SECTION 2 : LES OBLIGATIONS DE TRANSPOSITION PAR LES
ETATS MEMBRES
La formule appliquée à la directive par le
législateur communautaire consacre de manière évidente un
rôle de l'Etat membre dans l'exécution de cet acte juridique
communautaire, une responsabilité marquée d'une grande
liberté synonyme du respect par la communauté de l'autonomie
institutionnelle et procédurale de l'Etat membre. Toutefois, même
si la CEMAC consacre le principe (paragraphe I), il reste tout
de même que celui-ci est limité par les impératifs
communautaires (paragraphe II).
Paragraphe 1 : la valeur supranationale des directives sur
les droits internes des Etats membres
Nous insisterons ici, sur la signification pratique
(B), d'une autonomie consacrée par les textes primaires
et les principes du droit communautaire (A).
A- Les sources du principe
Si l'autonomie des Etats membres ressort assez clairement
à la lecture de certaines dispositions des textes communautaires
originaires (1), c'est également le cas lorsque l'on s'intéresse
aux principes qui partagent les compétences dans les communautés
économiques régionales comme la CEMAC (2).
1- Les textes communautaires originaires
Les faiblesses intrinsèques à tout ordre
juridique d'émanation internationale ou régionale conduisent les
institutions créées dans un cadre interétatique à
recourir, pour l'exécution de nombre des actes juridiques qu'elles
adoptent, à l'utilisation des systèmes juridiques nationaux. Cet
emprunt est conditionné par le respect du principe de l'autonomie
institutionnelle des Etats membres, d'où l'affirmation claire de ce
dernier par les textes originaires de la CEMAC.
Si le principe n'est pas inscrit dans les lignes du
traité CEMAC, l'article 8 de la Convention de Libreville
régissant l'UEAC dispose quant à lui que :« Les organes
de l'Union Economique et les institutions spécialisées de
celle-ci édictent, dans l'exercice des pouvoirs normatifs que la
présente Convention leur attribue, des prescriptions minimales et des
réglementations cadres qu'il
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appartient aux Etats membres de compléter en tant
que de besoin, conformément à leurs règles
constitutionnelles respectives », il en est également pour
l'article 5 de la Convention régissant l'UMAC.
Cette consécration textuelle de l'autonomie des Etats
membres, dans le cadre particulier de la mise en oeuvre des directives
communautaires, puise ses sources, la définition que donne l'article 41
du traité CEMAC révisé de la directive. En effet, celle-ci
lie les Etats membres quant au résultat visé, tout en leur
laisser le choix de la forme et des moyens. Les Etats membres en matière
d'application des directives communautaires, disposent donc d'une
liberté précise, notamment dans la forme et les outils
employés pour se conformer aux objectifs communautaires. L'obligation de
transposition des directives des Etats membres, prévue dans le
régime juridique de la directive communautaire consacre alors sans
équivoque l'autonomie institutionnelle et procédurale des Etats
membres.
La CEMAC n'est d'ailleurs pas la seule à consacrer
l'autonomie des Etats membres, c'est aussi le cas par exemple de l'UEMOA,
notamment les dispositions de l'article 5 dispose que « Dans
l'exercice des pouvoirs normatifs que le présent Traité leur
attribue et dans la mesure des objectifs de celui-ci, les organes de l'Union
favorisent l'édiction des prescriptions minimales et des
réglementations-cadres qu'il appartient aux Etats membres de
compléter en tant que de besoin, conformément à leurs
règles constitutionnelles respectives ».
2- Les principes relatifs à la répartition
des compétences
Il s'agit notamment du principe de subsidiarité et du
principe d'édiction minimale67. Le principe de
subsidiarité est consacré par l'article 11 du traité CEMAC
révisé, il repose sur l'idée selon laquelle les
compétences doivent être exercées au niveau le plus proche
possible des citoyens (par les Etats). Par conséquent, si la question ne
peut être traitée de façon satisfaisante au niveau
national, il faudra la porter à un niveau plus élevé (au
niveau communautaire). Il y a donc un côté négatif ou
défensif du principe68, qui voudrait que la
Communauté n'agisse pas lorsque l'action des
67 BANGO Ange, « l'élaboration et
la mise en oeuvre de la fiscalité dans les pays de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) »,
Université Jean Moulin Lyon 3/Ecole doctorale, 3 juillet 2009, p.157.
68 BORCHARDT (Klaus-Dieter.), «L'ABC du
droit communautaire», Offices des publications officielles des
Communautés Européennes, Luxembourg, 2000, p.29.
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Etats membres suffit à réaliser les objectifs
fixés (comme c'est le cas de la directive), toutes les institutions et
organes de la communauté doivent donc prouver que l'intervention
communautaire est nécessaire.
Le principe d'édiction minimale quant à lui est
consacré à l'article 8 al 2 de la Convention UEAC et dispose que
: « les organes de l'Union et les institutions
spécialisées de celles-ci édictent, dans l'exercice des
pouvoirs normatifs que la présente convention leur attribue, des
prescriptions minimales et des règlementations cadres, qu'il appartient
aux Etats de compléter en tant que de besoin, conformément
à leurs règles constitutionnelles respectives». C'est
un principe dont l'intérêt réside avant tout dans la
limitation des compétences de la communauté et qui a une
portée générale. Il peut notamment être
assimilé au principe de proportionnalité introduit dans la
communauté européenne par la jurisprudence de la
CJCE69, et consacré par l'article 5 al 3 du TCE, et qui
repose sur l'idée de l'adéquation de l'action communautaire aux
objectifs poursuivis. L'action entreprise ne doit pas alors dépasser, ce
qui est nécessaire pour atteindre l'objectif recherché. Le
principe joue surtout lorsqu'il faut déterminer de la portée et
du type d'acte juridique communautaire à adopter, ce qui signifie alors
« que la préférence doit aller aux lois cadres, aux
réglementations minimales et aux règles visant à la
reconnaissance mutuelle des dispositions nationales et que les dispositions
législatives excessivement détaillées sont à
éviter »70.
La directive au regard de ce qui précède se veut
donc l'instrument juridique de la subsidiarité et du minimalisme
ciblé de l'action communautaire en zone CEMAC, puisqu'elle laisse une
marge d'appréciation aux autorités nationales pour la mise en
oeuvre du texte communautaire dans le système juridique
national71. Le principe de l'autonomie institutionnelle et
procédurale des Etats membres est donc bien le corollaire de la
transposition lorsqu'on observe les textes de la CEMAC. L'on constate un
réalisme positif du législateur communautaire, dans la mesure
où et selon le Professeur Joël Rideau, le principe en question
« domine l'utilisation des systèmes juridiques nationaux
»72, et donc « Les organes compétents, les
procédures à utiliser pour la mise en oeuvre du droit
communautaire sont déterminées par les prescriptions
constitutionnelles
69 BANGO Ange, Idem
70 Ibid.
71 AUGROS Laure, « l'application des
directives marchés publics des travaux en France et au Royaume Uni
», IEP de Lyon, juin 2004, p.36.
72 RIDEAU Joël, «Le rôle des Etats
membres dans l'application du droit communautaire», A.F.D.I
, 1972, p.885,
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étatiques»73 . Le sens que
revêt le principe de l'autonomie institutionnelle et procédurale
des Etats membres semble donc assez clair sur le plan pratique.
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