CHAPITRE 1er : LES TECHNIQUES JURIDIQUES ET LES
OBLIGATIONS DE LA TRANSPOSITION DES PRINCIPES BUDGETAIRES ET COMPTABLES DES
DIRECTIVES DE LA CEMAC EN DROIT INTERNE EN RCA
D'entrée d'étude, la transposition peut
être appréhendée comme une mesure nationale de mise en
oeuvre de la directive, dans la mesure où cette dernière
ne rentre pas dans la législation nationale avec la même force
qu'un règlement. Ces principes consacrés par les directives de la
CEMAC prises en 2011 relatives aux Lois des Finances et au Règlement
général de la comptabilité publique sont à double
niveaux. D'une part, sur le plan technique, ils concernent les crédits
ouverts par la loi de finances qui sont affectés à des
dépenses bien déterminées avec une nomenclature
précise des dépenses en termes de présentation
budgétaire. Le point d'aboutissement étant un vote par chapitre
budgétaire en termes d'autorisation. D'autre part, sur le plan
politique, le principe permet au Parlement d'exercer un contrôle efficace
sur le Gouvernement. Plus la spécialisation est grande plus le principe
est efficace plus le poids politique du Parlement se développera et plus
la précision des chapitres augmentera.
L'intervention des organes internes de contrôle aux
Etats membres est nécessaire. Ils sont les principaux acteurs du
processus de transposition dont la violation peut être sanctionnée
au sein de la CEMAC par la voie d'un « recours en manquement
d'Etat34». Ce recours est un mécanisme juridictionnel
permettant la saisine de la Cour de Justice de la CEMAC (CJC) afin que celle-ci
prononce des sanctions contre tout manquement d'un Etat membre à ses
obligations découlant du droit communautaire et assorti des sanctions
dont le régime est défini par des textes particuliers.
La transposition vise alors à éviter tout
contentieux sur la non-conformité du droit interne avec le droit
communautaire. Elle implique pour se faire des précisions
complémentaires pour la directive dans le droit interne, mais aussi
l'adoption de toute disposition jugée complémentaire, tel qu'un
amendement ou une abrogation des dispositions nationales incompatibles. Aux
termes de l'article 41 du Traité CEMAC révisé, «
les directives lient tout Etat membre destinataire quant au résultat
à atteindre tout en laissant aux instances nationales leur
compétence en ce qui concerne la forme et les moyens ».
Cependant, la directive CEMAC en liant tout Etat membre, se distingue
34 Voir l'article 4 du traité
révisé de la CEMAC le recours en manquement d'Etat.
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alors de la directive communautaire CEEAC35 qui ne
vise que les institutions communautaires. De plus, elle se démarque
aussi de la directive en droit interne, qui est une mesure d'ordre
intérieur qui vise à régir l'organisation, le
fonctionnement, bref, la vie intérieure des services dans un
Ministère, et qui joue un rôle d'impulsion ferme sur les fins et
plus souple quant au moyens pour y parvenir.
Alors, si l'attachement des directives au but fixé
laisse en zone CEMAC une grande marge de manoeuvre aux destinataires dans le
choix des textes nationaux de transposition (lois, règlements,
(décrets, arrêtés, circulaires...)), il en est aussi de
celui des structures administratives de mise en oeuvre des directives. Par
contre, les choses évoluent différemment du côté de
l'Union Européenne (UE) où les directives sont devenues de plus
en plus détaillées, n'offrant désormais aux destinataires
qu'une marge très limitée quant aux modalités normatives
de leur mise en exécution.
Au demeurant, la directive CEMAC est surtout utilisée
pour l'harmonisation des législations nationales, d'où la
souplesse et la flexibilité de son régime juridique. La directive
n'a pas une portée générale. Toutefois, il arrive qu'elle
lie tous les Etats membres impliquant de ce fait une mise en oeuvre
simultanée, atténuant ainsi l'affirmation de sa portée
limitée. C'est le cas par exemple au sein de l'UE, où les
directives font plus souvent l'objet d'une mise en oeuvre simultanée
dans l'ensemble de la Communauté, réglant alors indirectement la
situation juridique de tous les citoyens de l'Union36.
