B- La conformité du nouveau cadre
budgétaire et comptable de la RCA aux Directives de la CEMAC de 2011
L'amélioration des documents budgétaires est
l'un des aspects importants des réformes relatives à la gestion
des finances publiques qui se déroulent depuis bientôt une
décennie par les Etats en zone CEMAC. Ainsi, le nombre des aspects
à réformer dans ces textes juridique s'est progressivement accru.
En outre, cette multiplication des directives s'est accompagnée de
mesures tendant à améliorer leur caractère informatif et
leur lisibilité afin de répondre aux normes communautaire de
gestion financière moderne. Mais, faut-il encore que les nouvelles
mesures juridiques se traduisent effectivement par un enrichissement des
exigences communautaires souhaitées. C'est pourquoi, après avoir
évoqué la transposition de directives budgétaires et
comptables nouvelles, nous apprécierons leur impact sur l'information
financière.
1- La conformité des principes
budgétaires et comptables.
En effet, elle se ramenait, pour l'essentiel, aux
avant-projets de budgets préparés annuellement par les
ministères et institutions publiques. L'avant-projet de loi de finances,
préparé par le Ministère en charge des Finances et qui
devient le projet de loi de finances quand le Gouvernement le dépose sur
le bureau de l'Assemblée Nationale et qui l'adopte. Selon la Loi
Organique n°18.013 du 13 Juillet 2018, relative aux lois de finances de la
RCA, ce document budgétaire, qui est la traduction financière de
la politique gouvernementale pour l'année à venir, devait
être accompagné d'un certain nombre d'annexes contenant diverses
informations. Dans la
57
pratique, les taxes parafiscales ont progressivement disparu
des documents budgétaires alors que seulement quelques comptes
spéciaux du Trésor accompagnent le projet de loi de finances.
Quant aux autorisations de programmes, elles n'ont, pour ainsi
dire, jamais été prévues et autorisées dans un
projet de loi de finances malgré la transposition de ces exigences. En
définitive, le projet de loi de finances se ramenait au texte dudit
projet auquel sont joints un ensemble de tableaux donnant les détails
des autorisations de recettes suivant la nature de celles-ci et la
répartition des crédits budgétaires par titre, section,
chapitre et article selon la nature ou la destination de la dépense. La
transposition en droit interne et la mise en oeuvre des Directives de la CEMAC
relatives aux lois de finances d'une part, et la réglementation de la
comptabilité publique d'autre part, ont bouleversé quelque peu
cette pratique mais cette dernière suit son chemin encore.
Par ailleurs, la nouvelle loi organique de 2018, relative aux
lois de finances prescrit de nouvelles mesures qui viennent compléter
celles existantes. Ainsi, outre le « rapport définissant
l'équilibre économique et financier, les résultats connus
et les perspectives d'avenir », le projet de loi de finances doit
désormais être accompagné de deux catégories
d'annexes explicatives : celles obligatoires et celles facultatives.
- Les annexes obligatoires comprennent, à
côté des quatre documents explicatifs classiques, « un
état développé des restes à payer » et un
autre pour les restes à recouvrer de l'Etat ;
- les annexes considérées comme facultatives
sont constituées de documents jusqu'alors
inconnus dans le droit budgétaire du pays : bilan
financier de l'Etat, tableau de financement synthétique de l'Etat et du
secteur public administratif, plan de trésorerie prévisionnel et
mensualisé de l'exécution du budget de l'Etat et les normes
prévisionnelles de régulation des crédits.
Ainsi, ces annexes portent sur divers aspects du budget et
laissent présager d'un
enrichissement corrélatif de l'information
budgétaire. L'enrichissement appréciable de l'information
budgétaire quant à lui résulte d'abord de la mise en
oeuvre de la Directive du 19 décembre 2011 portant nomenclature
budgétaire de l'Etat. Elle (nomenclature) se distingue par la recherche
de la précision qui a présidé à son
élaboration. Alors que l'ancienne nomenclature retenait le paragraphe
comme la plus petite unité de crédits budgétaires, celle
désormais en vigueur
58
prévoit la subdivision de celle-ci en unités
encore plus réduites93, afin d'informer plus
précisément sur la nature ou la destination des crédits
affectés aux postes de dépenses.
