B- Le Choix des indicateurs de suivi, évaluation
des actions axées sur les résultats voulu par l'UEAC en zone
CEMAC
Pour mieux suivre et évaluer les actions axées
sur la performance des résultats, il faut qu'il y'ait des indicateurs
qui doivent être considérés comme des indicateurs
clés, des indicateurs simples, pertinents et objectivement
vérifiables en termes de résultats d'activités et de
moyens. A cet effet, la chaîne d'impacts se distingue à plusieurs
niveaux de suivi-évaluation ainsi que de leurs relations causales. Pour
qu'un programme donné puisse avoir un impact sur un objectif de
développement ou un groupe cible donnés, le point de
départ doit mettre en place les intrants adéquats. Ensuite, au
fur et à mesure de la mise en oeuvre du programme, les activités
doivent être suivies par le gestionnaire du programme. Les
résultats directs du programme sont des extrants c'est à dire de
biens et services rendus disponibles aux groupes cibles. Ces extrants sont
supposés se traduire en résultats pour les groupes cibles du
programme. Ces résultats quant à eux sont souvent mesurés
en termes d'accès et/ou d'utilisation par le groupe cible des biens et
services produits. Finalement, à moyen et à long terme, une fois
que tous les effets directs et in directs ont eu lieu, l'on peut s'attendre
à ce que le programme ait un impact en termes de contribution à
l'atteinte des objectifs de politiques publiques et du développement
plus globaux au niveau du pays.
Au fur et à mesure que l'on se déplace vers la
droite de manière évolutive, le long de la chaîne d'impact,
le contexte social, économique, environnemental et politique national
voire international (contexte ou facteurs exogènes) a de plus en plus
d'influence sur les indicateurs de résultats. En outre, les indicateurs
de résultats et d'impact peuvent être influencés par une
combinaison de politiques macro-économique, sectorielles, et de
programmes. C'est ce que l'on appelle l'influence des facteurs
endogènes.
Quant à l'aménagement de l'obligation
d'exécution intégrale du budget, stipulé dans les
dispositions de l'article 3 de la directive relative aux finances publiques qui
exigent aux Etats
103
membres la communautarisation de leurs normes relatives aux
lois de finances présente une double particularité. D'une part,
il s'inscrit dans une dynamique antérieurement impulsée par les
bailleurs de fonds et expérimentée dans les Etats membres depuis
plusieurs années. D'autre part, il marque une volonté de
réappropriation ou d'endogénisation133 des normes
orthodoxes de gestion budgétaire pour une meilleure adhésion
à leurs prescriptions. De manière générale, les
directives communautaires engagent les Etats quant aux résultats
à atteindre, en leur laissant les moyens d'y parvenir.
Ensuite, s'agissant de la gestion rationnelle des finances
publiques au sein de la CEMAC, l'adoption d'un certains nombres directives sur
tous les moyens concourant à cet objectif, notamment (la nomenclature
budgétaire, la comptabilité publique, le plan comptable, le
tableau des opérations financières, la TVA et le code de
transparence et de bonne gouvernance financière,...) semble ne pas
laisser le choix aux Etats membres de l'intégrer. Bien plus, toutes ces
directives entrent en vigueur immédiatement134 dans l'ordre
juridique national. L'on s'attendait à la détermination des
délais de transposition et d'entrée en plein régime
d'application au plan national. Mais, ces formalités sont dans ce cas,
presque vidées de leur portée. Puisque, la plupart de ces
dispositions avaient été prescrites dans les mêmes termes
aux Etats et figuraient déjà dans les législations
internes. L'on peut même dire qu'elles préexistaient donc à
leur communautarisation, et, ne fait que collectiviser une source de même
nature pour un meilleur ancrage de celle-ci dans sa mise en oeuvre.
Enfin, l'aménagement de l'obligation d'exécution
intégrale du budget stipulée à l'article 3 de la directive
CEMAC relative aux lois de finances, dispose à la troisième
phrase du premier alinéa que : « L'ensemble des ressources de
chaque collectivité publique est affecté au financement de
l'ensemble de ses charges». En effet, couramment compris comme la
règle de non affectation de certaines recettes à des
dépenses particulières, cet énoncé relu à
l'aune de la gestion axée sur les résultats, délivre les
modalités d'aménagement de l'obligation d'exécution
intégrale du budget à mobiliser l'ensemble des recettes pour
couvrir l'ensemble des dépenses des personnes publiques.
133 MEDE Nicaise, « Réflexion sur le cadre
harmonisé des finances publiques... », op.cit., p.1.
