CHAPITRE 3 : INSERTION PROFESSIONNELLE ET DECLASSEMENT
PROFESSIONNELLE : UNE APPROCHE THEORIQUE
L'insertion professionnelle correspond à une succession de
situations (recherche d'emploi, emploi, chômage, formation,
inactivité...) par lesquelles l'individu transite avant de se stabiliser
dans un type d'emploi. La durée de la période d'insertion est, en
ce sens, relativement difficile à déterminer puisqu'il faut alors
s'accorder sur ce qu'est une situation stable et un emploi correspondant
à la formation initiale. Les représentations individuelles et
collectives ont ainsi un impact significatif dans la définition de
l'insertion professionnelle puisque la « stabilisation » sera
caractérisée de façon différente selon les
personnes. On peut toutefois considérer, de manière
générale, que la « stabilisation » désigne le
fait de trouver un emploi correspondant au niveau et à la formation de
l'étudiant, et dans lequel celui-ci est amené à rester de
façon relativement pérenne. Or, les jeunes en emploi sur le
marché du travail n'accèdent pas tous à l'emploi à
vie dès leur embauche. Ainsi, il sera question pour nous dans ce
chapitre de présenter les différents auteurs et théories
de l'insertion professionnelle et du déclassement.
SECTION 1 : APPROCHE THEORIQUE DE L'INSERTION
PROFESSIONNELLE
Issu du champ des politiques publiques et de l'économie
sociale, le concept d'insertion est apparu dans les années 1960 et s'est
fortement répandu par la suite. À l'origine, cette notion
concernait la jeunesse et plus particulièrement le processus
d'adéquation entre formation et emploi. D'après Nicole-Drancourt
et Roulleau-Berger, l'utilisation de ce terme dans les textes
législatifs date du début des années 1970. Mais ce n'est
véritablement qu'en septembre 1981, à l'occasion d'un rapport sur
« l'insertion professionnelle et sociale des jeunes » remis par
Bertrand Schwartz au Premier Ministre Pierre Mauroy, que le terme d'insertion
fait une entrée en force dans le vocabulaire politique français.
Les années suivantes ont vu l'insertion être érigée
en problème social et instituée en « impératif
national », lors de l'adoption de la loi sur le Revenu Minimum d'Insertion
(RMI) en 1988. Néanmoins, la conceptualisation par les sociologues ne
s'est faite que depuis les années 1990.
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Education et insertion professionnelle au Cameroun : le
déclassement professionnel des jeunes
En outre, il faut préciser qu'au départ, le terme
d'insertion n'était pas utilisé pour parler des
diplômés. En effet, l'action en faveur de l'insertion
professionnelle concernait surtout les personnes peu ou pas qualifiées
puisque les diplômés n'avaient, en principe, pas de
problèmes pour trouver un travail qui leur corresponde. Aujourd'hui,
l'insertion est devenue un terme couramment employé, qui désigne,
de façon plus ou moins précise, un ensemble de processus en
rapport avec la scolarisation des jeunes, l'intégration harmonieuse dans
la société et la recherche d'un emploi. Le terme a ainsi
progressivement évolué pour s'appliquer, non seulement aux jeunes
peu ou pas qualifiés et aux chômeurs de longue durée, mais
également aux diplômés du supérieur.
Il existe de nombreuses représentations autour de
l'insertion professionnelle qui rendent ce terme polysémique. Selon
TROTTIER, LAFORCE et CLOUTIER(1997), les représentations de
l'insertion sont structurées par trois termes que sont la
stabilité, la correspondance formation/emploi et la construction d'une
identité professionnelle. Selon cette analyse, la plupart des personnes
lient l'insertion professionnelle au fait de trouver un emploi stable et
correspondant à sa formation, mais aussi et surtout, l'insertion
professionnelle apparaît, dans cette perspective, comme un processus de
socialisation. Ce serait elle qui permettrait au jeune de passer
véritablement à l'âge adulte et de trouver une certaine
reconnaissance par ses pairs à travers l'identification à un
métier et à un groupe de personnes exerçant la même
fonction ou travaillant simplement dans le même lieu. Cette dimension de
l'insertion professionnelle apparaît comme très importante car
elle souligne un des enjeux lié à l'insertion professionnelle des
diplômés : celui de leur intégration dans la
société.
Théoriquement, il existe trois perspectives pour aborder
la question de l'insertion : suivant le point de vue du sujet en insertion ; de
la société qui, posant l'insertion en « impératif
national », conçoit et pilote une politique d'insertion ; ou
le point de vue du professionnel qui met en oeuvre l'insertion pour le sujet et
avec le sujet. Ces trois aspects sont liés mais l'on fera le choix dans
cette étude de regarder l'insertion professionnelle telle
qu'envisagée par la société, dans le sens où c'est
la construction de l'insertion professionnelle comme problème et
l'action des autorités publiques qui nous intéressent.
En guise de récapitulatif, on peut suggérer la
définition intéressante que proposent Bordigoni, Demazière
et Mansuy en 1994 : l'insertion professionnelle correspondrait à un
« processus socialement construit dans lequel sont impliqués
des acteurs sociaux et des institutions
Rédigé par NYANGONO BELINGA LOUISE NINA Page 46
Education et insertion professionnelle au Cameroun : le
déclassement professionnel des jeunes
(historiquement construites), des logiques
(sociétales) d'action et des stratégies d'acteurs, des
expériences (biographiques) sur le marché du travail et des
héritages socio-scolaires. »
On peut noter qu'il existe finalement un certain déficit
de théorisation concernant la notion d'insertion professionnelle, qui
fait de celle-ci un terme "fourre-tout". Ce constat amène le sociologue
Dubar à écrire, en 1998, que « la notion d'insertion
constitue bien, avant tout, une notion du débat social et politique,
historiquement datée et sémantiquement floue. ». On
voit donc que l'emploi du terme "insertion" est lié à une
construction particulière qui s'est opérée dès les
années 1960-1970, mais a beaucoup évolué, pour devenir de
plus en plus large.
Le concept d'insertion professionnelle est complexe du fait de la
multiplicité des réalités auxquelles il renvoie. Diverses
représentations et divers acteurs sont susceptibles d'intervenir au
cours du processus d'insertion professionnelle : les diplômés, les
entreprises, les universités, l'État, les collectivités
locales, les professionnels de l'insertion, etc... D'autre part, la notion
d'insertion se situe au carrefour de plusieurs disciplines comme la sociologie,
les sciences de l'éducation, l'économie ou encore l'histoire.
C'est ce qui fait à la fois son intérêt et la
difficulté qu'il peut y avoir à saisir tous les enjeux
liés à ce thème.
Si l'on en croit Claude Dubar(2001), « le fait de
«devoir s'insérer» en essa ant de trouver du travail, à
la sortie de l'école ou de l'université est tout sauf un
donné naturel qui aurait toujours existé. Au contraire, c'est une
exigence relativement récente, en France comme ailleurs. ». Et
si aujourd'hui, l'ensemble des orientations politiques en termes d'emploi et de
formation en tiennent compte, tant au niveau national qu'au niveau
européen et international, cela n'a pas toujours été le
cas. Il s'agira donc de voir comment a évolué la
représentation de l'insertion professionnelle des diplômés
pour mener à une action concrète de la part des autorités
publiques, alors que celle-ci n'était pas forcément
évidente au départ.
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