CHAPITRE II : CONSTRUCTION DE LA RELATION
THEORIQUE ENTRE LA COMMUNICATION INTERNE ET L'APPRENTISSAGE ORGANISATIONNEL DES
SALARIES
La gestion des ressources humaines et communication interne
sont deux champs de recherche parfaitement complémentaires et non
dissociables dans un contexte d'environnement en perpétuelle changement.
En effet, parce qu'elles conditionnent fortement le fonctionnement et l'action
au sein des organisations, les ressources humaines constituent un des forces
d'action stratégique des organisations. La communication quant à
elle permet d'avoir une représentation précise du fonctionnement
et des conditions de mobilisation des ressources humaines dans l'organisation.
Il est important de souligner qu'à travers la communication interne
(comme nous le verrons dans les sections qui suivent) participe pleinement
à la construction personnelle des connaissances et valeurs liées
à l'organisation et aux activités des salariés. Dans les
sections qui suivent, nous montrerons que l'apprentissage organisationnel des
salariés est fonction de la qualité de la communication entre les
salariés et des supports d'une part, ainsi que de la proximité et
de l'information professionnelle d'autre part.
SECTION I : QUALITE DE LA COMMUNICATION INTERNE ET
APPRENTISSAGE ORGANISATIONNEL DES SALARIES
L'organisation est confrontée
à une double exigence : répondre à ses besoins de travail
en trouvant les compétences nécessaires, mais aussi tenir compte
de l'aspiration de chacun à pouvoir développer son potentiel. Les
compétences désignent les capacités d'un individu à
mobiliser ses ressources, dans une situation de travail donnée, pour
atteindre une performance voulue par l'organisation. Cette performance et cette
capacité cognitive que développent les salariés est
fonction tant de la qualité de leurs interactions avec les autres que
des variables liées à l'efficacité des supports de
communication interne.
I. Contribution de la qualité de l'interaction
à l'apprentissage organisationnel des salariés
Complémentairement à Verlaine qui disait
« de la musique avant toute chose », la vision des
salariés dans l'entreprise peut être analysée comme de la
souplesse avant toute chose, rêve de toute organisation qui cherche
à maintenir et à partager ses visions et valeurs à
l'ensemble de ses salariés. En effet, le temps où le
salarié était ignorant de tout fondement des activités
qu'on lui demande de réaliser est révolu. L'heure est aujourd'hui
au maintien d'un climat social de qualité entre les salariés pour
un développement efficace de l'apprentissage organisationnel. C'est
l'objet des lignes qui suivent.
A. Perception du climat social de l'entreprise
La qualité et la richesse du dialogue socialdans les
PME représentent un véritable enjeu pour les conditions de
travail et de vie des salariés et aussi pour le fonctionnement et la
compétitivité des entreprises. En effet, même si un
dialogue informel existe au quotidien dans les entreprises du fait de la
proximité et de la qualité des relations personnelles entre le
chef d'entreprise et les salariés, il n'en demeure pas moins
nécessaire d'encourager par tous les moyens l'instauration de
véritables négociations entre salariés et employeurs sur
tous les aspects de la vie de ces entreprises.
1. Définition de la notion de climat
social
Le climat socialest généralement
caractérisé par différentes facettes relatives au
fonctionnement des activités et aux relations entre les acteurs du
processus éducatif. Il est traditionnellement abordé sous l'angle
des perceptions (subjectives) des personnes directement impliquées
(Fraser, 1998). Les multiples publications dans ce champ attestent de
l'importance du climat social comme l'un des prédicteurs des
performances cognitives des salariés en entreprise (Genoud, 2004).
SelonLawler et al. (1974) définissent le climat comme
étant le vécu d l'environnement de travail : la dimension
subjective est donc inhérente à la notion declimat. Joyce et
al. (1982) insistent surla nécessité de prendre en
considération les interactions entre le climat, les tâches
etd'autres dimensions telles que le leadership et l'organisation du travail.
Fourgous et Iturralde(1991) quant à eux l'appréhendent comme
« un ensemble de caractéristiquesobjectives et relativement
permanentes de l'organisation perçues par les individusappartenant
à l'organisation, qui servent à lui donner une certaine
personnalité et quiinfluencent le comportement et les attitudes de ses
membres. »
Au niveau de l'entreprise, le climat social fait
référence à des dimensions relatives aux attitudes des
formateurs, à l'atmosphère sur la place de travail, à la
structure et à l'organisation des activités. Il traduit «
l'ambiance générale » de l'entreprise. Le climat social
résulte d'un grand nombre de facteurs liés à la situation
de l'entreprise, son image, ses résultats, les conditions de travail, le
type d'emploi, les rémunérations, mais aussi de la relation avec
les collègues, les responsables, de la confiance dans les dirigeants et
enfin de la qualité du dialogue social. Le climat social est une mesure
subjective qui repose sur l'appréciation personnelle de ceux qui vivent
la situation.
