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La nouvelle gouvernance financière en zone CEMAC et les droits budgétaire et comptable de la république centrafricaine


par Serge Steeve Thierry TENGUEDET
Université de Yaoundé 2 - Master 2 Recherche en Droit Public 2018
  

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Section 2 : Une responsabilité managériale du Responsable de programme.

Du fait de leur positionnement, les RP sont au centre de la démarche de gestion par les résultats instaurée par le nouveau cadre des finances publiques. Toutefois, comme pour beaucoup d'autres objectifs attendus de la réforme, leur rôle et la responsabilité managériale qui leur ait confiée ne semblent pouvoir s'affirmer. Dans cette deuxième partie nous nous intéressons plus spécifiquement aux marges de manoeuvre dont disposent ces acteurs budgétaires clés. Nous mettons ainsi l'accent sur trois principaux facteurs limitatifs de leur exercice de la responsabilité managériale (Paragraphe 1), puis l'implication de la réforme dans la gestion publique et réforme de l'État (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Précisions méthodologiques du nouveau cadre des finances publiques

Nous mettons ainsi l'accent sur trois principaux facteurs limitatifs de leur exercice de la responsabilité managériale notamment, la faible implication dans le processus de prise de décision budgétaire en raison du chevauchement des périmètres d'action, de compétences et d'autorité. Ensuite, l'insuffisance des marges de manoeuvre pour la gestion des ressources au niveau des échelons inférieurs et enfin, les lacunes en matière d'incitations à rendre compte et à faire l'objet de sanctions.

Notre étude est basée sur une recherche documentaire aux fins de corroborer les pratiques dans les Etats à celle de la RCA. Nos sources privilégiées sont des documents et rapports publics qui restituent les résultats des travaux préparatoires à l'élaboration de la réforme LOLF en France et ceux de l'UEMOA et ceux concernant les différentes étapes et dimensions de sa mise en oeuvre. Parmi ces documents consultés, le rapport bilan global de la réforme réalisé par la Cour des Comptes de la France, qui nous a servis de source documentaire principale, enrichie par d'autres rapports de la Cour des Comptes et par des rapports parlementaires dans la zone de l'UEMOA. Ce choix s'explique par le fait qu'il s'agit d'un rapport qui établit le bilan de cinq années de mise en

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oeuvre du nouveau cadre des finances publiques dans ces pays pris en exemple et qui traite de l'ensemble des dimensions de la réforme sur le plan budgétaire, financier et comptable, mais également sur le plan politique et organisationnel. Il inclut ainsi une analyse détaillée et étayée par des faits concernant les difficultés et les avancées de la réforme.

Il convient néanmoins de préciser que, parmi les données figurant dans les rapports consultés, seules ont été analysées les données relatives à la question de la responsabilité et au rôle des RP. Ce travail d'analyse a été entrepris selon une démarche progressive, procédant par itération entre sélection d'informations, exemples et faits pertinents pour répondre à notre question de recherche, et à l'interprétation selon le cadre conceptuel mobilisé. Ont ainsi été identifiés comme éléments pertinents, les faits, informations et exemples permettant d'éclairer les trois points suivants et communs aux nouveaux cadres des finances publiques. Il s'agit d'abord :

1) du rôle des RP dans les processus de prise de décision budgétaire ; ensuite,

2) des marges d'action dont ils disposent pour la gestion des ressources financières et humaines ; et enfin,

3) leurs capacités à rendre compte et à faire l'objet de sanctions.

A ces trois points nous avons fait correspondre trois variables d'analyse. Le rôle en matière de décision a été analysé en s'intéressant aux périmètres d'actions des différents acteurs intervenant dans le processus de décision budgétaire. Ensuite, les marges d'action pour la gestion des ressources ont été analysées selon la capacité des RP à animer les services opérationnels centraux et déconcentrés dépendant de leur autorité. Enfin, les capacités à rendre compte et à faire l'objet de sanctions ont été analysées au regard de l'existence d'incitations et de dispositifs reliant les performances des programmes au traitement individuel des RP. Il convient toutefois, de souligner que notre recherche documentaire comporte des limites en raison de la mobilisation de données indirectes comme seule source. Cependant, les données analysées présentent un degré de fiabilité acceptable dans la mesure où elles fournissent des informations, des exemples et constats précis et en quantité significative pour permettre de répondre à la question de recherche et d'appréhender la problématique traitée aux fins d'aider les acteurs budgétaires de la République centrafricaine de mieux progresser dans leur jeune expérience de réformes des finances publiques.

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Cela étant, nous examinerons le processus de prise de décision budgétaire (A), puis les marges de manoeuvre du gestionnaire selon le nouveau cadre des finances (B).

A- Le processus de prise de décision budgétaire selon le nouveau cadre des finances

De manière objective, les responsables de programme centrafricains doivent assurer le lien entre le politique qui définit les objectifs, l'administration qui les met en oeuvre, et piloter cette mise en oeuvre pendant l'année de l'exercice budgétaire. Dans les faits et en raison du chevauchement des périmètres d'action, de compétences et d'autorité, le pouvoir de décision des RP est fonction des équilibres établis avec trois autres acteurs majeurs à l'exemple de la LOLF en France que sont les Ministres, les Secrétaires Généraux des Ministères (SG) et les Directeurs des Affaires Financières (DAF/DR). Notre illustration sur les points suivants.

D'abord, sur le plan politique, les responsabilités des ministres couvrent largement celles des responsables de programmes (RP) en raison de l'étendue du périmètre d'action des premiers. Le Ministre dispose en effet à la fois de l'autorité politique et de l'autorité administrative en tant que chef du Département, et de l'autorité financière en sa qualité d'ordonnateur du budget de l'État mis à sa disposition. Le Ministre et RP partagent ainsi la responsabilité de prescription de l'exécution des dépenses et des recettes, et ont donc le pouvoir discrétionnaire de décision en matière de choix des dépenses. Toutefois, le pouvoir du ministre couvre également les choix de dépenses pour l'ensemble de la mission ministérielle, avec des possibilités de réaffectation des dépenses entre programmes en cours d'exercice budgétaire.

Or, seule le RP est justiciable de gestion devant la Cour de discipline budgétaire et financière. Les juges de la Cour des Comptes explicitent ainsi les conséquences de l'ambiguïté du statut financier des ministres que : « la responsabilité financière juridiquement impartie aux Ministres s'avère donc peu effective au niveau des missions et tend à effacer celle des responsables de programme, qui ne sont pas «ès qualités ordonnateurs (...), supérieurs hiérarchiques de leurs collaborateurs (...), attributaires d'autorisations d'emplois». Les limites actuelles de l'exercice de la responsabilité financière des Ministres, qui empêche une mise en jeu réelle des responsabilités de missions et programmes, appellent en conséquence à une clarification du statut

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financier des Ministres ou à une clarification de l'imputabilité des décisions des uns et des autres dans une «charte de responsabilité» des différentes autorités »161.

Ensuite, sur le plan administratif, le périmètre d'action et de compétence du RP se chevauche avec les fonctions de responsable qui dispose de l'autorité administrative au sein du Ministère162. En effet, le responsable peut également avoir le statut de prescripteur des dépenses et recettes, au niveau des programmes mais également au niveau de la mission ministérielle. D'autant que son pouvoir a été élargi (par exemple dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) dans le cadre Français où c'est aux SG ou au directeur de Cabinet que revient la charge de la mutualisation des fonctions supports et donc les choix de dépenses en la matière).

Ce dernier point est largement souligné dans le rapport de la Cour des Comptes de France qui précise que : « la définition des mesures d'économies décidées dans le cadre de la RGPP a assez largement ignoré les responsables de programme ès qualité. Ceux-ci apparaissent pour l'essentiel comme des exécutants de décisions prises dans un autre cadre. Le conseil de modernisation des politiques publiques a en effet choisi de confier le pilotage des mesures ministérielles aux secrétaires généraux, (...), la Cour souligne que les économies issues de la RGPP reproduisent une logique de gestion par nature de dépense (masse salariale et crédits de fonctionnement), dite par « titre », là où la LOLF engageait les gestionnaires à développer une vision large de leurs périmètres de crédits, constitués par des politiques publiques cohérentes, et ainsi dotés d'une exigence de résultats »163.

Enfin, sur le plan financier, les fonctions de RP se chevauchent avec celles du responsable financier d'administration. Ce dernier doit assurer la coordination de la procédure de préparation budgétaire en lien avec les ministres et les RP, mais dispose dans les faits de prérogatives plus

161 COUR DES COMPTES, (2011). « La mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Un bilan pour de nouvelles perspectives ». Rapport au Gouvernement - novembre 2011.

162 La Fonction SG a été généralisée à partir de 2008, pour reprendre les attributions des anciennes directions d'administrations générales afin d'éviter l'éclatement des politiques publiques entre différentes directions au sein d'un même ministère. Le périmètre d'action et de compétence du SG couvre l'ensemble des directions en charge des fonctions supports, dont deux directions importantes : direction des affaires financières et direction des ressources humaines.

163 COUR DES COMPTES, (2011). « La mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Un bilan pour de nouvelles perspectives ». Rapport au Gouvernement - novembre 2011. P.119

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larges en raison de la proximité structurelle et relationnelle entre les DR ministérielles et le ministère des finances. Le DR est en effet, garant du respect du cadre réglementaire et des contraintes financières, il bénéficie du statut d'ordonnateur, et est de ce fait un acteur clé dans le processus de décision budgétaire. Le rapport de la Cour des Comptes que nous avons consulté, souligne ainsi la diversité des relations de collaboration entre RP et DR selon les ministères en France que : « si les responsables des programmes « travail», « emploi » ou « gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local» négocient directement leurs crédits avec la direction du budget, ceux du ministère de la défense sont absents de la discussion menée par le seul directeur des affaires financières »164.

En outre, en matière de décision budgétaire, le pouvoir des RP se trouve donc contraint par trois types d'autorité légitimes à savoir, l'autorité politique (du Ministre), l'autorité administrative (du Dircab) et l'autorité financière (du DR). Le chevauchement des périmètres d'autorité, mais également de compétences et de pouvoir de décision traduit finalement l'absence d'une revue générale des modes d'organisation de l'État.

Le rapport de la Cour des Comptes souligne ainsi « entre le souci légitime de disposer de la vision la plus exhaustive possible des politiques publiques, la volonté incontestable, sur un plan démocratique, de valoriser certains choix politiques, celle, réaliste, du ministère chargé du budget et des comptes publics de disposer de structures budgétaires cohérentes, dotées d'une certaine taille critique, et celle des gestionnaires visant à maintenir une concordance la plus étroite possible entre leur périmètre de gestion et leur périmètre administratif, des compromis multiples, cumulant les défauts, ont été élaborés. »165.

En définitive, ceci limite par conséquent « une mise en jeu réelle des responsabilités »166, comme précisé dans le rapport de la Cour des Comptes, et rend difficile l'imputabilité des décisions en matière de dépenses et la responsabilité financière qui en découle.

164 COUR DES COMPTES, (2011). « La mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Un bilan pour de nouvelles perspectives ». Rapport au Gouvernement - novembre 2011. P. 70.

165 Ibid, p.79

166 Ibid, p.72

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci