PREMIERE PARTIE
L'INEFFICACITE DE LA PROHIBITION DE LA
DISCRIMINATION DANS LE MONDE DU TRAVAIL AU TOGO
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La discrimination est une injustice sociale qui mine le monde
du travail togolais. Pour l'éradiquer, l'Etat togolais a dû
ratifier des conventions internationales et régionales. Il a par
ailleurs, adopté une abondante législation en la
matière42. Il s'agit d'un arsenal juridique en constante
évolution. Des politiques ont été engagées par
l'Etat togolais aussi bien que par les acteurs du monde du travail pour contrer
ce mal. Pourtant, cette prohibition est restée inefficace.
L'inefficacité est le fait de ne pas apporter le
résultat escompté. La prohibition sous-entend l'interdiction
légale. Ainsi, nous pouvons dire que la proscription ou l'interdiction
formelle de la discrimination dans le monde du travail togolais reste lettre
morte.
Pourquoi la prohibition de la discrimination dans le monde du
travail au Togo demeure telle inefficace ?
L'inefficacité de la prohibition de la discrimination
dans le monde du travail au Togo est une évidence dans la mesure
où la législation anti-discrimination togolaise est insuffisante.
Malgré qu'elle existe, la discrimination continue à être
institutionnalisée. Le droit positif togolais n'assure donc pas une
protection efficace contre la discrimination dans l'univers du travail.
L'absence de dispositions concrètes pour assurer l'égalité
au sein du monde du travail devient donc une sérieuse
préoccupation.
La mise en application effective de cette législation
pose un problème réel et sérieux si la rigueur de la loi
et la bonne foi ne sont pas mises au service de la promotion du principe de
non-discrimination et de l'égalité dans le monde du travail
togolais.
L'inefficacité de la prohibition de la discrimination
dans le monde du travail tant dans le secteur privé que dans le secteur
public togolais s'explique doublement. Il s'agit d'une part de la
législation anti-discrimination togolaise qui demeure encore
insuffisante (chapitre I) et d'autre part de la discrimination qui persiste
toujours dans le monde du travail (chapitre II).
Chapitre premier : L'insuffisance de la
législation anti-discrimination. Chapitre second : La persistance de la
discrimination.
42 Supra, p.4
CHAPITRE I
L'INSUFFISANCE DE LA LEGISLATION ANTI-DISCRIMINATION
Pour lutter contre la discrimination dans l'univers du travail
togolais, un arsenal juridique a été mise en place afin de
promouvoir l'égalité. Malheureusement, cette législation
en raison de ses insuffisances n'arrive pas à assurer une protection
efficace contre ce phénomène.
L'insuffisance, c'est ce qui comporte des carences. La
législation anti-discrimination est l'ensemble de lois et mesures
destinées à lutter contre la discrimination. Ainsi,
l'insuffisance du droit positif togolais résulte du fait que les
mécanismes mis en place pour contrer la discrimination présentent
des lacunes, ce qui fait qu'il est inopérant.
Qu'est-ce qui explique réellement l'insuffisance de la
législation anti-discrimination togolaise ?
Malgré la floraison de législation
anti-discrimination, la discrimination persiste43 dans le monde du
travail togolais. Cette législation demeure donc impuissante à
éradiquer la discrimination. En effet, avec le droit positif togolais
actuel, les différentes formes de discrimination sont imprécises.
La preuve de la discrimination reste très difficile à rapporter.
Les sanctions de la discrimination ne sont pas suffisamment dissuasives. La
politique de la discrimination positive constitue un défi difficile
à relever. Toutes ces insuffisances font que cette législation
peine toujours à constituer une barrière à la
discrimination.
Les lacunes que présente la législation
togolaise sur la lutte contre la discrimination dans le monde du travail
proviennent du fait que le législateur n'a préciser les
différentes formes de discriminations qui sévissent dans
l'univers du travail (Section I) et de la fragilité des dispositions
prises pour lutter contre la discrimination (Section II).
Section 1 : Une imprécision des
différentes formes de discrimination
Au Togo, plusieurs sortes de discrimination cohabitent dans la
sphère du travail. Elles peuvent être directes ou indirectes,
être le fait du harcèlement ou d'un ordre reçu. Mais force
est de constater que le législateur togolais n'a pas daigné
préciser les contours des discriminations directes et indirectes. Ce
dernier, en effet a gardé un mutisme total sur celles-ci (§1) et sa
précision des autres formes de discriminations reste très
insuffisante (§2).
43 Infra, p. 35
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Paragraphe 1 : L'imprécision des discriminations
directe et indirecte
La définition de la discrimination passe par la
reconnaissance de la discrimination directe et de la discrimination indirecte.
Malheureusement, le législateur togolais a manqué de les
clarifier. Il s'ensuit de sa part, une absence de qualification de la
discrimination directe (A) et de la discrimination indirecte (B).
