CONCLUSION DU CHAPITRE PREMIER
En définitive, la problématique de l'analyse de
forme et de fonds des nouveaux paradigmes de gestion axée sur la
performance et les acteurs budgétaires en République
centrafricaine a été soulevée et développée
dans ce chapitre. Nous l'avons analysé à travers le cadre de
l'élaboration et d'exécution du budget et la gestion axée
sur les résultats. C'est-à-dire, l'on a développé
depuis les différentes phases de préparation jusqu'à
celles d'exécution comparativement avec le système qui se
pratique en France. Le nouveau cadre du système financier
harmonisé tel que voulu par le conseil des ministres de l'UEAC en zone
CEMAC se résume par le nouveau régime d'élaboration et de
gestion du budget connu sous l'appellation (le budget programme). Nous avons
aussi développé les principes de séparation de pouvoirs
des ordonnateurs et comptables, ainsi que les rôles renforcés de
l'Assemblée Nationale et de la Cour des Comptes...
125
CHAPITRE SECOND : LA RESPONSABILISATION DES
GESTIONNAIRES DE
CREDITS PUBLICS LE NOUVEAU PARADIGME DU CADRE FINANCIER
EN RCA.
Pour mieux analyser le concept de la responsabilité des
gestionnaires de crédits publics, instituée par les directives de
la CEMAC de 2011 relatives à l'harmonisation du cadre communautaire des
finances publiques et transposées dans l'ordre juridique national en
RCA, il faut remonter son historique dans le temps. En effet, le régime
financier de la RCA est la résultante du système colonial
hérité du système de la révolution française
de 1789. Ensuite il est repris dans l'ordonnance du 02 janvier 1959. Trois
règles définissaient la gestion des finances publiques en France
à savoir : l'unité143,
l'universalité144 et l'annualité
budgétaire145. Ce cadre réglementaire qui se
voulait égalitaire et juste va présenter de nombreuses limites
notamment le déséquilibre des pouvoirs entre l'exécutif et
les assemblées démocratiques, la lourdeur et la complexité
du système comptable, la multiplication des niveaux de décision
et de contrôle, etc. Pour pallier à ces lacunes, dont les effets
paralysants ont été largement démontrés depuis des
années146 dans des revues scientifiques et rapports
administratifs, la Loi Organique relative aux Lois de Finances (LOLF),
votée en août 2001 et mise en place en janvier 2006, constitue une
réponse à ces insuffisances sus relevées et marque une
évolution importante en innovant sur deux plans.
D'abord sur le plan politique, la LOLF
participe à l'évolution des traits du système de pouvoir
à travers le renforcement du rôle du Parlement dans
l'élaboration, le contrôle et le suivi des lois de
finances147. Puis, sur le plan économique et
gestionnaire, la LOLF met l'accent sur le fait que tout acteur public,
État compris, doit démontrer son efficacité148.
Pour répondre à cette double finalité, la LOLF introduit
une nouvelle dynamique centrée sur une logique de gestion par
143 Qui se traduit par la production d'un seul document
à soumettre au Parlement pour proposer l'ensemble des dépenses et
recettes de l'État.
144 Admettant deux niveaux : une inscription budgétaire
formelle de toutes les recettes et dépenses sans possibilité de
contraction ni de compensation entre ces dernières, et une logique de
transversalité de l'intérêt général selon
laquelle toutes les recettes ne peuvent être affectées à
une dépense donnée.
145 Impliquant que la loi des finances prévoit et autorise
pour chaque année l'ensemble des ressources et des dépenses de
l'État suite au vote du Parlement.
146 ALBERTINI Jean Benoît, « Réforme
administrative et réforme de l'État en France - Thèmes et
variations de l'esprit de réforme de 1815 à nos jours
». Economica, Paris. 2000
147 HOCHEDEZ Daniel, La formation de la loi organique du
1er août 2001 : l'élaboration de la proposition de loi
organique. Revue Française de Finances Publiques p.86. 2004
148 BARILARI André et BOUVIER Michel, « La
nouvelle gouvernance financière de l'État »,
LGDJ-Systèmes, 2004
126
les résultats conformes aux principes du New Public
Management (NPM)149. A l'instar de l'ensemble des
réformes NPM opérées dans d'autres pays, la LOLF fait
évoluer le cadre global de l'action publique pour se centrer davantage
sur les performances des organisations publiques en termes d'efficience et
d'efficacité dans la gestion des politiques économique et
sociale150. Aussi, si les principes du NPM ont
été beaucoup étudiés, peu de travaux ont
porté sur les conditions organisationnelles et institutionnelles de leur
mise en oeuvre. Plus particulièrement, l'évolution du rôle
et des missions des hauts fonctionnaires a été peu
étudiée151. Ceci est également une
réalité pour le cas français dans la mesure où les
travaux sur la réforme LOLF se sont davantage concentrés sur les
principes mêmes de la gestion par les résultats et du NPM d'un
point de vue technique et/ou politique.
Dans le contexte de notre étude, nous aurons à
traiter le cas de la responsabilité des hauts fonctionnaires,
responsables d'exécution des crédits publics, nommés par
leurs Ministres de rattachement pour assurer le pilotage, la mise en oeuvre des
politiques publiques et d'en rendre compte conformément au nouveau cadre
harmonisé des finances publiques de la République Centrafricaine.
Nous nous intéressons plus spécifiquement à l'exercice de
leur responsabilité managériale et nous présenterons la
question des marges de manoeuvre dont ils disposent. Notre démarche
empirique est fondée sur une recherche documentaire mobilisant
différents rapports publics et plus particulièrement le rapport
bilan de la LOLF établi par la Cour des Comptes de la France. L'analyse
effectuée nous conduira à mettre en évidence les facteurs
limitatifs de l'exercice de la responsabilité managériale tels
que le chevauchement des périmètres d'action, de
compétences et d'autorité, de l'insuffisance des marges d'action
pour l'animation des échelons inférieurs ainsi que les lacunes en
matière d'incitations à rendre compte et à faire l'objet
de sanctions au regard de la nouvelle législation du système
financier centrafricain de 2019.
149 POLLITT Christopher and BOUCKAERT Geert., «Public
Management Reform. A Comparative Analysis» 2nd Ed. Oxford
University Press, Oxford. (2004).
150 MAZOUZ Bachir & MATHAIS Daniel., « Nouvelle
gouvernance, nouvelles compétences. Revue Internationale de
Gestion 29 (3), p.82-92, 2004
151 LODGE Martin and HOOD C., «Competency,
Bureaucracy and Public Management Reform: a Comparative Analysis.
Governance» 17 (3), p. 313-333. 2004
127
Nous montrerons qu'en introduisant la dimension
intermédiaire qui est la dimension managériale, entre le
politique et l'administratif, sans réellement remettre en cause le
modèle préexistant, le nouveau cadre appelle une clarification
des modes de partage des responsabilités et des dispositifs de reddition
des comptes. Notre recherche sera structurée en deux sections. Dans une
première, nous analyserons d'abord les principes de la gestion par les
résultats, puis, la diversité des approches selon les pays enfin,
nous mettrons l'accent sur les implications en matière de
responsabilité managériale pour dégager une grille
d'analyse en (Section 1). Dans une seconde phase, nous
expliciterons les spécificités de la réforme introduite
par le nouveau cadre harmonisé ainsi que le rôle des responsables
de programme y compris les implications comparatives avec le système
français la LOLF en tant que réforme avancée
(Section 2).
Section 1: Le principe de gestion par les
résultats et responsabilité des managers publics selon le nouveau
cadre harmonisé des finances publiques.
Bien que les vocables employés diffèrent entre
la gestion par les résultats, le management par les résultats ou
encore gestion par la performance ou management par la performance. Ces
concepts reviennent très souvent dans le nouveau cadre harmonisé
des finances publiques. La doctrine du NPM demeure similaire. Il s'agit ici de
mettre les résultats des organisations publiques au coeur de leur
fonctionnement pour en évaluer la performance à différents
niveaux. Par cette démarche, l'on attend évaluer d'un point de
vue politique, social et économique. La notion de la performance englobe
les résultats en termes de qualité des services rendus
(efficacité), puis, en termes de
qualité de la gestion des dépenses publiques
(efficience) et enfin, en termes de qualité
des décisions prises (transparence) des
processus de décision. Tandis que, la gestion par les résultats
obéit ainsi à un certain nombre de fondements et
principes qui, sans être universels, présentent des
points de convergence multiples et mobilisent des outils comparables ainsi que
le contrôle de gestion, les indicateurs de mesure de la performance,
l'évaluation et la contractualisation, etc. Ce qui nous amènera
à voir la position de la doctrine commune et les approches diverses
(Paragraphe 1), puis, les relations politico-administratives
et partage des responsabilités (Paragraphe 2)
128
Paragraphe 1 : Une doctrine commune avec des approches
diverses
Le but consiste à orienter les organisations publiques
vers une intégration accrue en diffusant des normes communes qui visent
à relativiser les spécificités sectorielles,
organisationnelles, locales et professionnelles. Cependant, la mise en pratique
dépend du contexte politique, sociétal et économique du
pays l'accueillant des réformes. Ces réformes sont menées
dans les différents pays au monde en général et en zone
CEMAC plus particulièrement en RCA qui ont adopté une doctrine
commune (A), avec des approches diverses
(B).
