I.2.1.2. La théorie de l'échange social dans
l'explication des comportements au travail
La théorie de l'échange social et la
théorie du contrat psychologique sont l'une des théories qui se
fondent principalement sur les relations et les interrelations entre les
individus dans une perspective d'échange. Basées sur la
compréhension des attitudes des individus relativement aux attentes et
obligations à couvrir (nous y reviendrons dans les prochaines lignes),
ces théories empruntent pratiquement une approche logique de la
compréhension de l'action de l'individu dans les relations de travail.
En ce qui concerne la théorie de l'échange social, un
éclaircissement est à signaler. D'abord relativement à
l'échange économique qui définit clairement la relation
d'emploi à minima (qui se concentre uniquement sur la rationalité
situationnelle) et qui propose dans ce sens un cadre normatif dans lequel
doivent s'inscrire les comportements de travail. Ensuite vient l'échange
social qui, au contraire, permet de dépasser le cadre restreint et
prescriptif du contrat de travail formel en faisant appel à la bonne
volonté de chacun d'une part et aux comportements
discrétionnaires des employés d'autre part (Schaninger et
Turnipseed, 2005). Du côté du contrat psychologique (nous y
reviendrons de façon plus large dans le cadre de cette recherche),
l'idée générale est la supposition que les parties en
présence assument des ententes conclues tacitement, c'est-à-dire,
les employeurs peuvent compter sur l'engagement de leurs salariés et les
salariés sur la réalisation des obligations envers lesquelles
leurs employeurs se sont engagés dans le contrat (Cavanaugh et Noe,
1999). Il y a donc non seulement une relation d'échange définie
par la théorie de l'échange social (vision explicite des
éléments de transactions du contrat formel) mais également
une relation d'échange implicite coordonnée par la croyance en
l'atteinte des prescriptions du contrat formel (le contrat
psychologique).Contrat psychologique et échange social sont donc
à notre sens deux notions intimement liées qui se
complètent dans l'étude du comportement interpersonnel et dans
l'explication de l'engagement et de la citoyenneté organisationnelle des
salariés(Turnley etFeldman, 2000), la comparaison réciproque des
transactions étant le maître mot.
I.2.1.3. Le modèle du comportement proactif du
salarié au travail
Une spécification est faite ici afin de clarifier les
principes à l'aune des comportements actifs en les confrontant, dans les
courants actuels des recherches sur la socialisation organisationnelle
corrélativement à l'approche dite de la proactivité.
L'idée de base repose sur une remise en question des
considérations théoriques d'un sujet passif (qui ne contribue pas
logiquement à l'évolution de l'entreprise) et d'un sujet
réactif (individu qui ne fait que réagir à des stimuli,
à des situations de travail dont il n'a pas participé à
leur définition).
Les auteurs dans la lignée de la
proactivité remettent en cause une conception de la relation d'emploi
selon laquelle, les individus à l'emploi apprennent au fur et à
mesure les attitudes et comportements qui sont adéquates pour couvrir
leurs rôles organisationnels et signalent dans ce sens que l'individu au
travail est, à part entière, responsable de sa socialisation
(apprentissage et intériorisation organisationnelle)(Schneider, 1985 ;
Bell et Staw, 1989 ; Morrison, 1993 ; Ashford et Black, 1996). L'idée
principale, comme nous l'avons précédemment, était de
mettre un pont avec les modèles adaptatifs qui étaient dominants
(Schein, 1978 ; Van Maanen et Schein, 1979 ; Ashforth et Saks, 1996).
C'est une perspective enrichissante de la proposition claire d'une conception
du travail relativement à la contribution de l'individu lui-même,
acteur de sa propre socialisation organisationnelle, en complément des
premières études dans cette lignée (Black, 1996 ;
Depolo et al. (1998). Deux considérations sont faites à
ce niveau tant sur le plan des processus cognitifs (la construction de sens
relativement au travail et au contexte organisationnel) que sur le plan des
processus relationnels (les stratégies de construction des relations
interpersonnelles au travail).
Sur le volet des processus cognitifs, l'on relève la
construction de sens par les salariés sur les modalités
d'exécution du travail et également sur le contexte
organisationnel de travail. On parlera plus précisément des
processus de sensemaking en référence aux travaux dans ce champ
d'analyse de l'intégration sociale (Louis, 1980 ; Major et
al., 1997 ; Isaksen, 2000 ; Denis, 2002 ; Morin, 2003 ;
Boudrias et Savoie, 2006 ; Garreau et Perrot, 2011). Ces travaux
expliquent en effet que les individus réduisent leur incertitude et leur
vulnérabilité face aux effets de l'organisation interne du
travail grâce au processus d'attribution et à leur sentiment
d'efficacité organisationnelle (Ashford et Black 1996 ; Bandura,
2002 ; Follenfant et Meyer, 2003 ; Perrault, 2009).
En ce qui concerne le volet relationnel, les chercheurs font
référence à des conduites qui aident les salariés
à se construire des images et des identités partagées dans
le cadre du travail à travers les relations interpersonnelles
développées dans l'entreprise (Boukar et Guidkaya, 2017). Il
s'agit là d'un effet de régulation entre les individus des
évènements organisationnels par le billet de l'interaction
sociale. Dans ce sens d'analyse, on voit bien que les individus participent de
façon active à la définition des conditions de travail qui
sont parfaitement en adéquation avec leurs compétences et leurs
attentes.
|