B- L'exécution du budget moyen sous le
système budgétaire traditionnel
Dans le cadre de l'exécution du budget moyen, ce
système dit traditionnel manque de transparence dans le cas où il
exclut toute indication sur la justification des dépenses
envisagées et ne se préoccupe guère de l'efficacité
des procédures d'exécution. Il arrive que les budgets de
certaines administrations soient réduits aux profits d'autres secteurs
sans que les ministères concernés soient associés. Une
procédure de décaissement très complexe qui ne favorise
pas la mise en exécution a temps des actions programmées. La
conséquence de cette situation conduit à
:
- une mauvaise allocation des ressources ce qui fait que les
dépenses publiques ne sont toujours pas orientées vers les
secteurs prioritaires ;
- une mauvaise planification des actions résultant de
la méconnaissance à priori des disponibilités
budgétaires ;
- non exigence de résultats devant permettre une mesure
de la performance des acteurs de l'exécution du budget.
Pour surmonter cette situation et répondre aux
exigences des contribuables, le gouvernement par la transposition des
directives communautaires dans l'ordre juridique national, doit donc choisir de
passer à un nouveau budget de l'État, un modèle
très bien structuré par les objectifs des politiques publiques et
contrôlé par les résultats.
95
L'article 3 de la Directive CEMAC relative aux lois de
finances des Etats membres ne fixe pas explicitement un devoir
d'exécuter intégralement le budget de l'Etat. Malgré
l'absence d'une énonciation littérale, cette obligation irrigue
surabondamment l'esprit de cette disposition si l'on admet un minimum de
cohérence dans l'espace au sein duquel elle s'applique. Sous la houlette
de l'OCDE et des institutions financières internationales. Les Etats de
la sous-région sont résolument tournés vers la gestion
performante des finances publiques. Par conséquent, l'ensemble des
directives adoptées à l'échelle communautaire concourent
au meilleur ancrage de ce système. Dans l'article 3, il est plausible
d'identifier l'obligation d'exécution intégrale du budget, sans
laquelle, la performance et les résultats seraient un voeu pieux, aussi
bien dans la nature impérative de l'acte budgétaire que dans la
stature évolutive des principes budgétaires dont il traite.
Quant à la nature du budget des administrations
publiques, qu'il soit émis par acte d'un organe délibérant
ou adopté comme un sous ensemble de la loi de finances, le budget de
toute administration publique est un document doté de force juridique.
Il présente un double aspect technique et normatif. Alors, si dans le
cas où le budget d'un établissement public est pris par un acte
du conseil d'administration et validé par la tutelle, ce budget est la
partie à dominante inclus dans les fonds publics, comme tout autre
budget public, déterminé la nature, le montant et l'affectation
de ses recettes et ses dépenses. Il arrête le solde
budgétaire qui en résulte et les modalités de son
financement. Ce budget revêt donc une nature juridique administrative ou
législative. L'adoption de l'acte budgétaire autorise les
différents organes à traduire dans la réalité les
prévisions établies, conformément aux règles
fixées dans ledit acte et par le biais des opérations qui s'y
rapportent. La fonction d'exécution du budget, que ce soit dans le cadre
de la mise en oeuvre de la loi de finances ou des délibérations
d'un Conseil d'administration, est une charge, un devoir que la Constitution ou
la loi fait peser sur les instances habilitées (Gouvernement,
Collectivités publiques et organismes publics).
