Paragraphe 2 : Les Directives Budgétaire et
Comptable, un Acte Juridique particulier
Si la directive communautaire présente certaines
particularités (A) son originalité est encore
plus prononcée lorsqu'on s'intéresse à sa mise en oeuvre
(B).
A- Un acte particulier dans son usage et dans sa
nature
Les directives portent avant tout sur leurs usages au sein des
communautés comme la CEMAC, peuvent être particulier (1),
même si ses caractéristiques restent acte juridique de
droit communautaire (2).
1- Les particularités relatives à l'usage
de la directive
Les directives visent l'harmonisation des législations
nationales y relatives. Toutefois, elles procèdent par rapprochement des
législations nationales, lorsque les différences entre ces
dernières nuisent au bon fonctionnement du marché commun.
L'objectif est alors l'articulation des normes et pratiques nationales, autour
de définitions et de principes directeurs communs, c'est donc rechercher
l'unité du droit communautaire tout en préservant la
diversité des particularités nationales49. Un exemple
peut notamment être pris avec la directive CEMAC sur la TVA qui se fonde
sur les législations nationales en matière de TVA, pour
édicter des principes directeurs contenus dans le texte communautaire.
La directive contrairement au règlement est alors un instrument
d'harmonisation par rapprochement et non par unification (qui vise à
imposer dans les Etats membres une nouvelle législation unique dans le
domaine visé), elle permet ainsi dans certains cas contrairement au
règlement, la subsistance dans les Etats membres de la
législation antérieure sous réserve de son
adaptation50.
Mais, «la directive intrigue, dérange, divise,
selon une formule consacrée»51, par la
singularisation de son emploi, notamment rehaussée par la confusion dont
elle peut faire preuve. En effet, il arrive que le résultat visé
par la directive soit défini de façon si précise,
qu'aucune marge de manoeuvre n'est laissée à l'Etat, entrainant
ainsi une sorte d'amalgame entre directive et
49 BORCHARDT Klaus Dieter, « L'ABC du droit
communautaire », Offices des publications officielles des
Communautés Européennes, Luxembourg, 2000, p. 69.
50 Ibid. p.33
51 Idem.
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règlement. La directive peut opérer ainsi un
glissement et réaliser une unification et non un rapprochement, un
état de fait certes absent au sein de la CEMAC, mais qu'entretient le
juge communautaire dans le cadre des communautés
européennes52.
A titre d'exemple, il existe au sein de l'UE ce que l'on
appelle « les directives d'harmonisation totale
»53, une méthode d'harmonisation consistant en
l'impossibilité pour les Etats membres d'adopter ou de maintenir, dans
le domaine régi par la directive, des dispositions différentes de
celles de cette dernière, entrainant une certaine occultation de la
nature première de la directive, à savoir sa composante
finaliste.
On peut considérer enfin, que la directive par sa
manière de lier les Etats membres, est notamment le reflet de la
volonté d'atténuer l'intrusion de la communauté dans les
systèmes juridiques nationaux. Elle vise à régir des
secteurs assez sensibles du marché commun comme la fiscalité,
dans les Etats membres, d'où la souplesse de son régime
juridique.
Elle opère alors pour se faire, dans cette mission
d'harmonisation. L'on note un partage des compétences entre la
communauté et les Etats membres, au niveau de la communauté
résident les compétences d'édiction des objectifs
consacrés par la directive communautaire. Au niveau national il revient
à chaque Etat d'adapter l'ordre juridique interne aux exigences
communautaires. Cela n'occulte en rien le fait que directive revêt les
caractéristiques principales de tout acte juridique de droit
communautaire. C'est notamment le cas avec les directives CEMAC sur la TVA et
les droits d'accises, sur l'impôt sur les sociétés et sur
l'impôt sur les revenus des personnes physiques, qui n'ont demandé
dans les Etats membres qu'une mise à jour dans les secteurs visé
et non l'adoption d'un nouveau code général des impôts.
52 KENFACK Jean, « Les actes juridiques des
communautés et organisations d'intégration en Afrique Centrale
Occidentale », thèse de doctorat nouveau régime,
Université de Yaoundé II Soa, janvier 2003. P.110-111
53 ROCHFELD Judith, « les
ambiguïtés des directives d'harmonisation totale. La nouvelle
répartition des compétences communautaire et interne à
propos de l'arrêt de la CJCE du 4 juin 2009 », Chronique,
Recueil Dalloz N°30/ 739 1e, 2009, p. 2047.
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2- Les particularités inhérentes à
la nature originale de la directive
La directive est un acte juridique de droit communautaire
dérivé54, classé dans la nomenclature
officielle55. A ce titre, la directive revêt avant tout les
caractéristiques qui lui viennent de sa nature d'acte juridique de droit
communautaire : la primauté et l'applicabilité directe.
