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Le déclassement professionnel. Insertion des jeunes diplômés au Cameroun.


par Louise Nina Belinga Nyangono
Université de Dschang Cameroun  - Master 2 2019
  

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II.1.2 Approche théorique des liens entre formation et emploi

Fondeur (1999), Green et al. (1999) et Sloane et al. (1999) proposent chacun une revue de détail des différentes approches théoriques des liens entre formation et emploi. Trois grandes approches se distinguent : celle fondée sur la théorie du capital humain, celle fondée sur la théorie de l'appariement et les approches à la base des modèles de signalement, au sein desquels se distingue le modèle de concurrence pour l'emploi.

C'est donc la logique de ce dernier modèle que l'on privilégiera pour éclairer l'interprétation et l'analyse du déclassement proposée ici. Les autres approches permettent toutefois de préciser la complexité des liens entre formation et emploi qui relèvent vraisemblablement aussi en partie de ces différents schémas théoriques.

Selon la théorie du capital humain, la formation constitue un investissement conduisant à accroître les capacités productives d'un individu, ces dernières déterminant entièrement la qualification et la rémunération de l'emploi occupé. Le niveau d'éducation ne constitue, par ailleurs, qu'une composante parmi d'autres du capital humain, à côté notamment de l'expérience et du savoir-faire (Mincer, 1974). Dans un cadre où le marché du travail est supposé pleinement efficient, les entreprises, qui cherchent à maximiser leur profit, ont tout intérêt à utiliser au mieux les compétences des personnes employées. On peut ainsi envisager que ces dernières adaptent systématiquement le profil des postes de travail aux compétences des personnes embauchées. Une telle approche met en doute la possibilité de situations de déclassement à proprement parler. La théorie du capital humain envisage malgré tout l'existence de périodes où les individus, ou la société, investissent dans l'éducation au-delà des besoins en main d'oeuvre diplômée. Un tel déséquilibre est néanmoins supposé temporaire, se résorbant naturellement par le jeu des réactions des individus et des entreprises

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Education et insertion professionnelle au Cameroun : le déclassement professionnel des jeunes

(Freeman, 1976). Les premiers sont en effet incités à investir moins dans l'éducation, compte tenu de la baisse de son rendement. Les secondes sont encouragées à modifier leur organisation productive, pour bénéficier du moindre coût du travail qualifié.

Selon la théorie de l'appariement (Jovanovic, 1979), le déclassement est également appréhendé comme un phénomène de court terme, mais selon un tout autre raisonnement. Cette fois, la possibilité de mauvais appariements entre offreurs et demandeurs de travail est supposée résulter du manque d'informations détenues par les agents (sur les compétences des personnes ou sur les caractéristiques des emplois) et du coût pour acquérir ces dernières (coût des procédures d'entretien ou coût de recherche d'emploi, par exemple).

Selon une telle théorie, les situations de déclassement constitueraient pour les individus des erreurs de parcours, dans la phase de recherche d'un emploi adéquat. Ces situations ne seraient néanmoins que temporaires, les individus déclassés étant incités à quitter leur emploi afin d'en obtenir un mieux adapté à leur niveau de compétence. Inversement, les situations de « surclassement » (cas où le niveau de formation initiale des personnes est inférieur à celui normalement requis pour l'emploi occupé) sont envisagées comme pouvant être plus durables. En effet, dans un contexte où la demande de main d'oeuvre diplômée excèderait l'offre, un travailleur surclassé peut être incité à rester dans l'entreprise, car cette situation lui est financièrement favorable. De son côté, l'entreprise peut envisager de garder une personne surclassée.

D'une part, cela lui permet d'épargner de nouveaux coûts de prospection et d'embauche. D'autre part, la personne surclassée peut compenser progressivement l'insuffisance de sa formation initiale par l'acquisition d'expérience et de savoir-faire.

Les modèles de signalement s'appuient également sur l'hypothèse d'une information imparfaite des agents sur le marché du travail. En particulier, les employeurs ne connaissent pas la productivité réelle des candidats à l'embauche. Le diplôme constitue alors pour les entreprises un signal les aidant à identifier les personnes ayant les capacités productives adéquates (Spence, 1973). De leur côté, les travailleurs investissent dans l'éducation pour fournir des signaux clairs aux employeurs, leur permettant d'accéder à des niveaux d'emploi et de salaire élevés. Selon une telle approche, le système éducatif joue avant tout un rôle de sélection des compétences « potentielles » (aptitudes à s'adapter ou à se former aux emplois), plus que de développement des compétences « effectives » (connaissances théoriques ou pratiques). L'utilisation du diplôme comme critère d'appariement est fondé sur l'hypothèse

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Education et insertion professionnelle au Cameroun : le déclassement professionnel des jeunes

que le coût d'acquisition d'un titre scolaire est d'autant plus faible que le potentiel des individus est élevé. Une diminution exogène d'un tel coût d'acquisition peut ainsi brouiller le signal associé aux diplômes et engendrer un phénomène de dévaluation des titres scolaires, plus que de développement du déclassement au sens strict.

Le modèle de concurrence pour l'emploi (Thurow, 1975) s'inscrit dans la lignée d'une telle approche, mais en rupture avec le cadre néoclassique de la plupart des autres modèles de signalement. Dans son ouvrage « Generating Equality », Thurow (1975) s'interroge sur les mécanismes économiques à l'origine des inégalités de revenus. Dans l'analyse traditionnelle, le salaire est supposé être la variable clé d'ajustement entre l'offre et la demande de travail. Conformément à cette approche, on doit s'attendre à ce que cette variable « équilibrante » soit peu dispersée, une fois pris en compte les différents facteurs d'hétérogénéité de la productivité individuelle du travail.

Or, selon Thurow, la statistique peine à mettre en évidence des groupes d'individus aux salaires réellement homogènes. Ce constat parmi d'autres l'incite à envisager une autre description de la mécanique de régulation sur le marché du travail, en alternative à l'hypothèse de concurrence par le salaire (« wage competition »).

Le modèle de concurrence pour l'emploi (« jobcompetition ») développé par Thurow repose sur l'idée qu'une part essentielle des compétences nécessaires pour occuper un emploi donné n'est réellement acquise qu'en occupant l'emploi. Les compétences professionnelles seraient donc largement transmises de manière plus ou moins formelle dans le cadre du travail (« on-the-job training »). De même, la productivité du travail constitue selon lui une caractéristique attachée à un emploi donné et non à la personne qui occupe cet emploi. Du côté de l'offre de travail, les individus se différencient alors, non par leur productivité, mais par le coût nécessaire pour les former à occuper tel ou tel emploi. Pour un emploi et un individu donné, ce coût est une fonction du bagage personnel de la personne (« background characteristics »), c'est-à-dire de ses aptitudes innées, son niveau d'éducation, son expérience professionnelle, etc. Du côté de la demande de travail, les emplois sont hiérarchisés préalablement à l'embauche, selon une grille de qualifications qui correspond aux différentiels de productivité des emplois. Cette grille détermine en même temps la grille des rémunérations, qui est donc en grande partie fixée préalablement aux embauches.

Dans le cadre de ce modèle, le salaire ne peut ainsi constituer une variable d'ajustement conjoncturel entre offre et demande de travail, puisqu'il est largement prédéterminé. La

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logique de régulation du marché du travail est alors la suivante. Pour chaque emploi, qui constitue en même temps une opportunité de formation professionnelle, il existe un ensemble de candidats potentiels.

Ces derniers forment une file d'attente (« labor queue ») au sein de laquelle les employeurs privilégient ceux pour lesquels ils anticipent les plus faibles coûts de formation, compte tenu des indications qu'ils possèdent sur leur bagage personnel. En particulier, pour les nouveaux entrants sur le marché du travail, le niveau de formation initiale constitue l'indicateur privilégié sinon unique du coût de formation anticipé. Entre plusieurs candidats à caractéristiques identiques, le choix de l'employeur s'apparente ensuite à une loterie.

Ainsi, au niveau global, en fonction du nombre et de la structure des emplois offerts, parallèlement au nombre et aux caractéristiques des candidats à l'emploi, des individus identiques en termes de bagage personnel pourront se voir proposer des emplois de qualifications, salaires et opportunités de formation professionnelle différents. Répondant à son objectif, le modèle de concurrence pour l'emploi est ainsi effectivement susceptible d'expliquer l'importance des inégalités de salaires au sein de groupes de personnes a priori relativement homogènes.

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