En outre, elle a été mise en cohérence
d'une part, avec le Plan comptable de l'Etat, d'autre part, aligné sur
les données de la Comptabilité Nationale afin de fournir les
informations les plus pertinentes pour les analyses financières. C'est
ensuite par l'accroissement du nombre de documents budgétaires que
l'information sera davantage enrichie. Notons que, ces nouveaux textes
permettent de renseigner les acteurs des processus budgétaires sur des
aspects du budget non encore révélés et dont la
connaissance devrait améliorer leurs interventions.
Au sujet des états développés des restes
à payer et des restes à recouvrer, si les données
contenues dans ces états étaient fiables, ils fourniraient au
Gouvernement et au Parlement une image fidèle de l'exécution du
budget précédent et éclaireraient la prise des
décisions sur le projet de budget. Car ils sont indicateurs de la
fiabilité des instruments de prévision. Ils donneraient aux
décideurs des informations sur le niveau réel d'exécution
des autorisations budgétaires, permettant de formuler des politiques
budgétaires réalistes.
Il en est de même pour le plan de trésorerie
mensualisé et des normes prévisionnelles de régulation des
crédits qui l'accompagnent. Le plan de trésorerie
mensualisé anticipe sur les recettes susceptibles d'être
recouvrées au cours des mois à venir et procède à
leur répartition sur l'ensemble des dépenses autorisées en
conformité avec les priorités gouvernementales.
La régulation budgétaire c'est le
mécanisme qui est prévu lorsque, (malgré la discipline
budgétaire), le niveau de recouvrement des recettes n'est pas à
la hauteur de celui des dépenses en instance de paiement. Pour guider
les gestionnaires dans le choix des dépenses, les normes de
régulation sont communiquées à l'avance. Elles reposent
sur la distinction entre dépenses obligatoires (exclues des
régulations) et dépenses non obligatoires, susceptibles
d'être régulées .Ainsi, sont notamment insusceptibles de
régulation les dépenses dites de souveraineté et celles
93 Directive n°O4/11-UEAC-190-CM-22 du 19 décembre
2011 portant nomenclature budgétaire de l'Etat, internalisée par
un décret n° 19.094 du 27 mars 2019.
59
exécutées en guise de contreparties nationales
aux projets et programmes de développement conformément à
des engagements pris vis-à-vis des Partenaires Techniques et
Financiers.
Quant à la lisibilité approximative des
documents budgétaires, elle demeure une lisibilité
limitée. Cela tient, d'une part, aux lacunes de la nomenclature
budgétaire qui ne permet pas de restituer une information
complète sur la politique budgétaire, d'autre part, cela tient au
caractère technique même de cette information et à
l'absence de commentaires appropriés.
En fin de compte, les limites inhérentes à la
nomenclature budgétaire en vigueur issue de la Directive de la CEMAC,
reste malheureusement dans la pratique une nomenclature destinée
à une présentation budgétaire classique,
c'est-à-dire celle d'un budget de moyens. Elle n'informe que sur la
nature des dépenses (personnel, matériel, transfert...) et leur
destination, c'est à dire la structure qui en est
bénéficiaire. Ainsi, le titre, l'article, le paragraphe et la
rubrique budgétaires sont des niveaux de regroupement des crédits
qui renseignent sur la nature de la dépense. La section et le chapitre,
quant à eux, informent sur la destination de la dépense.
2- Une définition insuffisante des enjeux et
objectifs
La ligne conductrice définie par le régime
financier de la RCA fait la part belle à une politique financière
dominée par une augmentation des autorisations budgétaires
allouées aux ordonnateurs dans une préférence des moyens
plutôt que des résultats. Prévu par la loi l'organique
relative aux lois de finances, et les lois de finances annuelles, le budget est
structuré par nature de dépenses autour de chapitres qui
constituent le cadre de la spécialité budgétaire. Seule
importe ici la régularité au regard de la réglementation.
C'est la prééminence de «la rationalité juridique au
détriment de la rationalité managériale
»94.
Les mesures budgétaires basées sur cette
approche quantitative, favorisent le volume des crédits, leur taux
d'évolution et leur taux de consommation. Cependant, il est paradoxal de
constater que l'augmentation des lignes de crédits n'a pas abouti
à un réel impact dans la vie des citoyens. En effet, les
gestionnaires de crédit n'ont pas à justifier de la pertinence de
leur choix budgétaires. Les contraintes de gestion reposent uniquement
sur le respect des imputations
94 Chevalier Jacques et Loschak Daniel,
rationalité juridique et rationalité managériale dans
l'administration française, Revue française d'administration
publique n°24 , 1982.
60
budgétaires. Le budget de l'Etat est en nette
augmentation depuis quelques années suite à l'embellie de
l'économie. Plusieurs crédits ont été ouverts et
consommés sans qu'aucun objectif quantitatif ni qualitatif n'ait
été atteint. Or, un bon budget n'est pas forcément un
budget qui connaît des augmentations. C'est aussi un budget qui «
permet de réaliser des objectifs déterminés avec un
montant de ressources minimal, et donc, qui caractérise une action
efficace, efficiente et économe des deniers de l'Etat
»95.
L'absence d'une démarche de performance et la recherche
de la performance sont au coeur du management des politiques publiques dans les
administrations modernes. La nouvelle gestion publique en fait un credo
essentiel de l'action des autorités. La recherche de la performance est
à cet égard, au coeur de l'action des responsables publics. Pour
cela, un cadre normatif et institutionnel est nécessaire à mettre
en oeuvre. A l'inverse de ce qui a été entrepris dans certains
pays et récemment en France à travers la LOLF, le système
financier de la République Centrafricaine n'a pas dans son dispositif
actuel du budget, une conceptualisation de la démarche de
performance.
Aucune des fonctions essentielles qui recouvrent la recherche
de la performance n'est prépondérante dans le régime
financier de la République Centrafricaine, du moins dans son acception
actuelle. Concernant la fonction d'explication des finalités et des
objectifs des politiques publiques et de l'action administrative, cette
fonction est quasi inexistante. La forte personnalisation du pouvoir politique
autour des différents chefs de l'Etat qui arrivent au pouvoir en
Centrafrique ne favorise sans doute pas l'expression des finalités et
des objectifs à atteindre.
Les responsables politiques ou administratifs
atrophiés, ne peuvent prendre aucune initiative dans ce sens. Il n'est
d'objectifs que ceux qui viennent du sommet de l'Etat. Les circulaires de
préparation budgétaires que signe le Président de la
République ou le Premier Ministre au moment de la préparation de
la loi des finances remplissent cette mission de façon imparfaite. La
circulaire présidentielle précisait en matière de
dépenses «la nécessité de promouvoir le bien
être de la population» avec en priorité des choix
budgétaires «orientés vers les dépenses de
qualité, résultant de stratégies sectorielles, d'une
programmation budgétaire
95 Rapport du Sénat français sur
l'état d'avancement de la mise en oeuvre de la LOLF, n° 338,
juillet 2002, P.21
61
rigoureuse et de la définition d'objectifs assortis
d'indicatifs » avec un budget moyen sans indicateurs. La fonction de
définition des normes de performance de l'administration associée
aux objectifs à atteindre n'en fait pas mention.
D'abord, la fonction d'information par le d'un système
d'information intégrateur assurant le reporting de l'action
publique est inachevée. L'entrée en vigueur en 2019 de la
nouvelle nomenclature budgétaire de l'Etat n'a pas changé
sensiblement la situation. Ensuite, la souplesse de gestion accordée aux
responsables de l'action publique dans l'esprit de de la loi organique relative
aux lois de finances qui consacre le ministre des finances, le seul ordonnateur
du budget de l'Etat. De même, l'architecture du budget empêche
toute marge de manoeuvre entre chapitres et lignes budgétaires. En
outre, la possibilité de virement est extrêmement limitée
d'une part et l'intégration des données de performance dans les
procédures budgétaires, l'abondance des services votés ne
permet pas de justifier de l'utilisation à partir du premier franc
d'autre part. En fin, la transformation des modalités d'audit et de
contrôle ne prévoit pas d'audit des comptes de l'Etat. Les
contrôles internes sont mous.
