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La nouvelle gouvernance financière en zone CEMAC et les droits budgétaire et comptable de la république centrafricaine


par Serge Steeve Thierry TENGUEDET
Université de Yaoundé 2 - Master 2 Recherche en Droit Public 2018
  

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Paragraphe 2 : Les Directives Budgétaire et Comptable, un Acte Juridique particulier

Si la directive communautaire présente certaines particularités (A) son originalité est encore plus prononcée lorsqu'on s'intéresse à sa mise en oeuvre (B).

A- Un acte particulier dans son usage et dans sa nature

Les directives portent avant tout sur leurs usages au sein des communautés comme la CEMAC, peuvent être particulier (1), même si ses caractéristiques restent acte juridique de droit communautaire (2).

1- Les particularités relatives à l'usage de la directive

Les directives visent l'harmonisation des législations nationales y relatives. Toutefois, elles procèdent par rapprochement des législations nationales, lorsque les différences entre ces dernières nuisent au bon fonctionnement du marché commun. L'objectif est alors l'articulation des normes et pratiques nationales, autour de définitions et de principes directeurs communs, c'est donc rechercher l'unité du droit communautaire tout en préservant la diversité des particularités nationales49. Un exemple peut notamment être pris avec la directive CEMAC sur la TVA qui se fonde sur les législations nationales en matière de TVA, pour édicter des principes directeurs contenus dans le texte communautaire. La directive contrairement au règlement est alors un instrument d'harmonisation par rapprochement et non par unification (qui vise à imposer dans les Etats membres une nouvelle législation unique dans le domaine visé), elle permet ainsi dans certains cas contrairement au règlement, la subsistance dans les Etats membres de la législation antérieure sous réserve de son adaptation50.

Mais, «la directive intrigue, dérange, divise, selon une formule consacrée»51, par la singularisation de son emploi, notamment rehaussée par la confusion dont elle peut faire preuve. En effet, il arrive que le résultat visé par la directive soit défini de façon si précise, qu'aucune marge de manoeuvre n'est laissée à l'Etat, entrainant ainsi une sorte d'amalgame entre directive et

49 BORCHARDT Klaus Dieter, « L'ABC du droit communautaire », Offices des publications officielles des Communautés Européennes, Luxembourg, 2000, p. 69.

50 Ibid. p.33

51 Idem.

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règlement. La directive peut opérer ainsi un glissement et réaliser une unification et non un rapprochement, un état de fait certes absent au sein de la CEMAC, mais qu'entretient le juge communautaire dans le cadre des communautés européennes52.

A titre d'exemple, il existe au sein de l'UE ce que l'on appelle « les directives d'harmonisation totale »53, une méthode d'harmonisation consistant en l'impossibilité pour les Etats membres d'adopter ou de maintenir, dans le domaine régi par la directive, des dispositions différentes de celles de cette dernière, entrainant une certaine occultation de la nature première de la directive, à savoir sa composante finaliste.

On peut considérer enfin, que la directive par sa manière de lier les Etats membres, est notamment le reflet de la volonté d'atténuer l'intrusion de la communauté dans les systèmes juridiques nationaux. Elle vise à régir des secteurs assez sensibles du marché commun comme la fiscalité, dans les Etats membres, d'où la souplesse de son régime juridique.

Elle opère alors pour se faire, dans cette mission d'harmonisation. L'on note un partage des compétences entre la communauté et les Etats membres, au niveau de la communauté résident les compétences d'édiction des objectifs consacrés par la directive communautaire. Au niveau national il revient à chaque Etat d'adapter l'ordre juridique interne aux exigences communautaires. Cela n'occulte en rien le fait que directive revêt les caractéristiques principales de tout acte juridique de droit communautaire. C'est notamment le cas avec les directives CEMAC sur la TVA et les droits d'accises, sur l'impôt sur les sociétés et sur l'impôt sur les revenus des personnes physiques, qui n'ont demandé dans les Etats membres qu'une mise à jour dans les secteurs visé et non l'adoption d'un nouveau code général des impôts.

52 KENFACK Jean, « Les actes juridiques des communautés et organisations d'intégration en Afrique Centrale Occidentale », thèse de doctorat nouveau régime, Université de Yaoundé II Soa, janvier 2003. P.110-111

53 ROCHFELD Judith, « les ambiguïtés des directives d'harmonisation totale. La nouvelle répartition des compétences communautaire et interne à propos de l'arrêt de la CJCE du 4 juin 2009 », Chronique, Recueil Dalloz N°30/ 739 1e, 2009, p. 2047.

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2- Les particularités inhérentes à la nature originale de la directive

La directive est un acte juridique de droit communautaire dérivé54, classé dans la nomenclature officielle55. A ce titre, la directive revêt avant tout les caractéristiques qui lui viennent de sa nature d'acte juridique de droit communautaire : la primauté et l'applicabilité directe.

