport. Pour (Godard 2006)
la plupart des villes africaines connaissent des problèmes qu'on
pourrait indifféremment lier au plan social, au développement
spectaculaire des villes et à une paupérisation croissante des
populations exprimant une forte demande de mobilité urbaine.
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