Les audits sont rares et lorsque ceux-ci sont
effectués, ils le sont à la diligence des partenaires au
développement. L'absence pendant plus de trente ans d'une juridiction
des comptes sanctionnant les comptes des comptables et des ordonnateurs
illustre bien que la démarche de performance n'a été une
priorité actuelle dans le droit budgétaire de la
République Centrafricaine. Par ailleurs, la timidité de
l'Assemblée Nationale dans la définition du droit
budgétaire est caractéristique du fonctionnement de l'Etat et de
ses finances publiques.
3- Autres imperfections
La gestion budgétaire est un processus fait d'une
succession d'étapes au cours desquelles interviennent divers acteurs. On
peut distinguer globalement l'élaboration de la loi de finances, ensuite
son exécution et enfin, son contrôle. Alors, son
élaboration et son exécution restent entièrement dominer
par le Gouvernement en outre, les contrôles administratif, juridictionnel
et politique ne font l'objet que d'une publicité limitée.
62
a- L'élaboration du budget dominée par
le Gouvernement
Si le Parlement est un partenaire incontournable du
Gouvernement dans l'élaboration de la loi de finances, c'est le
Constituant Centrafricain lui-même qui a obligé le Gouvernement
à déposer chaque année devant l'Assemblée Nationale
son projet de loi de finances afin d'obtenir des députés
l'autorisation nécessaire pour recouvrer les ressources et effectuer les
dépenses engendrées par la mise en oeuvre de son programme de
développement économique et social. Toutefois, l'Assemblée
Nationale n'intervient que tardivement dans l'établissement de la loi de
finances de l'année. Quant aux organisations de la société
civile et au public, leur absence est remarquable dès ce stade du
processus.
Pour cette intervention tardive de l'Assemblée
Nationale dans l'élaboration de la loi des finances, il n'est pas
exagéré de dire que, la préparation du projet de loi des
finances est réalisée par le Gouvernement en vase clos. Il
(Gouvernement) conduit, sans intervention d'acteurs extérieurs, le
processus qui va de la production des prospectives budgétaires à
la confection du projet de loi des finances après les ultimes arbitrages
du Conseil des Ministres. Alors, l'on peut remarquer qu'il n'existe pas encore,
l'équivalent des Débats d'Orientation Budgétaire qui se
déroulent dans certains pays à l'exemple de la
France96 et qui permettent aux parlementaires d'être
informés des grandes lignes de la politique budgétaire de
l'année à venir aux fins de mieux assumer leur rôle
d'autorité budgétaire. En effet des étapes importantes de
la phase de préparation de la loi de finances comme celle des cadrages
macro-économiques ou celle des arbitrages en Commission Technique
budgétaire qui sont des moments privilégiés de discussion
sur les orientations gouvernementales et où s'opèrent des choix
importants échappent aux parlementaires.
Du reste, le temps réellement consacré aux
débats budgétaires ne permet pas son examen de manière
intégrale. Puisse que, les quatre-vingt-dix jours théoriques que
dure la deuxième session parlementaire ne sont pas entièrement
consacrés aux seules questions budgétaires. La Constitution leurs
réserve soixante jours, ce qui paraît, a priori, suffisant. En
outre, concernant les « députés qui n'ont pas souvent la
formation requise en finances publiques pour s'approprier rapidement du contenu
de documents97 », ils se distinguent par leur
caractère technique et l'absence de commentaires. Ce constat doit
être mentionné. Au demeurant, la plupart des
députés
96 Michel BOUVIER et BARILARI A., La nouvelle
gouvernance financière de l'Etat, Paris, LGDJ, 2004, p. 40.
97 C'est la prise de conscience de ce
phénomène qui explique la mise en place d'un Projet de
Renforcement des Capacités de l'Assemblée Nationale.
63
s'en remettent au rapport issu des travaux de la Commission
des Finances et du Budget pour les orienter et votent suivant les consignes de
leur groupe parlementaire.
Si l'Assemblée Nationale Centrafricaine est loin
d'être évincée de la procédure d'élaboration
de la loi des finances, son intervention tardive la contraint à un
rôle d'approbation du projet gouvernemental. Quant aux organisations de
la société civile et au public, leur absence au processus
budgétaire passe inaperçue sous leurs yeux que nous verrons dans
la partie suivante. Mais, pour nous les chercheurs et la communauté
scientifique, ce manquement ne passe pas inaperçue.
b- L'absence remarquable des organisations de la
société civile et du public dans le processus
budgétaire
De prime à bord, si la société civile
manifeste constamment un intérêt croissant sur les questions de
gestion de la politique publique, c'est pour l'amélioration de sa
condition de vie sociale. Or, la question de l'élaboration et de
l'exécution budgétaire doit les préoccuper le plus en
particulier. Il en relève de ses compétences dans une
société qui se veut au service du Peuple. Les organisations qui
la représentent doivent prendre conscience de l'importance du budget
comme déterminant des politiques publiques et doivent de plus en plus
rechercher d'informations budgétaires aux fins d'apporter leurs
critiques d'une part et d'autre part, faire le suivi des réalisations
publiques et de les évaluer.
Pour y parvenir, elles doivent se former en finances publiques
puis, renforcer leurs capacités en collecte et analyse de l'information
budgétaire. A court, moyen et long terme, elles pourraient contribuer
à ouvrir le débat budgétaire objectif lorsqu'il se
déroule à l'Assemblée et, dans une certaine mesure,
vulgariser les informations au grand public par le canal de la presse ou des
réunions publiques. Par leurs critiques et leurs analyses
indépendantes, elles éclaireraient les citoyens contribuables sur
les choix budgétaires des gouvernants, contribuant ainsi à plus
de transparence dans la gestion publique et au renforcement de la mobilisation
des ressources et l'exécution du budget. Le Gouvernement lui-même
ne semble pas favorable à une telle évolution des choses sinon,
il aurait pu promouvoir cette initiative. Malgré qu'il est fait mention
dans la loi portant Code de transparence et de bonne gouvernance en RCA
adoptée en 2017. C'est pourquoi,
64
le citoyen doit connaître, de manière
transparente, l'affectation des deniers publics recouvrés, les objectifs
de la dépense publique, l'accès à l'information
budgétaire et comptable doit apparaître comme l'un des premiers
droits du citoyen que les gouvernants doivent satisfaire.
Au demeurant, dans la pratique, très peu de mesures
concrètes traduisent l'information budgétaire et comptable dans
la réalité. Il n'existe aucun cadre institutionnalisé
permettant aux organisations de la société civile, la
communauté scientifique qui le souhaitent, de formuler leurs critiques
ou propositions sur la politique budgétaire menée par le
Gouvernement, avec l'espoir qu'elles soient prises en compte dans la mise en
oeuvre des politiques publiques par les autorités
décideurs.98
A travers nos multiples recherches documentaires, nous avons
relevé à mette reprises l'absence d'un programme visant à
assurer l'appropriation de la loi des finances. Dans le même sens,
l'exécution du Budget de l'Etat en faveur des différents publics
cibles reste encore un tabou. La presse, les partenaires techniques et
financiers, les Directeurs de l'Administration et des Finances, ceux des Etudes
et de la Planification, des Ressources Humaines ou encore les Personnes
responsables des marchés publics et institutions, les chefs
d'entreprises n'en savent rien du tout. Pareillement l'on note l'absence
d'initiative et de volonté politique du Gouvernement de vulgarisé
les détails de loi des finances au public à travers les canaux et
supports tels que : manuel ou prospectus, exposés débat,
conférences, émissions télévisée et
radiodiffusée, en langue accessible au grand public et surtout la langue
nationale « le Sangô ». Tout se passe comme si,
l'élaboration, exécution et contrôle du budget implique que
le Gouvernement et reste que son affaire ainsi que de ses services
administratifs et techniques. L'exécution qui s'en suit ne fait pas non
plus l'objet d'une plus grande ouverture et de publicité au public
nonobstant les dispositions constitutionnelles en vigueur et la loi portant
Code de transparence et de bonne gouvernance en RCA adoptée en 2017.
Quant à l'exécution budgétaire
alloué aux départements ministériels, aux
collectivités publiques, elle ne fait l'objet d'aucune publicité
ni en interne des services, ni au public extérieur.
98 On peut noter cependant les rencontres
périodiques Gouvernement /secteur privé qui permettent aux
opérateurs économiques d'évoquer avec les autorités
politiques notamment des questions de fiscalité.
65
Il y'a lieu aussi de relever qu'il n'existe aucun
mécanisme de suivi budgétaire qui donne lieu à
l'établissement de rapports divers. Ceux-ci ne font pas l'objet d'une
large diffusion à l'extérieur de l'Administration des finances ni
dans les départements concernés. De même, l'attribution et
l'exécution des marchés publics sont caractérisées
à un traitement spécifique (de gré à gré,
soit en faveur des personnalités influentes du parti au pouvoir),
méritent un examen particulier. La publication limitée des
rapports de contrôle, d'exécution budgétaire et de
l'information sur l'exécution des politiques publiques présente
quant à elles des enjeux vicieux à divers niveaux. Tout d'abord,
elle obscurcie les actes du gestionnaire qui pourraient, le cas
échéant, prendre toute mesure imposée par la conjoncture.
En réalité, pour un pays comme la RCA qui fait face souvent aux
crises à répétition, la présentation,
l'élaboration et l'exécution du budget devraient répondre
aux voeux du Parlement, de la société civile et du Gouvernement
qui ont besoin d'avoir de données fiables sur l'exécution
budgétaire et jouer, chacun en ce qui le concerne, leur fonction de
veille à l'efficacité des dépenses publiques.
Du reste, la diffusion de cette information relève de
l'obligation de rendre compte qui pèse sur tout gestionnaire public. Le
Gouvernement dispose, a priori, des moyens pour s'en acquitter. L'un des
systèmes de suivi budgétaire les plus éprouvés est,
sans conteste, le Contrôle Financier. En effet, représenté
auprès de tous les administrateurs de crédits et
ordonnateurs99, il assure le suivi de l'exécution du budget
en apposant son visa sur les principaux actes budgétaires et de
s'enquérir du respect de procédures y relative. Disposant ainsi
d'une vision d'ensemble sur le budget, il joue également le rôle
de conseiller auprès du Ministre en charge des finances qu'il informe
régulièrement par des rapports écrits100. De
même, une bonne comptabilité publique mise en oeuvre par le
Trésor Public assure aussi une fonction d'information plus
systématique qui se renforce mais uniquement pour les autorités
compétentes.
99 Il était également
programmé la réalisation des actions de communication suivantes :
traduction du budget de l'Etat dans les langues nationales, confection et
diffusion de dépliants sur le budget de l'Etat, publication du budget
sur les sites web de toutes les structures du ministère des finances,
publication consacrée au budget. A la fin de chaque trimestre, le
Contrôle Financier élabore et transmet au ministre chargé
des finances un rapport d'ensemble sur la situation financière de
l'Etat
100 En réalité l'insuffisance de ressources
humaines ne permet pas encore de désigner un Contrôleur Financier
pour chaque Institution, Ministère, Collectivité locale et
Etablissement Public. Ainsi, au niveau territorial, un seul Contrôleur
Financier peut assurer le contrôle de quatre ou cinq budgets.
66
La réforme objective que devrait engager
l'Administration à peine à contribuer à l'adoption
d'outils de gestion modernes, facilitant l'enregistrement des opérations
budgétaires et de trésorerie. Dans le même sens,
l'installation d'un comptable centralisateur distinct parmi les trois
comptables principaux de l'Etat pourrait permettre un meilleur suivi de la
situation de trésorerie et l'établissement à tout moment
de situations comptables d'ensemble101.
Ces mécanismes de suivi de l'exécution
administrative et comptable du budget donnent lieu à deux types de
rapports: ceux réalisés en cours d'exécution et ceux
réalisés a posteriori. - Les rapports du premier type donnent une
situation quasi instantanée du budget exécuté et ne font
pratiquement pas l'objet d'une publicité. Produits dans un but de suivi
interne de la gestion, ils ne sont communiqués qu'à un nombre
restreint d'utilisateurs.
- Les rapports du second type évoquent des
opérations de budgets entièrement exécutés et sont
diffusés dans un cercle plus élargi même si, dans la
pratique, seuls quelques spécialistes en connaissent l'existence et s'en
procurent102.
Alors, si les rapports sur l'exécution du budget sont
donc produits avec une certaine régularité, ce pendent ils
restent dans l'ensemble, difficilement accessibles103. Ainsi, qu'en
est-il des rapports périodiques sur l'exécution de la loi des
finances voire des situations hebdomadaires ou mensuelles de
trésorerie104? A cet égard, il n'existe pas un
dispositif institutionnel qui assurerait la communication systématique
à l'Assemblée Nationale de ces rapports pour les besoins de son
contrôle.
Quant au traitement accordé dans l'attribution des
marchés publics, il paraît déroger à cette situation
générale. Pour le cas particulier de l'exécution des
marchés publics, les enjeux qui s'attachent à l'exécution
des marchés publics sont évidents. En effet, ne
représentent-ils pas les
101 La Balance Générale des Comptes du
Trésor est produite régulièrement.
102 Outre la Balance Générale des Comptes on
peut citer, les Rapports d'activités annuels du Trésor, le
rapport public de la Cour des Comptes auxquels vient de se joindre le Rapport
sur les finances. Enfin, il faut ajouter les rapports particuliers
établis à la demande des Partenaires Techniques et Financiers
pour les besoins de suivi de leurs interventions.
103 Une des lacunes du système de contrôle des
finances publiques qui entache sa transparence est, sans conteste, les
difficultés de la Cour des Comptes à apurer les Comptes des trois
Comptables principaux de l'Etat.
104 Les rapports périodiques sur l'exécution de la
loi de finances sont examinés en Conseil de Ministres comme en
témoigne les comptes rendus.
67
dépenses publiques les plus importantes
financièrement105 ?. Aussi, au-delà des montants, la
sélection des offres se présente souvent comme un choix politique
à réaliser. D'où l'intérêt de tous les
partenaires sociaux pour cette catégorie de dépenses
publiques.
Les marchés publics doivent être l'un des
secteurs du budget les plus touchés par les réformes de
modernisation que connaît l'Administration financière. C'est dans
ce sens que, le domaine des finances publiques se doit des normes plus modernes
de gestion telles que celles de l'efficacité, de la
légalité, de la transparence, de la performance et des
résultats doivent connaitre une consécration juridique nouvelle.
Ces nouveaux principes introduisent une certaine ouverture dans les
procédures de passation et d'exécution des marchés et
tranchent avec l'opacité qui entoure souvent l'exécution des
autres opérations budgétaires. Du reste, la Direction
Générale des Marchés Publics doit disposer un site web
pour publier les données fiables et accessibles au public.
Toutefois, cette recherche de transparence, de
l'efficacité, de la sincérité, de la performance, de la
responsabilité et des résultats est entachée par la
persistance, à travers les réformes, de certaines lacunes
réglementaires en matière de gestion budgétaire et
comptable nonobstant les obligations faites aux Etats membres de la
communauté de toute législation nationale contraire,
antérieure et postérieure. Ainsi, notre étude nous a
conduit à nous rendre compte que la volonté de lutter contre la
corruption et les fraudes de tout genre ne peut aboutir si les
réglementations trop complexes, difficiles d'application sont encore en
vigueur. En outre, les mauvaises pratiques développées par la
routine doivent être enrayées à tout prix. Aussi, nous
relevons que les mesures tendant à assurer la publicité des actes
dans les procédures de gestion des marchés publics doivent
être claire, facilement interprétables, complétées
par un effort de simplification et de clarification de la réglementation
dans le sens de lisibilité facile. Enfin, des actions de formation ou de
renforcement des capacités doivent être organisées au
profit des gestionnaires de toutes les structures de l'Administration afin
qu'ils mettent en oeuvre les meilleures pratiques d'exécution du budget
et du respect des normes nationale, communautaire et internationale.
105 La réglementation générale des
marchés publics et des délégations de service public ne
retient plus le montant des engagements financiers comme critère de
définition des marchés publics mais comme élément
de détermination de la procédure de passation du
marché.
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