Cependant, les aléas de la conjoncture
économique, financière et politique sur le plan national et
international peuvent, lorsqu'ils surviennent, influer positivement ou
négativement sur l'exécution de l'acte budgétaire sur une
période plus ou moins longue. Pour cela, il peut être
justifié de penser que l'impératif budgétaire et financier
est bien souvent déterminant, mais reste
96
fondamentalement relatif127, pour ne pas dire
hypothétique. Au-delà de la conformité aux termes de
l'adoption initiale, l'exécution du budget est harmonisée avec le
rythme de l'activité économique générale. Cette
particularité de l'exécution de l'acte juridique
budgétaire a conduit certains auteurs à des
interprétations allant au-delà de leurs proportions. Pour les
Docteurs Paul-Marie GAUDEMET et Joël MOLINIER, « La loi des finances
a ceci de particulier qu'elle n'est pas un (acte-règle), mais
un (acte-condition). C'est-à-dire qu'elle n'édicte pas
des dispositions générales et impératives, mais permet
plutôt la réalisation des recettes et des
dépenses128 ». Ce qui veut dire que la loi de finances
ne fait qu'ouvrir une possibilité d'effectuer les opérations
budgétaires. Dans le même sens, le Pr Henri Michel CRUCIS souligne
avec plus de force, en empruntant la posture de Pr Paul AMSELEK, que, «
c'est le particularisme de la légalité budgétaire
». Selon cet auteur, en effet, l'exécution du budget
procède d'un acte d'autorisation basé sur des prévisions
qui n'engage pas l'organisme public de devoir recouvrer les sommes inscrites,
ni ne le lie par une obligation de dépenser. Il trouve en cela les
limites de l'acte budgétaire, lesquelles expliquent l'autonomie du droit
budgétaire, considéré comme un droit d'autorisation,
à l'égard du droit des obligations juridiques. Cet auteur fait
apparaître qu'au vu de la jurisprudence, les actes budgétaires
n'engagent pas juridiquement la collectivité et symétriquement,
les obligations juridiques n'engagent pas financièrement la
collectivité129. Ces thèses soutiennent que le droit
budgétaire est un droit d'autorisation et ne sauraient valablement
signifié que les organes d'exécution du budget ont une
faculté d'agir ou de ne pas agir en vue d'exécuter le budget.
Dans ce domaine qui impulse toutes les activités
d'intérêt général, l'autorisation s'entend comme une
habilitation assortie d'une obligation d'action, donc une compétence
liée. Ils sont obligés de concrétiser les dispositions
adoptées par la loi de finances. Toute abstention dans ce cadre
entraînant la paralysie des services publics. Ainsi, l'invocation de la
distinction, actes-règles ou actes-conditions semble ici
inapproprié. Le Doyen Léon DUGUIT, auteur de cette distinction,
l'a conçue pour isoler les actes qui posent des règles
générales et initiales (actes-règles) des actes pris en
vue de leur exécution (actes-conditions). Cette distinction dont la
portée réside sur la
127 LALUMIERE Pierre, « Les finances publiques
», paris, Armand Colin, 9e éd., 1989, p. 316.
128 GAUDEMET Pierre Marie et MOLINIER Joël, Finances
publiques, op.cit., pp. 227, 278.
129 CE, 26 juin 1996 département de l'Yonne,
JCP, G. 1997, II, 22777, note Peyrical.
97
classification des actes juridiques n'a jamais reçu la
prétention chez son illustre auteur que les actes-conditions, et
même les actes subjectifs tels que les contrats, n'imposent pas
d'obligation. Bien plus, il ne paraît pas légitime de suivre la
position jurisprudentielle selon laquelle il n'y a pas d'engagement
réciproque entre acte budgétaire et obligations juridiques. Comme
il a été démontré précédemment,
l'acte budgétaire est un acte purement juridique et son caractère
prévisionnel n'implique pas qu'il soit dépourvu de
conséquences juridiques obligatoires. S'il est vrai que les obligations
juridiques de l'Etat ne l'engagent pas si les crédits nécessaires
à leur exécution ne le lui permettent pas de les honorer, l'on
devrait en revanche admettre que l'obligation pris est réel, mais ne
l'engage pas de manière absolue.
L'on peut classifier cette obligation ici comme morale
même si les éléments matériels ne sont pas
réunis. Il existe une réserve dans l'un et l'autre cas. L'acte
budgétaire n'engage juridiquement la collectivité qu'à
concurrence de la confirmation de l'hypothèse de prévision. Les
obligations juridiques de l'Etat par contre ne l'engagent financièrement
que dans la mesure de ses disponibilités financières. Ainsi,
devrait être nuancée, cette règle dont la formulation
radicale remet malheureusement en cause sa pertinence. Il s'avère donc
plus raisonnable de relativiser l'impératif budgétaire
plutôt que de le nier. Car cette dernière attitude est susceptible
de contradiction. C'est pourquoi, après avoir affirmé que la loi
de finances est un acte non impératif, mais plutôt un acte
d'autorisation, donc simplement permissif. Mais, cette hypothèse est
remise en cause par Paul Marie GAUDEMET et Joël MOLINIER. Ces derniers
eux-mêmes, parviennent encore à défendre une thèse
contraire. Ils reconnaissent en effet que, si la dépense prévue
est potentielle, sa réalisation doit se faire en respectant les
limitations imposées par l'acte d'autorisation et en conformité
à celui-ci.
Ces contradictions marquent un revirement et expliquent la
position majoritairement favorable de la doctrine à l'obligation
d'exécution du budget. Nombre d'auteurs militent en faveur du
caractère obligatoire de l'exécution du budget. La
littérature en finances publiques est largement orientée dans ce
sens. Mais, il convient de faire la part entre la thèse médiane
et la thèse maximaliste. S'agissant de la thèse médiane,
elle fait valoir que la loi des finances votée est exécutoire et
s'impose aux administrations, les chiffres arrêtés doivent
être exécutés130. Christian
130 BADIN Xavier et DOUAT Etienne, op.cit., p.269
98
BIGAUT les écarte du champ de cette obligation les
dépenses. Selon lui, ces dernières relèvent de
l'autorisation, et seules les recettes doivent être obligatoirement
recouvrées. Les autorités compétentes doivent percevoir
toutes les recettes et recouvrer tous les impôts sous peine d'engager
leur responsabilité131. Des voies de droit (titres,
commandement...), y compris le recours à la contrainte, leur permettent
d'accomplir ces diligences. Elles doivent cependant respecter les limites
autorisées, l'indu étant constitutif de concussion et
sanctionné.
A côté de lui, Xavier BADIN et Etienne DOUAT
soutiennent que les obligations sont différentes pour les recettes et
pour les dépenses. S'agissant des recettes, dès lors que la loi
des finances les prévoit, il existe une obligation stricte
d'exécution. Par contre, pour les dépenses, l'obligation est
moins stricte, car l'on sait que les ministres seront motivés pour
dépenser leurs propres crédits132. L'on peut
comprendre les appréhensions quant à l'affirmation d'une
obligation de dépenser les crédits alloués aux
ministères.
Dans les pays qui sont en retard dans la mise en oeuvre de la
bonne gouvernance des finances publiques, il y a souvent, comme a pu noter une
tendance à considérer que le gestionnaire exemplaire est celui
qui établit malgré les contextes, sa capacité de
consommation des crédits. Par contre, certains excellent en malveillance
dans la propension à solliciter leur augmentation. Ce d'autant plus que
lesdits gestionnaires ne justifiaient pas leur utilisation par des
résultats probants. Toutefois, il ne semble pas que la solution soit de
réduire les dépenses à l'autorisation, donc à la
simple faculté, comme l'évoque Christian BIGAUT. Si les
gestionnaires qui consomment plus de crédits ne résistent pas
à la boulimie, les plus tempérants ne s'exposent pas moins
à la pratique laxiste de sous consommation des crédits. Enfin,
dans le cadre d'une gestion axée sur les performances et les
résultats, l'obligation d'exécution du budget ne s'accommode pas
de nuances traditionnelles.
131 OBAM Evina Richard, L'intégration du pilotage
des performances en finances publiques camerounaises, Mémoire ENA,
2005, p. 11 et s.
132 BIGAUT Christian, op.cit., p.147
99
|