I.1.2.3. Les théories
behavioristes et cognitivistes
L'apprentissage peut être compris comme une adaptation
et comme un changement de comportement mais il peut aussi être
conçu comme un changement cognitif. Cette dualité entre un
apprentissage reposant sur l'induction (la notion de représentation) et
un apprentissage comme conditionnement de comportement structure de
manière assez nette les travaux sur l'apprentissage organisationnel.
C'est ainsi que Bootz (2001) propose de distinguer l'apprentissage
organisationnel à partir de la dominante cognitive ou comportementale,
séparant ainsi l'approche « classique » (approche qui
distingue la vision cognitiviste de celle behavioriste), de l'approche
intégrationniste (approche qui repose sur la
complémentarité des deux perspectives).
L'approche béhavioriste de l'apprentissage
organisationnel : Cette approche de l'apprentissage
organisationnel s'appuie sur les travaux de la psychologie béhavioriste
qui posent, sans pour autant en nier l'existence, qu'on ne peut accéder
aux états mentaux des individus. La psychologie n'est pas une science de
la conscience. L'apprentissage est donc abordé du dehors et compris
comme une réaction, une réponse à des stimuli
répétés. Cela signifie que l'individu peut agir sur
l'environnement pour obtenir un stimulus dont il connaît la
conséquence. Si le détour par la psychologie s'est
avéré nécessaire, c'est qu'on retrouve ce type d'analyse
dans la théorie comportementaliste de l'apprentissage dans
l'organisation. Au niveau individuel, l'approche béhavioriste
appréhende en effet l'apprentissage comme une modification des conduites
des individus en fonction de séquences stimulus réponses
appropriées. Au niveau organisationnel, la séquence
stimulus-réponse est reprise pour décrire les relations entre
l'entreprise et son environnement mais aussi pour expliquer le fonctionnement
interne de l'organisation. En effet, pour Cyert et March (1963), Levitt et
March (1988), March et Olsen (1975), Nelson et Winter (1982), l'entreprise doit
être comprise comme un système adaptatif dont le comportement
repose sur un portefeuille de procédures existantes plutôt que sur
une logique de conséquentialité ou de calcul rationnel
recherchant la solution optimale. Cela signifie qu'en connaissant un
portefeuille de solutions perçues comme réalisables par
l'organisation, il est possible d'identifier les problèmes que se pose
cette organisation. Dès lors, le changement d'une organisation
s'explique moins en fonction des problèmes qu'elle rencontre qu'à
partir des solutions dont elle dispose.
L'approche cognitive de l'apprentissage
organisationnel : En psychologie, le courant cognitiviste
souligne la nécessité de prendre en compte la complexité
du sujet d'apprentissage. Alors que le béhaviorisme étudie
comment l'environnement détermine le comportement, le cognitivisme
signale que les conduites humaines sont expliquées en fonction du
contenu des états mentaux et des représentations. Newell et Simon
(1972) ont étudié la dimension cognitive de l'apprentissage en
modélisant l'esprit humain sous la forme d'un système de
traitement de l'information. C'est ainsi qu'ils donnent comme conclusion que
penser c'est traiter de l'information, c'est manipuler des symboles. Les
états mentaux sont donc comparés à des systèmes de
signes organisés dans un langage de l'esprit dont il faut
connaître les règles. Dans cette perspective, les règles du
calcul propositionnel sont utilisées pour décrire les agencements
des représentations mentales. Signalons que le courant connexionniste
(Quinlan, 1991 ; Rumelhart, 1992 ; Sandelands et Stablein, 1987)
s'oppose à cette approche et cherche à rompre avec une
représentation "psychologisante" du fonctionnement cognitif en faisant
prévaloir une approche symbolique. Les mécanismes cognitifs ne
sont plus abordés à partir de représentations internes, de
connaissances, de croyances ou d'intentions mais fonctionnent comme un
réseau de neurones, les noeuds de ce réseau n'ayant pas de
correspondants fonctionnels en termes de conduite. Selon la perspective
cognitiviste, l'apprentissage organisationnel est généralement
compris comme une modification de l'état de la connaissance
organisationnelle, comme un changement cognitif (Fiol, 1994) ou comme une
opération de traitement d'informations et d'acquisition de connaissances
nouvelles.
L'enchaînement des travaux sur l'apprentissage
organisationnel et les théories ayant précisé les
éléments centraux sur lesquels doivent s'asseoir les travaux sur
cette notion démontre à suffisance l'état des
avancées théoriques remarquables en ce qui concerne le
désir de mettre en relief la dimension humaine dans les
préoccupations managériales. Du côté des approches
dites cognitivistes et behavioristes, l'idée centrale est de mettre en
relief, d'une part, la contribution de l'entreprise à l'ajustement des
comportements des salariés et d'autre part, l'effort effectué par
le salarié lui-même dans son processus d'apprentissage
organisationnel. En ce qui concerne la socialisation organisationnelle, il
s'agit de la poursuite du processus d'apprentissage enclenché, mais
cette fois-ci, par l'acceptation de toutes les valeurs, normes et objectifs de
l'entreprise en général. La première définition de
cette notion sur laquelle se sont appuyés l'ensemble des travaux
suivants est l'oeuvre de Schein (1978) pour qui la socialisation
organisationnelle est le processus durant lequel une personne apprend et
accepte les normes sociales, les attentes formulées à son
égard et les habiletés nécessaires pour oeuvrer dans un
poste en particulier dans une organisation. De cette définition, et
selon les prescriptions de Bauer et Green (1998), Ashford et Gibs, 1990) ainsi
Ostroff et Kozlowsky (1992), un tour de la littérature sur cette notion
est effectué dans les lignes qui suivent.
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