II. Effet du rapport des connaissances du salarié
à l'information sur son apprentissage organisationnel
Le but général de la stratégie de
communication interne d'une entreprise est d'administrer aux principales
parties prenantes et au public concerné la preuve de la
légitimité des activités qu'on leur demande de
réaliser. Avant de montrer le lien qui existe entre l'identification des
connaissances à l'information organisationnelle et l'apprentissage
organisationnel des salariés, nous allons d'abord faire un bref rappel
des considérations de ces connaissances des salariés dans
l'entreprise.
A. Considérations des connaissances
individuelles des salariés dans l'entreprise
Si les grandes entreprises recherchent des talents, c'est pour
répondre à des enjeux stratégiques majeurs qui sont
liés à la pénurie de main-d'oeuvre, à la gestion du
changement, à la nécessité de préserver ou
acquérir un avantage concurrentiel (différenciation
stratégique) et, enfin, pour anticiper le vieillissement de leur
population (enjeu générationnel). Pour les organisations, parler
de « talents », c'est évoquer une population bien
ciblée et spécifique : les collaborateurs identifiés comme
susceptibles de prendre des responsabilités managériales de plus
en plus importantes dans l'organisation. Toutes les entreprises cherchent
à préparer leurs collaborateurs les plus talentueux à
accéder aux plus hautes fonctions managériales. L'analyse nous
allons faire sur cette section va se baser sur la perception de la notion de
talent dans la littérature.
1. La perception des talents des salariés en
entreprise
Pour Miralles (2007), le talent est « le fruit de la
mobilisation de qualités personnelles » qui sont «
héritées par l'individu », « incorporées dans
l'individu » et « singulières ou spécifiques à
l'individu ». Le talent a donc une dimension individuelle en ce qu'il
appartient à l'individu et doit être utilisé par lui, mais,
il comporte également une dimension collective liée à
l'environnement : la performance s'exprime dans un contexte donné, celui
de l'organisation, avec une notion de mise en concurrence.
Le management des talents serait constitué d'un
ensemble de pratiques collectives développées par les
organisations pour attirer les meilleurs candidats, les mettre dans les
conditions permettant l'éclosion de leurs talents au service de
l'organisation et s'assurer de leur fidélité à long terme.
La recette de la performance tiendrait à l'attraction, au
développement et à la rétention des meilleurs
professionnels. L'apport majeur sur le sujet doit également être
emprunté à Miralles (2007) qui, faisant un parallèle avec
le football, distingue trois types de pratiques dans le management des talents
: celle visant à « reconnaître les talents »
dénommée « scouting », celle visant à
créer les conditions de l'expression du talent sur le plan individuel
« coaching » et sur le plan collectif par la création
d'équipes aux profils complémentaires « casting », et
celle dont l'objectif est de « protéger les talents »
appelée « cocooning ».
Si l'on retient comme définition du talent qu'il
constitue « un ensemble de ressources rares appartenant à la
personne mais trouvant leur valorisation économique au travers de
processus mis en oeuvre par les organisations aptes à les exploiter
» (Miralles, 2007), alors « l'utilisation habile par l'organisation
de la ressource spécifique que constitue le talent concerne tout
à la fois la gestion au sens traditionnel, puisqu'il s'agit d'une
ressource qu'il est indispensable de reconnaître, protéger,
exploiter (Thévenet, 2000) » et « le management, puisqu'il
s'agit d'une ressource humaine, qu'il est tout aussi nécessaire de
coordonner, diriger, motiver... pour la faire adhérer aux objectifs de
l'organisation et participer à la performance collective »
(Miralles, 2007). Faisons maintenant un point sur l'origine même du
talent des salariés : est-ce un talent inné ou
acquis ?
2. Le talent : une configuration innée ou
acquise ?
Pour les auteurs Cadin et Guérin (2012), Miralles
(2007) et Argote et Ingram (2000), le talent a une part d'inné
mais il peut être caché. C'est la confrontation à des
situations et la volonté individuelle de l'individu qui permettent de le
développer. « Le potentiel, ça se cultive » soulignent
Bercowitz et Feldman(2006). Comme pour un grand musicien ou un grand champion
sportif, les compétences exceptionnelles d'un salarié supposent
un entraînement intensif pour se développer. Selon Carlsson et
Fridh (2002),le don et l'intelligence ne suffisent pas pour atteindre des
niveaux record. Ce qui signifie que parti de l'inné, le talent ne peut
fructifier sans être cultivé. Si le génie relève de
l'inné, cela est différent pour le talent : environnement et
hérédité jouent un rôle mais il est difficile voire
impossible de déterminer la part exacte de chacun (Peretti et
al., 2009). Nous pouvons en conclure que si le talent a une part
d'inné, les auteurs s'accordent sur le fait que ce dernier doit
être cultivé pour se développer.
3. Exploitation et protection des talents des
salariés
Le coaching et le cocooning renvoient à l'idée
de préparation et de protection des talents. Or, comme le note Carlsson
et Fridh (2002), ces notions de préparation et de protection est
à peu près absente du vocabulaire des sciences de gestion. Selon
Miralles (2007), la préparation est d'importance et est
conditionnée par les conditions suivantes : «
l'activité contient certains « temps forts » décisifs
pour l'obtention des résultats individuels ou organisationnels ; ces
épisodes cruciaux impliquent très généralement une
mise en compétition ; ces épisodes peuvent dans une certaine
mesure être prévus. En revanche, l'équilibre des forces
entre les compétiteurs et les aléas de la compétition
rendent le résultat incertain ; la mobilisation optimale (en
qualité, quantité et surtout opportunités) de ces
ressources constitue donc un facteur clé de réussite ».
Cette idée de préparation est également partagée
par Easterby-Smith et al. (2008), pour qui la réussite
liée au talent dépend de l'entraînement, et de la
volonté de réussir. John Irving parle de résilience qui
permet d'affronter la concurrence. Le « coach » joue un rôle
majeur dans cette préparation.
a. Le coaching professionnel
Le coaching est une démarche d'accompagnement des
hommes dans leurs pratiques professionnelles quotidiennes. À mi-chemin
entre formation, conseil et développement personnel, le coaching peut
être individuel, dans le cas d'un manager confronté à des
obstacles, désireux d'améliorer sa communication ou son
leadership, de gérer son stress et ses émotions. Le coaching peut
également être de type collectif. Il consiste, le plus souvent, en
un travail de "reconstruction" de la cohésion du groupe, souvent mise
à mal à l'occasion de changements organisationnels. Le coaching
collectif se concentre sur le développement de la performance collective
et vise des résultats opérationnels. Il s'adapte d'abord à
la problématique du groupe d'individus concerné, à son
degré de maturité collective et à sa culture ».
Selon Miralles (2007), le coaching vise « le développement
personnel et est requis en général pour aider certaines personnes
réputées précieuses pour l'entreprise à franchir
des passages délicats de leur vie professionnelle ».
b. Le cocooning professionnel
Le cocooning a pour but de créer une bulle protectrice
pour entretenir la confiance. Il participe à la création d'un
climat favorable, d'une ambiance bénéfique. Pour Peretti et
al. (2009), le cocooning revient à protéger les talents
pour les conduire à la performance. Ils le définissent comme un
« ensemble de pratiques visant à protéger les talents contre
les agressions de l'environnement et à les maintenir dans un état
de plaisir et de confiance pour créer les meilleures conditions de la
performance ». Afin de permettre au talent de s'exprimer, l'apport du
coach est donc à compléter par un travail spécifique sur
les rapports entre le sujet et les conditions de travail (facteurs externes).
Il s'agit là de le mettre dans les meilleures dispositions pour lui
permettre d'atteindre ce meilleur niveau de performance. En le dorlotant, on
évite ainsi toute sollicitation hostile extérieure, il reste
focalisé sur ses tâches et ses objectifs.
Le cocooning peut par ailleurs être
considéré comme la composante affective complémentaire
à la composante instrumentale (niveau de rémunération
très élevé) d'une politique de rétention des
talents (Thévenet, 2000) : « le choix du lieu de
résidence est un acte capital. Dans cette mécanique complexe
qu'est la vie d'un groupe de sportifs de haut niveau, de mauvaises conditions
de séjour (sommeil, nutrition, environnement, etc.) peuvent ruiner une
préparation par ailleurs rigoureuse. Tout a son importance : la
disposition et le confort des chambres, l'accès à la salle de
kiné [...] Il faut se protéger des agressions inopinées
[...] Tous ces éléments participent de la toile d'araignée
à la fois professionnelle et amicale qui enveloppe nos deux mois
d'existence commune ». On pourrait tout à fait imaginer pareil
dispositif adapté à l'entreprise et appliqué aux
collaborateurs.
Nous avons fait dans les développements
précédents une analyse brève de la notion de talent et de
ses diverses perceptions. Les lignes qui vont suivre vont montrer comment les
talents individuels s'inscrivent dans les l'information y relative pour
construire des talents collectives.
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