A- Une doctrine commune adoptée par nombres
d'Etats.
Au Royaume-Uni par exemple, la démarche de
l'efficacité dans la gestion des deniers publics est basée sur le
modèle marchand procédant par comparaison
public/privé152. En effet, la gestion par les
résultats est articulée autour de la mise en concurrence des
différents acteurs publics et/ou privés avec l'assouplissement
des structures publiques. La démarche, ou du moins ses principes de
fonctionnement, sont au centre de la gestion publique et se matérialise
par une pratique poussée de la délégation via les
mouvements de privatisation et d'externalisation de certains secteurs de
l'action publique.
Ensuite, aux Pays-Bas. La gestion par les résultats est
orientée selon un modèle de gouvernance par réseaux avec
une séparation nette entre les niveaux opérationnel et
stratégique153. Les décisions sont
décentralisées afin de mieux répondre aux besoins
d'intérêt général en accordant aux acteurs publics
une plus grande autonomie d'action et une plus grande flexibilité. En
contrepartie, les responsables publics sont tenus d'assumer pleinement la
responsabilité de leurs décisions et de leurs performances, car
l'évolution de leur carrière en dépend.
En outre, le Canada par exemple. La gestion par les
résultats est acceptée dans sa dimension organisationnelle
intégrée avec une approche systémique et
multidimensionnelle de la performance. L'accent est davantage mis sur le
principe d'autonomie et sur la simplification des
152 POLLITT Christopher. and BOUCKAERT Geert., «Public
Management Reform. A Comparative Analysis» 2nd Ed. Oxford
University Press, Oxford. (2004).
153 LE GALÈSE Patrick, « La réforme de
l'État et la nouvelle gestion publique : mythe ou réalité
». Revue Française d'Administration Publique p.105-106,
2003.
129
processus aussi bien sur l'assouplissement des
structures154. La notion d'engagement est cruciale, qu'il s'agisse
d'engagements contractuels formels ou non, et qu'il s'agisse de partenaires
internes ou externes au domaine public.
France par l'adoption d'abord de la Rationalisation de Choix
Budgétaire (RCB), puis elle est améliorée
par la suite par la réflexion engagée au Parlement, à la
fin des années 1990, autour de la question de l'efficacité de la
dépense publique et du rôle des assemblées en
matière budgétaire et qui ont finalement fait naître un
consensus politique sur la nécessité de moderniser les
règles de la gestion budgétaire et comptable. Le vote de la loi
organique relative aux lois de finances (la LOLF), le 1er août
2001, a donné quatre années aux administrations pour se
préparer à ce nouveau cadre. Ces réformes ont introduit
une démarche de performance pour améliorer l'efficacité
des politiques publiques qui permet de faire passer l'État d'une logique
de moyens à une logique de résultats. Après plus de quatre
années de travaux pour sa mise en oeuvre pratique, elle entre pleinement
en application le 1er janvier 2006.
Enfin, dans la zone CEMAC, la gestion par les résultats
est instituée par le Conseil des ministres de l'Union Economique de
l'Afrique Centrale (un organe de la CEMAC) qui a adopté six importantes
Directives Communautaires en 2011, en s'inspirant des exemples réussis
ou semi-réussis de certains Etats ou communauté
d'intégration au monde pour stabiliser les Finances publiques de ses
Etats membres.
La RCA a souscrit à ces directives communautaires
harmonisant le cadre des finances publiques en zone CEMAC et les a
transposés dans son ordre juridique national. La mise en oeuvre des
nouvelles normes financières publiques a changé l'architecture et
la méthode d'élaboration du budget qui passe d'une approche de
moyen à une approche de résultat. Elle a mis en perspective
l'action du Parlement et de la Cour des comptes qui doivent mettre la veille
à l'efficacité de la dépense publique au coeur de leurs
actions.
154 MAZOUZ Bachir. & MATHAIS Daniel., « Nouvelle
gouvernance, nouvelles compétences. Revue Internationale de Gestion
29 (3), p.82-92, 2004.
130
|