SECTION II : LA GARANTIE PAR LA TRANSFORMATION DES
PRINCIPES
BUDGETAIRES ET COMPTABLES EN RCA.
La République Centrafricaine a fait le choix d'une
transformation budgétaire (paragraphe 1) et comptable
(paragraphe 2) qui s'appuie sur des principes et une
procédure respective.
Paragraphe 1 : Les principes de la transformation
budgétaire et la modernisation de la gestion des finances publiques
L'histoire du droit budgétaire est une histoire qui ne
s'achève pas, elle s'inscrit dans une transformation continue qui a
toujours été nécessaire voire importante. L'Etat qui est
la première structure historique a pris la mesure de règlementer
les procédures et le mode de gestion des deniers publics afin
d'éviter la mauvaise gouvernance des deniers publics dans les conduites
des affaires d'intérêt général à travers la
mise en oeuvre des politiques publiques. Ainsi, nous verrons la transformation
des principes budgétaires (A) et la modernisation de la
gestion publique (B).
A- La transformation des principes
budgétaires
Six principes fondamentaux sont donc établis pour
régir le budget de l'Etat, des collectivités publiques, des
communes, des régions, ainsi que les nombreuses entités
publiques. Ces principes budgétaires traditionnels avaient exclusivement
pour but de permettre aux acteurs d'élaboration, d'exécution et
de contrôle du budget, notamment au Parlement de contrôler les
dépenses et les recettes publiques. Jusqu'à présent, les
principes budgétaires étaient d'ordre exclusivement juridique,
puisqu'il ne s'agissait que de contrôler l'emploi des deniers publics,
les impératifs prégnants dans les sociétés
contemporaines ont favorisé l'émergence de ces principes.
1. 73
Le principe d'annualité
budgétaire
Ce principe signifie que le budget de l'État et des
autres entités publiques doit être voté chaque année
(annualité du vote du budget et de l'autorisation de percevoir les
impôts). L'exercice budgétaire est planifié sur une
année civile. C'est-à-dire, l'exécution des
dépenses et des recettes doit s'effectuer entre le 1 er janvier et le 31
décembre de chaque année (Cas de la République
Centrafricaine). Cependant, la dérogation au principe d'annualité
budgétaire nuirait à sa souplesse nécessaire, au bon
fonctionnement financier de l'État et à la prise en compte de la
dimension pluriannuelle des finances publiques. Cette dernière, dans la
pratique, s'est progressivement imposée dans le cadre d'une gestion
maîtrisée des finances publiques: programme d'investissement,
soutenabilité budgétaire, etc.
Il s'agit donc dans ce principe de programmer les
dépenses de l'État sur trois ans avec l'année x comme
première annuité. Cette construction résulte des
réformes engagées depuis 2011 par la CEMAC et intègre les
recommandations adoptées dans le cadre harmonisation des bases
normatives et institutionnelles des Finances publiques de l'État. A
titre d'illustration, la Constitution française reconnaît pour la
première fois que la notion de loi de programmation des finances
publiques qui définit les orientations pluriannuelles des finances
publiques. Cette dimension pluriannuelle a aussi été mise en
exergue avec la LOLF depuis 2001 par la distinction entre les autorisations
d'engagement et les crédits de paiement. Les autorisations d'engagement
permettent d'engager juridiquement la dépense de l'État et sont
valables sans limitation de durée jusqu'à ce qu'il soit
procédé à leur annulation. In fine, le principe
d'annualité budgétaire ancien est donc soumis à des
aménagements, destinés à concilier continuité
budgétaire et souplesse de fonctionnement financier de l'État aux
fins de répondre aux multiples contraintes, des lois des finances
rectificatives modifiant la loi des finances en cours d'année.
2. Le principe d'unité
budgétaire
Ce principe est assuré par l'enregistrement de tous les
crédits et de toutes les dépenses au sein d'un document unique,
la loi de finances, assurant aux parlementaires, et autres acteurs une
lisibilité du budget de l'État. Le principe d'unité
budgétaire recouvre deux règles :
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- la règle de l'unité, qui exige que le budget
de l'État soit retracé dans un document unique (la loi de
finances). Il s'agit ainsi d'assurer aux parlementaires et aux partenaires une
bonne lisibilité du budget, et donc, faciliter un contrôle
effectif sur les finances de l'État ;
- la règle de l'exhaustivité, selon laquelle la
loi de finances doit prévoir et autoriser l'ensemble des recettes et des
charges de l'État.
En France par exemple, le principe de l'unité
budgétaire est renforcé dans la LOLF notamment par une diminution
du nombre de budgets annexes et de comptes spéciaux. D'une part, la loi
de finances s'accompagne d'annexes qui en développent la portée
et, d'autre part, la règle de l'exhaustivité est compromise par
la création de fonds spécifiques qui extraient des charges du
périmètre du budget de l'État.
3. Le principe de spécialité
budgétaire
Le principe de spécialité budgétaire
quant à lui consiste à détailler chaque crédit afin
qu'il ait une destination précisée des crédits
alloués par la loi de finances. Le respect de ce principe garantit la
destination des crédits et ne pourra être modifiée sans
l'autorisation du Parlement. Or, en France, la LOLF a profondément
modifié ce principe en le substituant à une logique fondée
sur la destination des crédits intangible pendant l'exercice, une double
logique fondée sur la nature et l'objet de la dépense dans un
souci de visibilité de l'utilisation des fonds publics. La loi de
finances prévoit en effet le montant de crédits, la nature des
dépenses qui seront « spécialisées » pour chaque
programme et l'objet spécifique des dépenses. La nature de la
dépense correspond aux indications crédits de personnel, de
fonctionnement et d'investissement etc.
L'objet de la dépense est défini par l'action,
ou un groupe d'actions, inclus dans un programme, à laquelle sont
rattachés des objectifs et des indicateurs. Au sein de chaque programme,
l'affectation des crédits par nature et par objet est
déterminée de manière prévisionnelle. Ils sont
fongibles. Ils peuvent être diminués par la fongibilité
vers d'autres natures de dépenses mais l'inverse est impossible
(fongibilité dite asymétrique).
4. Le principe d'universalité
budgétaire
Le principe d'universalité, selon lequel l'ensemble des
recettes couvre l'ensemble des dépenses, est conforté. Il se
décompose en deux règles :
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- La règle de non-compensation, qui interdit la
compensation de dépenses individualisées par des recettes
spécifiques (par exemple, déduire les frais de recouvrement
prélevés par l'État du montant des impositions) pour ne
présenter que le solde des opérations ainsi compensées. En
dehors de certaines dérogations applicables, par exemple, aux comptes
spéciaux d'affectation, cette règle permet d'assurer la
lisibilité et la sincérité du budget "global" de
l'État ;
- La règle de non-affectation, qui interdit
l'affectation d'une recette à une dépense
déterminée. Elle implique de verser toutes les recettes dans une
caisse unique où l'origine des fonds est indéterminée.
Elle permet à l'autorité budgétaire de conserver son
pouvoir de décision et de gérer les fonds publics en respectant
les notions de solidarité et d'unité nationales. Elle
connaît toutefois quelques dérogations comme les budgets annexes
ou les comptes spéciaux d'affectation qui retracent des dépenses
bénéficiant d'une affectation particulière de recettes.
5. Le principe de l'équilibre
budgétaire
Jusqu'à présent, les principes
budgétaires étaient d'ordre exclusivement juridique. Il ne
s'agissait que de contrôler l'emploi des deniers publics. Avec, le
principe d'équilibre, le droit budgétaire s'enrichit d'une vision
économique. Il s'agit de faire en sorte que le budget ne grève
pas la croissance économique. De plus, apparaissent des exigences ayant
trait à l'efficacité de l'action publique, d'où le
principe d'utilité de la dépense publique auquel la LOLF fait
référence en France.
Ce principe existait déjà dans la DDHC de1789.
Celle-ci prévoyait, en effet, que la contribution publique ne peut
être établie qu'après en avoir constaté la
nécessité. L'addition de ces principes répond à la
double exigence qui s'impose à l'action publique de nos jours :
transparence, performance et résultats.
6. Le principe de sincérité
budgétaire
La loi organique relative aux lois de finances du
1er Août 2001 en France consacre un nouveau principe
budgétaire « le principe de sincérité
budgétaire ». Ce principe implique l'exhaustivité, la
cohérence et l'exactitude des informations financières fournies
par l'État. Les lois de finances rectificatives et la loi de
règlement permettent d'assurer l'effectivité de ce principe et de
réduire les écarts en cours d'exécution, compte tenu de la
nature prévisionnelle de chaque loi de finances initiale. La LOLF donne
une importance particulière à la loi de règlement. Elle
permet
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aux parlementaires de contrôler chaque année
l'exécution du budget notamment au moyen du compte de résultat et
du bilan de l'État. Accompagnée d'annexes, des rapports annuels
de performance. Elle précise pour chaque programme les résultats
atteints au regard des objectifs initialement précisés pour
l'exercice. Les lois de règlement garantissent une information de
meilleure qualité aux parlementaires et imposent une justification de
toutes les dépenses dès le premier acte. Les questionnaires
parlementaires adressés chaque année par les parlementaires aux
responsables des programmes permettent de compléter leur information sur
les politiques conduites.
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