B- L'absence de révision globale de
l'organisation de l'État
En effet, l'absence de révision globale de
l'organisation de l'État fait coexister deux structures, l'une formelle
(structure hiérarchique) et l'autre informelle (structure
du nouveau cadre financier). Or, seule le RP est appelé à
rendre compte devant le Ministre, (le Parlement) et autres structures
administratives spécialisées, sur les résultats des
actions publiques. Il assume donc la responsabilité des résultats
sans disposer des marges de manoeuvre administratives et/ou politiques
nécessaires pour ce faire. Ensuite, la mise en oeuvre d'une
réelle dynamique d'évaluation, de responsabilisation et de
reddition des comptes implique donc au moins deux conditions. La
première est de rendre effective la responsabilité
managériale attribuée aux responsables de programme. Ce qui
suppose leur donner la légitimité et les marges
nécessaires pour mener les relations de dialogue de gestion, de pilotage
et d'évaluation, avec le Ministre de rattachement, avec les
échelons inférieurs mais également avec les autres
directions de moyens internes ou externes. La seconde condition est de
renforcer la responsabilité des politiques,
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(Ministres et Parlement), sur les missions, niveau
supérieur aux programmes, et de leur permettre de disposer de
dispositifs qui assurent une imbrication entre les performances individuelles
et les performances des programmes.
La LOLF par exemple, oblige donc à rompre avec une
tradition française qui veut que la réforme de l'État soit
distinguée de la réforme de la gestion publique180. En
effet, la réforme des finances et des règles de la gestion
budgétaire de l'État, semble difficile en l'absence d'une
révision de l'organisation de l'État et des mécanismes de
gouvernance. Aussi, la réforme met en évidence la
nécessité d'aller au-delà de la dualité qui a
longtemps caractérisé les structures publiques avec un
modèle de régulation politico-administratif centralisé et
des relations pyramidales hiérarchisées181. En
introduisant ce niveau intermédiaire, qu'est la régulation
managériale, sans réellement remettre en cause le modèle
existant, elle accentue donc de fait le flou entre les différents types
de responsabilité.
De manière plus large, la réforme met en exergue
l'équilibre difficile à trouver et l'effort d'adaptation
nécessaire pour mettre en oeuvre les doctrines du New Public Management
(NPM). En effet, si la doctrine du NPM prend les couleurs du paysage politique,
structurel et économique qui l'accueille, ses principes
intrinsèques impliquent des exigences spécifiques en termes
d'évolutions organisationnelles et institutionnelles. Aussi, comme pour
d'autres réformes menées sous le label NPM, la LOLF est
marquée par un enjeu d'équilibre à savoir, autonomiser et
responsabiliser les administrations sans remettre en cause la
légitimité politique de l'État.
Conformément au modèle wébérien,
en effet, la légitimité politique de l'État se fonde sur
l'administration bureaucratique comme forme d'organisation rationnelle de
l'action publique et sur la règle de droit comme instrument de l'action
publique182. Or, le NPM introduit une remise en question à
deux niveaux. Au niveau de l'action publique en elle-même, qui n'est plus
uniquement limitée aux activités des administrations. Il existe
en effet, d'autres modes de mise en oeuvre que la seule administration, ce qui
produit une hybridation des modèles organisationnels
180 GREFFE Xavier, « Gestion publique ».
Dalloz, Paris. 1999
181 THOENIG Jean Claude, « L'ère des technocrates
». L'Harmattan, Paris. 1987
182 DURAN Patrick, « Légitimité, droit et
action publique ». L'année sociologique 59 (2),
p.303-344.2009
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car le pilotage de l'action publique dépasse le seul
pilotage des administrations. Au niveau de la règle, le droit n'est plus
le seul outil ou instrument de l'action publique, il doit cohabiter avec
d'autres outils et plus particulièrement ceux du management. Par
conséquent, s'il ne remet pas en cause la légitimité
politique de l'État, le NPM interroge néanmoins son modèle
d'exercice du pouvoir, ses structures, ses mécanismes de gouvernance et
ses outils.183 .
183 MARCHESNAY M., (2011). Gouvernance et performance des
organisations. Les limites de la doxa managériale. Innovations
36 (3), 131-145.
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