En outre, la mise en oeuvre de la directive est toutefois
subordonnée à la procédure de transposition, ce qui lui
ôte ainsi en principe toute possibilité d'applicabilité
directe, empêchant alors le moyen de l'invoquer en cas de non
transposition ou de mauvaise transposition. C'est une carence qui peut
notamment perdurer dans la mesure où les directives ne prévoient
généralement pas de délais de transposition. Cependant,
les directives CEMAC ont tout de même vocation à
l'applicabilité immédiate et s'intègrent dans les ordres
juridiques nationaux du simple fait de leur publication au Journal Officiel de
la Communauté. De même, si le juge européen a admis la
35 La Communauté Economique des Etats de
l'Afrique Centrale est créée par le Traité de Libreville
du 18 octobre 1983.
36 MONJAL Pierre Yves, «Les normes de droit
communautaire», Paris, PUF, 2000. p.34
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possibilité de l'applicabilité directe de la
directive, entrainant une tendance à l'effacement de la distinction
entre directive et règlement, ce n'est tout de même pas encore
envisageable dans la CEMAC. Le manquement de l'Etat en matière de
transposition n'obture toutefois en aucun cas, l'existence de la directive, car
« un tel acte en état de latence, peut à tout moment
être réactivé37».
Enfin, la directive s'est vu admettre l'effet direct par le
juge européen, notamment en présence de dispositions claires,
précises et inconditionnelles, permettant au justiciable de s'en
prévaloir, « à défaut de mesures d'application
prises dans les délais à l' encontre de toute disposition
nationale non conforme à la directive, ou encore en tant qu'elles sont
de nature à définir des droits que les particuliers sont en
mesure de faire valoir à l'égard de
l'Etat38». L'effet direct ne reste toutefois qu'une
qualité accessoire de la directive, qui n'agit que par défaut,
à l`encontre de la non transposition ou de la mauvaise transposition du
texte de la directive.
La transparence budgétaire et comptable dans
les réformes voulue par la CEMAC, présente une complexité
dans la mise en oeuvre d'un principe qui transcende toutes les autres normes de
gestion classiques, dans un pays qui cherche encore ses marques dans son
cheminement vers la modernité et le développement. Elle
démontre que, dans un tel contexte, l'existence de l'information sur les
finances publiques n'entraîne pas nécessairement sa mise à
la disposition du public. En effet, la transparence qui est, au même
titre que l'obligation de rendre compte et la responsabilité qui en
découle, un déterminant de la bonne gouvernance doit
évoluer avec le cadre institutionnel en République
Centrafricaine. Sa promotion va de pair avec l'adoption par les
autorités nationales, de modes de gestion qui mettent
véritablement les citoyens au centre des préoccupations des
politiques publiques. C'est seulement dans ces conditions que l'information des
parlementaires et du public sur la manière dont les deniers publics sont
gérés ne sera plus perçue comme une obligation purement
formelle, mais aussi comme une exigence démocratique et de bonne
gestion. Aussi, comme la démocratie elle-même, la transparence
restera une quête permanente dans les finances publiques en
République Centrafricaine.
La transposition de ces directives dans le droit interne de la
République Centrafricaine, est donc importante à l'heure actuelle
aux fins de se tourner vers cette pratique. Notons que, la mise en
37 KENFACK Jean, « Les actes juridiques des
communautés et organisations d'intégration en Afrique Centrale
Occidentale », thèse de doctorat nouveau régime,
Université de Yaoundé II Soa, janvier 2003. P.246
38 CJCE, Ursula Becker, 19 janvier 1982, aff. 8/81,
Rec. p. 53.
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oeuvre des directives communautaires en matière
budgétaire et comptable dans l'ordre juridique national est une pratique
récente en Afrique Centrale, conséquente à
l'avènement de la CEMAC, qui a permis l'édification au sein de la
sous-région d'un système juridique communautaire
véritable. Toutefois, même si le bloc de droit communautaire est
et reste supérieur au bloc de droit interne, les règles
communautaires ne rentrent pas toutes en droit interne avec la même force
juridique. Certaines règles communautaires sont alors directement
applicables, tandis que d'autres nécessitent l'intervention d'organes
internes. La directive CEMAC en matière budgétaire et comptable
fait notamment partie de ces dernières règles, son faible pouvoir
de pénétration dans l'ordre juridique national impose aux Etats
membres les principes budgétaires et comptables et leur valeur juridique
(Section I), dont le respect passe par le déploiement d'un
mécanisme concret (Section II).
SECTION 1 : LES PRINCIPES BUDGETAIRE ET COMPTABLE ET
LEUR VALEUR
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