La primauté du droit communautaire est
explicitement consacrée par le Traité CEMAC révisé
en son article 44, qui dispose que : « ..., les actes adoptés
par les Institutions, Organes et Institutions Spécialisées de la
Communauté pour la réalisation des objectifs du présent
Traité sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute
législation nationale contraire, antérieure ou postérieure
». Une formule assez proche de celle adoptée par le
législateur UEMOA, notamment à l'article 6 du Traité
révisé qui dispose que : « Les actes
arrêtés par les organes de l'Union pour la réalisation des
objectifs du présent Traité et conformément aux
règles et procédures instituées par celui-ci, sont
appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation
nationale contraire, antérieure ou postérieure ». Les
législateurs communautaires CEMAC et UEMOA en consacrant ce
caractère, ont bien entendu s'inspirer de la jurisprudence de la CJCE,
qui sacralise la primauté du droit communautaire pour la première
fois dans l'arrêt Costa
/c ENEL du 15 juillet 196456, car en effet,
« la construction communautaire serait menacée si les normes
communautaires ne se voyaient pas reconnaitre une supériorité sur
les règles nationales des Etats membres »57.
Cette primauté vaut notamment pour toutes les sources
du droit communautaire, et vis-à-vis de toutes les normes de droit
interne, la RCA ne pourra donc pas invoquer une norme de droit interne,
même constitutionnelle, pour empêcher l'application d'une directive
communautaire. La directive communautaire acquiert alors automatiquement le
statut de droit positif dans les Etats
54 Droit communautaire dérivé
unilatéral par opposition au droit communautaire dérivé
conventionnel. Le premier est notamment l'oeuvre de la communauté, de
ses organes et institutions, tandis que le second est l'oeuvre de la
communauté avec des entités tiers ; c'est l'exemple des accords
commerciaux comme les Accords de Partenariat Economique entre la CEMAC et
l'UE.
55 Voir article 41 du traité CEMAC
révisé ou 21 de l'additif au traité CEMAC du 16 mars
1994.
56 Aff. 6/64.
57 PELLET Alain, « Les fondements
juridiques internationaux du droit communautaire », in : Collected
Courses of the Academy of European Law, Academy of European Law (ed.), volume
V, Book 2, 1997, p.261.
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membres, elle est susceptible de créer par
elle-même des droits obligations pour les particuliers, et même de
prendre place en droit national avec rang de priorité sur toutes les
autres normes internes.
L'applicabilité directe quant à elle,
pour certains auteurs, se présente sous deux aspects,
l'applicabilité immédiate et l'effet direct.
L'applicabilité immédiate est présente dans les
textes communautaires originaires, notamment à la lecture des articles
44 du traité CEMAC révisé et 6 du traité UEMOA
révisé ; elle n'est donc pas un souci pour la République
Centrafricaine, tout comme en France par exemple, dont le Conseil
Constitutionnel et le Conseil d'Etat ont admis que les règlements
avaient force obligatoire dès leur publication sans aucune intervention
des autorités nationales, conformément à l'article 249 du
TCE58.
L'applicabilité immédiate signifie que
l'application du droit communautaire par les Etats membres exclue toute mesure
de réception, les dispositions et les actes juridiques du droit
communautaire pénètrent les ordres juridiques nationaux sans le
secours d'aucune mesure nationale d'introduction. A titre d'illustration,
l'article 43 al 2 du traité CEMAC révisé dispose que :
« Les directives et les décisions sont notifiées
à leurs destinataires et prennent effet le lendemain de cette
notification », la directive CEMAC entre donc en vigueur dès
le lendemain de sa notification à l'Etat membre. La transposition fait
ici office d'exécution et non de réception.
L'effet direct pour sa part, signifie que les
règles de droit communautaire déploient la plénitude de
leurs effets de manière unanime dans tous les Etats membres, à
partir de leur entrée en vigueur et pendant toute la durée de
leur validité59. Les normes communautaires créent
alors des droits et obligations dans le chef des particuliers (personnes
physiques et morales), qu'ils peuvent invoquer devant les juridictions
communautaires ou nationales.
La CJCE précise dans l'arrêt
SIMMENTAL60, que l'applicabilité directe du droit
communautaire ouvre la voie des juridictions communautaire et nationale aux
particuliers. Toutefois, dans certains cas, et c'est la conjoncture
précise de la directive, l'invocabilité est
58 CE 22 décembre 1978, Syndicat des Hautes
Graves de Bordeaux ; décisions 89 et 77-90 du 30 décembre 1977 du
Conseil constitutionnel.
59 AUGROS Laure, « L'application des
directives marchés publics des travaux en France et au Royaume Uni
», IEP de Lyon, juin 2004, p.35.
60 CJCE Simmental, 9 mars 1978, aff. 106/77, Rec. p.
629.
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conditionnée. Celle de la directive est soumise
à la transposition (dans les délais prescrits), qui seule permet
la mise en oeuvre de cet acte juridique, et donc, lui permet de produire tous
ses effets.
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