134 Voir l'article 82 de la directive relative aux lois de
finances qui en fixe la procédure : signature et insertion au journal
officiel de la communauté et à la diligence des autorités
nationales, à ceux des Etats membres.
104
Or, la couverture de l'ensemble des dépenses est une
particularité des finances publiques qui réside sur le fait
qu'autant leur collecte est pénible, autant leur utilisation est
délicate. Dans le but de prévenir toute prévarication, la
dépense publique a été entourée par la directive
d'un formalisme strict pour sa réalisation. Il a paru nécessaire
de spécialiser les crédits et de séparer les ordonnateurs
et les comptables. Les uns devant assurer l'exécution administrative,
procédant de l'engagement, la liquidation et l'ordonnancement. Les
autres s'occupant de l'exécution comptable qui consiste à
vérifier la régularité des opérations et des
pièces préalablement à tout paiement. Ils sont chacun en
ce qui le concerne responsables personnellement et même
pécuniairement de leur gestion. Ces règles étant du reste
fort connues dans les Etats de la sous-région. Cependant, la
dépense publique des pays membres de l'UEAC est aussi difficilement
maîtrisée, qu'elle soit étroitement encadrée. Elle
paraît même être la préoccupation majeure dans la
gestion des finances publiques du fait de manque de compétence des
fonctionnaires en matière du droit budgétaire et comptable
communautaire et national. L'on a beau espéré que les efforts de
maximisation de la mobilisation des recettes puissent produire de bons
résultats, mais l'inquiétude demeure quant à la gestion
qui en est faite lorsqu'elles sont réunies.
A propos du rôle renforcé des acteurs qui
participent à l'élaboration du budget, le pilotage des finances
publiques qu'impose la directive communautaire relative aux lois des finances
s'est accompagné d'un renforcement du rôle de chacun des organes
participant à l'élaboration du budget dans le cadre de la
modernisation du cadre des finances publiques définit comme suit.
Premièrement, le Parlement ou Assemblée
Nationale, tout d'abord est compétente pour voter
l'intégralité des crédits et chacune des missions fait
l'objet d'un vote. Il ou elle a donc une totale visibilité sur
l'ensemble des crédits. Les budgets annexes et les comptes d'affectation
spéciale sont votés budget par budget et compte par compte.
Ensuite, les évaluations de recettes et de charges de trésorerie,
présentées dans un tableau de financement, font l'objet d'un vote
unique, comme les plafonds d'emplois ventilés par ministère et
présentés sous la forme d'un tableau synthétique. Le
plafond d'emplois des opérateurs de l'État fait désormais
l'objet d'un vote. Enfin, l'Assemblée Nationale dispose d'un pouvoir
d'amendement et de contrôle. Il peut créer, modifier ou supprimer
un programme à la condition de ne pas modifier la somme totale des
crédits de la mission. Le Parlement peut donc désormais prendre
l'initiative de majorer les crédits d'un programme, à la
condition de ne pas augmenter le total de ceux de la mission dont il
relève. La
105
Loi des finances facilite la mission de contrôle
dévolue à l'Assemblée Nationale. Ces programmes sont
assortis pour chacun d'eux d'un projet annuel de performance. A posteriori,
l'Assemblée Nationale contrôle au moment du vote de la loi de
règlement grâce au rapport annuel de performance. Cette mission de
contrôle est aussi réalisée au moyen de différents
leviers importants à savoir :
- le contrôle sur les mouvements de crédits en
gestion; puis
- l'élargissement des pouvoirs d'investigation des
commissions des finances ; et enfin
- une définition plus précise de la mission
d'assistance du Parlement confiée à la Cour des comptes.
Deuxièmement, la Cour des Comptes
assiste l'Assemblée Nationale dans sa mission de contrôle
de l'exécution et d'évaluation de la loi de finances. La Cour des
Comptes certifie la régularité, la sincérité et la
fidélité des comptes de l'État chaque année. Ce
contrôle se traduit par le dépôt, d'une part, d'un rapport
du gouvernement sur l'orientation des finances publiques permettant de mieux
appréhender les contraintes de la mise en oeuvre des politiques
publiques et, d'autre part, d'un rapport sur l'exécution des lois de
finances comportant une analyse pour chaque programme.
Troisièmement, les gestionnaires des
crédits ont vu leur responsabilité accrue et des
objectifs mesurables leur sont fixés. Ils s'engagent sur ces objectifs
et rendent compte des résultats obtenus ainsi que des dépenses.