La primauté du droit communautaire est explicitement consacrée par le Traité CEMAC révisé en son article 44, qui dispose que : « ..., les actes adoptés par les Institutions, Organes et Institutions Spécialisées de la Communauté pour la réalisation des objectifs du présent Traité sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation nationale contraire, antérieure ou postérieure ». Une formule assez proche de celle adoptée par le législateur UEMOA, notamment à l'article 6 du Traité révisé qui dispose que : « Les actes arrêtés par les organes de l'Union pour la réalisation des objectifs du présent Traité et conformément aux règles et procédures instituées par celui-ci, sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation nationale contraire, antérieure ou postérieure ». Les législateurs communautaires CEMAC et UEMOA en consacrant ce caractère, ont bien entendu s'inspirer de la jurisprudence de la CJCE, qui sacralise la primauté du droit communautaire pour la première fois dans l'arrêt Costa

/c ENEL du 15 juillet 196456, car en effet, « la construction communautaire serait menacée si les normes communautaires ne se voyaient pas reconnaitre une supériorité sur les règles nationales des Etats membres »57.

Cette primauté vaut notamment pour toutes les sources du droit communautaire, et vis-à-vis de toutes les normes de droit interne, la RCA ne pourra donc pas invoquer une norme de droit interne, même constitutionnelle, pour empêcher l'application d'une directive communautaire. La directive communautaire acquiert alors automatiquement le statut de droit positif dans les Etats

54 Droit communautaire dérivé unilatéral par opposition au droit communautaire dérivé conventionnel. Le premier est notamment l'oeuvre de la communauté, de ses organes et institutions, tandis que le second est l'oeuvre de la communauté avec des entités tiers ; c'est l'exemple des accords commerciaux comme les Accords de Partenariat Economique entre la CEMAC et l'UE.

55 Voir article 41 du traité CEMAC révisé ou 21 de l'additif au traité CEMAC du 16 mars 1994.

56 Aff. 6/64.

57 PELLET Alain, « Les fondements juridiques internationaux du droit communautaire », in : Collected Courses of the Academy of European Law, Academy of European Law (ed.), volume V, Book 2, 1997, p.261.

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membres, elle est susceptible de créer par elle-même des droits obligations pour les particuliers, et même de prendre place en droit national avec rang de priorité sur toutes les autres normes internes.

L'applicabilité directe quant à elle, pour certains auteurs, se présente sous deux aspects, l'applicabilité immédiate et l'effet direct. L'applicabilité immédiate est présente dans les textes communautaires originaires, notamment à la lecture des articles 44 du traité CEMAC révisé et 6 du traité UEMOA révisé ; elle n'est donc pas un souci pour la République Centrafricaine, tout comme en France par exemple, dont le Conseil Constitutionnel et le Conseil d'Etat ont admis que les règlements avaient force obligatoire dès leur publication sans aucune intervention des autorités nationales, conformément à l'article 249 du TCE58.

L'applicabilité immédiate signifie que l'application du droit communautaire par les Etats membres exclue toute mesure de réception, les dispositions et les actes juridiques du droit communautaire pénètrent les ordres juridiques nationaux sans le secours d'aucune mesure nationale d'introduction. A titre d'illustration, l'article 43 al 2 du traité CEMAC révisé dispose que : « Les directives et les décisions sont notifiées à leurs destinataires et prennent effet le lendemain de cette notification », la directive CEMAC entre donc en vigueur dès le lendemain de sa notification à l'Etat membre. La transposition fait ici office d'exécution et non de réception.

L'effet direct pour sa part, signifie que les règles de droit communautaire déploient la plénitude de leurs effets de manière unanime dans tous les Etats membres, à partir de leur entrée en vigueur et pendant toute la durée de leur validité59. Les normes communautaires créent alors des droits et obligations dans le chef des particuliers (personnes physiques et morales), qu'ils peuvent invoquer devant les juridictions communautaires ou nationales.

La CJCE précise dans l'arrêt SIMMENTAL60, que l'applicabilité directe du droit communautaire ouvre la voie des juridictions communautaire et nationale aux particuliers. Toutefois, dans certains cas, et c'est la conjoncture précise de la directive, l'invocabilité est

58 CE 22 décembre 1978, Syndicat des Hautes Graves de Bordeaux ; décisions 89 et 77-90 du 30 décembre 1977 du Conseil constitutionnel.

59 AUGROS Laure, « L'application des directives marchés publics des travaux en France et au Royaume Uni », IEP de Lyon, juin 2004, p.35.

60 CJCE Simmental, 9 mars 1978, aff. 106/77, Rec. p. 629.

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conditionnée. Celle de la directive est soumise à la transposition (dans les délais prescrits), qui seule permet la mise en oeuvre de cet acte juridique, et donc, lui permet de produire tous ses effets.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo