Paragraphe 2 : les défis de la réforme
budgétaire et comptable en RCA à la lumière de la nouvelle
exigence financière communautaire
A propos des défis de réforme envisagée,
une importance particulière doit être accordée au partage
de bonnes pratiques dans la conduite de cette exigeante transformation de
pratique budgétaire et comptable. En effet, intégrée dans
un processus de la rationalisation du cadre budgétaire et comptable tel
que exigé par les directives de la CEMAC adoptées en 2011, la
République Centrafricaine s'engage dans les réformes par
l'adoption des nouvelles lois en matière des Finances publiques en
générale et particulièrement en matière
budgétaire et comptable. Il s'agit pour nous dans la présente
recherche, nous inspirer de l'expérience réussie ou semi
réussie de certains Etats en leur démarche de mise en oeuvre de
la réforme choisie (A) avant d'en faire une
évaluation (B) pour enrichir notre réflexion sur
l'implémentation de la nouvelle gouvernance budgétaire et
comptable.
A- La conduite de la réforme budgétaire
et comptable sur l'expérience avancée
Dans les pays ayant adopté la comptabilité
d'exercice, la réforme budgétaire et comptable s'intègre
dans une démarche globale de modernisation de la gestion des deniers
publics. La réforme budgétaire et comptable en France a
été menée dans ce contexte de haute implication
politique113 et, qui a aussi entrainé une forte mobilisation
de l'administration publique. Ainsi, le pilotage de la mise en oeuvre a
été confié à des structures dédiées,
aux choix stratégiques et aux adaptations organisationnelles. La mise en
oeuvre de la LOLF a été marquée par la création de
différentes structures et l'instauration d'une comitologie à
plusieurs niveaux pour conduire la réforme comptable (1).
A cet effet, la création de la direction de la réforme
budgétaire, du service de la fonction comptable de l'Etat et d'un
service à compétence nationale pour le pilotage du projet
informatique nous a paru déterminante dans sa démarche
française dite trajectoire (2). De même, la mise
en place d'un normalisateur comptable est un élément significatif
à souligner.
113 On dénote une série de cinq (5) rapports
parlementaires sur « l'état de d'avancement de la mise en oeuvre de
la LOLF » entre 2003 et 2005 (Source : La Documentation française,
Dossier LOLF).
78
1- la création de différentes structures
pour coordonner et conduire la réforme comptable
La question d'édition et d'interprétation des
normes comptables a été largement pris en compte d'abord avec la
création du comité des normes de la comptabilité publique
en 2002, ensuite dans l'organisation de la DRB en 2003 (Mission des Normes
Comptables), et enfin par la création du Comité
d'Interprétation des Normes de Comptabilité Publique en
2004114 (les deux comités ont été
remplacés en 2008 par le Conseil de Normalisation des Comptes Publics).
La démarche française du pilotage de la réforme comptable
a été donc caractérisée par la mise en place de
structures dédiées. Cependant, avec la convergence des pratiques
vers le model du secteur privé, il y a eu recours à des
consultants privés. A cet effet, le Sénat dans son rapport de
2003, cite les cabinets Cap Gemini Ernst & Young, Publicis et
Boston Consulting Group pour leurs accompagnements en
comptabilité, communication et conduite de projets. Une collaboration
qui a sans doute influencé sur les choix de pilotage.
La phase de préparation de la réforme pendant
laquelle les préalables doivent être mis en place va de l'adoption
de la LOLF en août 2001 jusqu'à son entrée en vigueur en
janvier 2006. Le choix de la méthode de mise en oeuvre a conduit
à la définition de certaines orientations que nous pouvons
illustrer à travers les travaux de construction du bilan d'ouverture.
Pour la mise en oeuvre d'une comptabilité en droits constatés,
les pays ont le choix entre plusieurs méthodes. En outre, la France a
choisi le « grand chambardement»115 et la certification
des états financiers dès la première année.
Malgré l'ampleur des travaux et les exigences de la démarche
choisie, les comptes produits pendant la première année
d'application réelle de la réforme fût soumis à la
certification de la Cour des Comptes. Il n'y a donc pas eu de période
transitoire pendant laquelle l'administration aurait pu apporter des
corrections aux dysfonctionnements constatés lors de(s) la
première(s) année(s) d'application de la réforme et se
préparer à l'avènement de la certification. Le choix a
été donc fait de mettre à profit la période de
préparation (2001-2005) pour réunir les préalables en
suivant des orientations.
114 Michel LASCOMBE et Xavier VANDENDRIESSCHE, La
maîtrise de la production des « normes », in Michel BOUVIER
(dir.), Réforme des finances publiques : la conduite du changement,
Actes de la 3ème Université de printemps de finances publiques du
GERFIP, Paris, LGDJ, 2007, p. 47-66.
115 La démarche du « grand chambardement »,
elle est une application généralisée à toutes les
entités concernées au même moment.
79
Les principales options arrêtées et mises en
oeuvre par les acteurs de la réforme ont trait à
l'expérimentation, la démarche de trajectoire, la clause de
réserve informatique et la formation. L'expérimentation a
été au coeur des travaux de mise en oeuvre de la réforme.
Ce choix s'est même imposé comme critère
d'appréciation de l'état d'avancement de la réforme par le
législateur. Ainsi, l'article 109 de la loi de finances de 2003 dit-elle
que le rapport annuel du gouvernement sur la mise en oeuvre de la
réforme doit faire « ...le point sur les
expérimentations menées ou envisagées pour préparer
la mise en oeuvre de la loi organique et sur les difficultés que ces
expérimentations soulèvent ». A titre illustratif, les
expérimentations menées dans le domaine comptable, ont
concerné entre autres le recensement du parc immobilier et la
création des nouvelles structures116.
2- La démarche dite de trajectoire
Premièrement, la démarche dite de trajectoire,
elle consiste à se donner du temps dans l'atteinte d'un objectif cible
compte tenu des difficultés et de l'ampleur des travaux à mener,
en se lançant dans une logique de progressivité et
d'amélioration continue. A cet effet, l'accent a été
d'abord mis sur les éléments essentiels et significatifs dans les
travaux117, notamment dans la fiabilisation des données du
bilan d'ouverture, le déploiement du contrôle interne, la
définition du périmètre des travaux d'inventaire,
l'adaptation du système d'information etc.
Deuxièmement, l'élaboration du bilan d'ouverture
est le premier jalon pour le passage à une comptabilité
patrimoniale en droits constatés. C'est un chantier emblématique
de la réforme budgétaire et comptable. D'où l'importance
d'y accorder un focus dans le cadre de la démarche française. Les
travaux menés dans ce cadre traduisent concrètement les choix
effectués par la France. Les réponses organisationnelles
apportées aux nouvelles exigences budgétaire et comptable sont
l'élargissement et le partage de la fonction comptable, qui a abouti
à des adaptations organisationnelles au niveau des services du
Trésor public et des gestionnaires.
Troisièmement, la réorganisation des services du
Trésor public, les solutions organisationnelles ont été
diverses et ont concerné aussi bien le niveau central que
déconcentré.
116
117 DGCP, la réforme des comptes de l'Etat, partie 03.
Une comptabilité enrichie, le bilan d'ouverture, Paris, 2006.
80
Nous soulignons ici deux réformes organisationnelles
que nous trouvons emblématiques à cause de leurs rôles dans
la nouvelle architecture comptable. Il s'agit des attributions du Service de la
Fonction Comptable de l'Etat et la création de Départements
Comptables auprès des Ministères (DCM). Les services des
gestionnaires ont été également amenés à
revoir leur organisation et leurs procédures pour tenir compte des
exigences de leurs nouvelles responsabilités comptables. Dans la phase
préparatoire, ils ont désigné des responsables de la mise
en oeuvre de la réforme, des chefs de projets et des correspondants dans
certains domaines spécifiques. Enfin, l'exercice pratique des nouvelles
attributions, les ordonnateurs et leurs services ont adapté leurs
organisations et fonctionnements. Ce changement est bien visible dans la
réalisation des travaux d'inventaires.118
S'agissant du choix de la certification dès la
première année, il a sans doute contribué à
l'implication de la Cour des Comptes dans la préparation et la mise en
place de la nouvelle comptabilité par l'instauration d'un dialogue
régulier avec l'administration. Néanmoins, le risque encouru dans
ce choix était de se retrouver avec des comptes non certifiés
comme ce fût le cas aux Etats-Unis avec des comptes certifiés
assortis d'un nombre important de réserves119. Il ressort de
l'analyse de la phase de préparation de la réforme que des
travaux importants ont été réalisés, même si
la première certification de la Cour des Comptes étale les
limites de certains choix. En somme, la France a su satisfaire à
plusieurs prérequis au passage de la comptabilité en droits
constatés. Toutefois, les réserves sur les comptes de 2006
soulignent des insuffisances dans certains domaines.120
Pour analyser cette situation, nous avons fait recours aux
recommandations de l'étude de 1997 menée au Canada sur les bonnes
pratiques en la matière. Notre grille porte sur deux de ces
recommandations rappelées ci-dessous à savoir:
- définir les besoins en matière de
systèmes et, autant que possible, choisir des produits couramment
disponibles sur le marché;
118 Jean-Louis NINU et Gilbert TOULGOAT, La mise en place des
services de contrôle budgétaire et comptable ministériel :
une création justifiée et une mise en place rapide, La Revue du
Trésor, n° 7, 2006, p. 523-526.
119 Alain CAUMEIL est administrateur des finances publiques,
était chef de bureau à la Fonction comptable de l'Etat. Il a
publié plusieurs articles et à participer à plusieurs
conférences internationales sur le sujet.
120 Cf. présentation du FMI sur la mise en oeuvre de la
comptabilité en droits constatés dans le secteur public, par
Suzanne FLYNN, lors du 16ème Symposium annuel de l'OCDE sur la
comptabilité publique en droits constatés, Paris, 21-23 mars
2016.
81
- se préparer le plus possible avant de procéder
à la mise en oeuvre complète.
La pratique de l'expérience de la France nous a
amené à nous intéresser de manière comparative
à la pratique en République Centrafricaine.
|