Les lois de finances déterminent pour un exercice la nature, le montant
et l'affectation des ressources et des charges de l'État, ainsi que
l'équilibre budgétaire qui en résulte. Le projet annuel de
performances précise la présentation des actions, des coûts
associés, des objectifs poursuivis, des résultats obtenus et
attendus pour les années à venir, mesurés au moyen
d'indicateurs précis afin de vérifier la réalisation de
ces objectifs. Un rapport annuel de performance est fourni en
corrélation avec les objectifs et les résultats obtenus.
Prenons l'exemple de la France qui a une expérience
avancée par rapport à l'instauration d'une démarche de
performance instaurée par la LOLF. Elle vise à changer
profondément la logique de gestion et garantir une meilleure
productivité de l'Etat même si, certaines limites sont
106
à signaler. Les enjeux de la gestion axée sur la
performance en France par l'adoption de la logique de performance au sein de
l'administration publique française répondent à l'un des
enjeux liés aussi bien au renouveau de la culture managériale
qu'à la productivité de l'Etat. Ce renouveau de la culture
managériale avec la responsabilisation des gestionnaires sur la
performance de leur service ou de la politique dont ils ont la charge,
l'objectif de gestion devient la réalisation d'un programme
d'activité dans le cadre d'un budget donné et l'atteinte
d'objectifs de performance déclinés au plan territorial.
Mais, en dépit des avancées indéniables,
un constat est partagé aujourd'hui dans la littérature en
management public sur le fait que le mouvement d'introduction des exigences de
performance et de transparence contenues dans la LOLF n'a pas pour autant fait
disparaitre totalement, « dans les organisations publiques, les
logiques de gestion qui prévalaient avant les dernières quinze
années».135 Il y'a encore des écueils de la
gestion axée sur la performance du fait des pratiques habituelles depuis
des périodes. Aujourd'hui, la plupart des organisations publiques sont
confrontées à la coexistence de rationalités
conflictuelles et paradoxales liées aux logiques professionnelles,
logique de gestion, logique de management et de performance. Ces logiques sont,
souvent, en conflit.
En conséquence, la recherche de la performance dans
l'utilisation des ressources publiques conduit donc à doter les
organisations d'un ensemble d'outils de gestion et d'indicateurs dont la
fonction n'est pas de servir l'action collective, mais bien plus, de nourrir
des processus de collecte d'information en direction d'un système
d'information agrégé servant les programmes et l'Etat. Ces
indicateurs finissent par devenir des machines de gestion qui «
éloignent un peu plus les dits managers de leur rôle de
manager ».136 Par ailleurs, malgré l'appropriation
des gestionnaire de la logique de performance, les attitudes de
«méfiance, voire de défiance réciproque entre
l'administration du budget et les gestionnaires ont perduré
».137 En définitive, les informations des rapports
de la Cour des Comptes sont « peu utilisés par le gouvernement
comme par le
135 DAMART Sébastien. « Le manager en mode LOLF ou
les nécessités du retour du manager intégratif ».
Revue française des finances publiques N°137-2017 p26.
136 Ibid. p27
137 MIGAUD Didier. Allocution d'ouverture Revue française
des finances publiques N°137-2017 p4.
107
parlement, pour prendre les décisions qui
pourraient découler plus facilement, plus naturellement d'une telle
évaluation des résultats effectifs».138
Au demeurant, la déclinaison au niveau local des
objectifs et indicateurs décrits dans les projets annuels de
performances et les rapports annuels de performances risque de ne pas
être adapté à la réalité du terrain. La
performance dans la gestion nécessite que «les priorités
stratégiques, les objectifs à atteindre soient définis et
déclinés en fonction des priorités territoriales
»139. En somme, la procédure budgétaire n'a pas
encore tiré suffisamment profit de cet esprit de la LOLF qui invitait
à s'intéresser davantage aux résultats. A contrario, elle
est restée un exercice très largement formel, qui se concentre
davantage sur les annonces que sur les résultats.
In fine, le passage du budget de moyen au budget
programme est un exercice difficile qui requiert beaucoup d'efforts,
d'engagements, de persévérance et de patience. Tous les
intervenants directs dans l'élaboration, l'exécution et le suivi
du budget programme doivent recevoir une formation appropriée. La mise
en place d'un système du suivi et d'évaluation du budget
programme est indispensable pour la crédibilité de l'exercice
parce que ce sont les résultats du suivi et de l'évaluation qui
permettent de s'assurer que l'on est sur la bonne voie et d'apporter des
corrections nécessaires au besoin. Pour les gouvernants politiques et
principaux responsables Ministériels, le budget programme est un
instrument qui peut leur permettre de mieux suivre les activités
menées sous leur responsabilité et le rendement de leurs
collaborateurs.
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