2. Utilité du dialogue social dans
l'entreprise
Le dialogue social permet de traiter les questions de
l'entreprise en favorisant les échanges de points devue
complémentaires, dans un cadre défini et avec l'objectif de se
mettre d'accord autour d'un projetcommun. C'est aussi l'opportunité pour
les salariés de faire entendre leur point de vue.Construire le dialogue
social dans l'entreprise part du constat que les acteurs, en fonction de leur
place,peuvent avoir des attentes différentes. Le dialogue social doit
permettre de les faire se rencontrer autourd'enjeux communs.
Un des facteurs de la performance des entreprises est leur
capacité à construire un sens commun oùchaque acteur
(dirigeant, encadrement, salariés et représentants) aura sa
place. Ce sens commun seconstruit dans les relations de travail et le dialogue
social. Des relations organisées peuvent faciliter la
résolution des problèmes et des tensions qui émaillent la
viede l'entreprise.La possibilité de donner son point de vue et la prise
en considération de celui-ci fait partie de la reconnaissancede chacun.
Celle-ci renforce le sentiment d'appartenance à l'entreprise.Dans cette
entreprise textile de 45 salariés, le chef d'entreprise ne comprend pas
le malaise latent quis'est installé. Il a le sentiment que les
conditions de travail sont bonnes et que les salariés, par le biaisde
l'intéressement et de la participation, ont une reconnaissance de leur
investissement. Il fait appelà un intervenant extérieur pour
identifier les préoccupations des salariés et mieux comprendre
lescauses. L'intervenant propose une démarche participative en
impliquant également les représentantsdu personnel dans le cadre
du diagnostic. Deux sujets sont retenus comme prioritaires : d'une
part,l'intégration et la formation des jeunes embauchés, d'autre
part, le besoin de professionnalisation del'encadrement de proximité.
3. Les éléments constitutifs du dialogue
social en entreprise
Le dialogue consiste à construire des relations qui
permettront d'allier autant que possible les intérêts des
salariés et ceux de l'entreprise. Il favorise la reconnaissance des
représentants du personnel afin que ceux-ci soient en capacité
d'écouter les salariés et de construire avec eux et avec la
direction un dialogue efficace. L'état d'esprit avec lequel l'entreprise
met en place des DP est fondamental pour la qualité future du dialogue
social. Installer des instances dans un climat social serein permet de prendre
le temps de construire la qualité de la relation et la confiance entre
les parties prenantes. A contrario, quand les salariés s'organisent pour
répondre à des tensions, le dialogue social risque alors de
s'installer dans l'opposition. Pour Colquitt (2001), le dialogue social est
perçu tant en terme de cohérences d'incohérences dans
l'analyse du fonctionnement des organisations. Ainsi affirme-t-il : «
Il y a au moins deux façons de concevoir lesrelations sociales. La
première consiste à y voir essentiellementun ensemble de
contraintes, une source decoûts et de problèmes qui
détournent l'entreprise desa véritable raison d'être.La
deuxième consisteà concevoir la qualité des rapports
sociaux comme une contribution à l'efficacité de
l'entreprise ».
Le dialogue social se construit pas à pas. Dans la PME
de plus de 10 salariés, une première étape consiste
à s'informer sur les modalités et les aspects juridiques de
fonctionnement des instances et à communiquer avec les salariés
avant de passer dans un deuxième temps à la phase de mise en
oeuvre à proprement parler. Ces termes (informer, consulter, se
concerter, négocier) sont utilisés dans le cadre de l'analyse de
l'utilité du dialogue social entre les salariés et sont souvent
confondus entre eux. Ce qui différencie ces différentes
formes de communication, c'est notamment le niveau de participation
souhaité par rapport à une décision donnée.
L'information : Elle consiste
à communiquer des éléments sur un sujet donné
à des interlocuteurs dont l'avis n'est pas forcément
sollicité. La définition de l'information retenue dans la
littérature économique est celle de la théorie statistique
de la décision. Cette définition est pourtant très
rarement explicitée dans la littérature, à quelques
exceptions près. Marschak (1960) définit ainsi l'information
comme « l'ensemble des messages potentiels associés avec un
instrument d'information (une source ou un canal) ». Dans un autre article
il associe plus clairement l'information à la décision en
précisant que cette dernière va être prise sur la base d'un
message « qui est identique à la donnée produite par le
renseignement ou l'expérience » (Marschak, 1968). Dans cet esprit,
Hirshleifer (1973) donne une définition plus précise de
l'information : « l'information est l'ensemble des
événements susceptibles de modifier les distributions de
probabilité subjectives des individus quant aux états du monde
possibles ». En ce sens, l'information est ce qui permet de réduire
l'incertitude et donc d'améliorer la prise de décision.
La consultation : Elle consiste
à prendre avis auprès des parties afin de connaître leur
opinion. Cet avis peut infléchir ou non la proposition qui est faite.
Elle précède donc la décision. Consulter les
salariés dans un projet de prise de décision est très
délicat pour générer une cohésion et implication de
ces derniers dans la mise en oeuvre des décisions prises.
La concertation : C'est un
échange entre différents interlocuteurs, en vue d'aboutir
à l'élaboration d'une position commune. Par exemple, la direction
anime une démarche participative centrée sur la résolution
de problèmes ou la conduite de projets. Les salariés font des
propositions que la direction valide ou non au final. Si la stratégie
sociale est l'ossature sur laquelle se construit le dialogue social, les petits
événements du quotidien en forment la chair. C'est ce quotidien,
rapporté notamment par les représentants du personnel et
l'encadrement, qui va également alimenter le dialogue social. De ce
fait, l'écoute de ce qui se dit et ce qui se passe dans l'entreprise est
essentielle. Beaucoup de tensions naissent du fait que les acteurs de
l'entreprise s'attachent à chercher la solution avant de s'accorder sur
une vision commune du problème. Il est nécessaire de veiller
à respecter plusieurs consignes dans le processus de concertation.
D'abord, les salariés doivent se mettre d'accord sur la nature des
problèmes rencontrés : le problème est l'écart
entre la situation souhaitée et la situation réelle. Identifier
ce dont les personnes ont besoin pour assurer le travail. Plusieurs acteurs
peuvent être concernés et avoir des besoins différents.
Construire une proposition qui prendra en compte le besoin des
différents acteurs pour résoudre le problème. Mise en
débat, elle sera complétée et enrichie jusqu'à un
accord.
La négociation : C'est
la recherche d'un accord qui implique la confrontation de points de vue
divergents. Elle a pour objet de satisfaire de manière contractuelle les
besoins de chacune des parties et de créer de la norme (valeur
juridique) et des règles collectives. La négociation des accords
d'entreprise permet d'adapter les dispositifs des accords de branches aux
conditions particulières de l'entreprise.Ce sont, en principe, les
délégués syndicaux quinégocient avec l'employeur.
Mais pour favoriserla négociation dans les petites entreprises
dépourvuesde délégués syndicaux, un accord peut
êtreconclu, sous certaines conditions, par les représentantsdu
personnel élus au comité d'entreprise(ou à défaut
par les délégués du personnel) ou,en l'absence de
représentants élus, par un salariéspécifiquement
mandaté.La négociation annuelle obligatoire, portesur des
thèmes définis et selon un rythme imposépar le code du
travail : salaires,temps de travail, travailleurs handicapés,
égalitéprofessionnelle, épargne salariale, régime
deprévoyance. En dehors de celle-ci, employeurs etsyndicats ont toute
liberté pour négocier sur desthèmes qu'ils choisissent :
formation professionnelle,congés... mais aussi prévention des
risques professionnels, santé, sécurité.
Pour construire un dialogue social de qualité, ilest
important de s'intéresser tant au contenu deséchanges et objets
de négociation qu'à la naturedes relations elles-mêmes.Il
appartient aux deux parties :D'identifier les thèmes sur lesquels vont
porter laconcertation et la négociation en s'attachant auxenjeux
essentiels de l'entreprise et des salariés.De veiller à respecter
des règles de communicationqui garantissent la qualité des
relations.L'inspecteur du travail, le conseiller juridique del'organisation
professionnelle sont des ressourcesimportantes pour aider à la
construction d'uneproposition mais également garantir la
légalitéjuridique de la négociation avec les
organisationssyndicales.
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