A- Une absence de qualification de la discrimination
directe
La protection contre la discrimination dans le monde du
travail a commencé avec la discrimination directe44 car elle
a été la première à voir le jour45.
Selon l'article 2 paragraphe1.a de la directive européenne 2000/43 du 29
juin 2000 relative à l'égalité raciale, la discrimination
directe est constituée lorsqu'une personne ou un groupe de personnes est
traité de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a
été ou ne l'aura été dans une situation comparable
sur la base d'un ou de plusieurs critères discriminatoires.
Au Togo, le législateur n'a pas clarifié le
concept de discrimination directe. Cela s'observe à trois niveaux.
Primo, au regard de l'article 3 alinéa 1er
du CTT qui dispose que « Toute discrimination directe [---]
en matière d'emploi et de profession est interdite », le
législateur n'a pas élucidé cette notion. Le CTT prohibe
la discrimination directe sans dire avec exactitude ce qu'il en est. La
même lacune est à observer au niveau de l'article 303 du CPT qui
dispose que « Toute discrimination directe [---] à
l'égard d'une personne ou d'un groupe de personne est interdite
». Secundo, il y a lieu de relever que le Statut
Général de la Fonction Publique Togolaise (SGFPT) n'a fait
mention nulle part de la discrimination directe. L'article 45 dudit statut qui
proscrit toute discrimination entre les candidats à l'emploi ne
détermine pas la nature de ces discriminations. Cette situation à
notre avis est de nature à semer la confusion dans l'esprit des acteurs
du monde du travail d'autant plus que cette notion n'est pas définie.
Tertio, aucune disposition de la constitution togolaise ne fait allusion de
manière expresse au concept de la discrimination directe.
La législation anti-discrimination togolaise ne
clarifie donc pas du tout ce qu'il convient d'appeler discrimination directe.
Cet état de choses crée un vide juridique. Elle ne permet pas de
cerner et de comprendre ce qu'est la discrimination directe. C'est ce
qui nous amène à
44 RIVET (M), « la discrimination dans la vie au travail
: le droit à l'égalité à l'heure de la
mondialisation » (2003-04) 34 R.D.U.S. p.284
45 La loi n°72-546 du 1er juillet 1972, dite « loi
PLEVEN », est le premier texte législatif qui a créé
le délit de provocation à la discrimination, à la haine ou
à la violence raciales, ainsi que le délit de discrimination.
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émettre ces interrogations : quand peut-on parler de
discrimination directe ? Qu'est-ce-que la discrimination directe ?
Qu'est-ce-qui caractérise cette discrimination ? Le législateur a
gardé un mutisme total sur ce plan. Nous estimons qu'il n'a pas
daigné élucider cette notion de discrimination directe ou qu'il a
tout simplement préféré faire économie de ses
explications.
A l'instar du législateur togolais, les
législateurs ivoirien et français ne clarifient pas non plus la
notion de discrimination directe. On en déduit que ces
législations ont du mal à cartographier la discrimination
directe. Pourtant, cette notion est définie clairement par l'article L.
241-1. (2), du Code du Travail du Luxembourg (CTL)46. Mais ce CTL a
fondé cette définition de discrimination directe uniquement sur
le critère de sexe.
L'absence de clarification de la notion de discrimination
directe par le législateur national, révèle sa
défaillance à dessiner clairement les contours de ladite notion.
En conséquence, cette défaillance du législateur est
susceptible d'avoir pour corollaire l'impossibilité pour les acteurs du
monde du travail de combattre efficacement ce phénomène puisque
le législateur ne les informe pas utilement.
Au regard de la définition donnée par l'article
2 paragraphe1.a de la directive européenne 2000/43 du 29 juin 2000,
discriminer directement une personne suppose la réunion de trois
éléments : d'abord, un traitement différencié et
préjudiciable dont est victime une personne par rapport à une
autre ; ensuite un élément de comparaison qui suppose que la
victime se trouve dans des circonstances matériellement similaires
à la personne privilégiée et enfin les
caractéristiques protégées47.
La discrimination directe est celle qui repose sans
équivoque sur des critères protégés par le
législateur national. Au rang de ces critères, nous recensons aux
termes de l'article 3 al.2 du CTT et de l'article 307 du CPT : le sexe, la
race, la couleur, la religion, l'appartenance ethnique, l'opinion politique ou
philosophique, l'origine sociale, le statut juridique, l'ascendance nationale,
l'état de santé ou le handicap et ceux de l'article 39 al. 1 du
CTT qui ne sont qu'une reprise des critères de discrimination
énumérés par l'article L.1132-1 du code du travail
français (CTF) à l'exception des critères d'âge, de
grossesse, d'orientation ou d'identité sexuelle, des
caractéristiques génétiques, d'apparence physique, du nom
de famille et du lieu de résidence. Par contre, l'article 45 du SGFPT, a
fait une énumération très limitative desdits
critères qui sont : le sexe, le handicap physique, l'ethnie, l'opinion
politique,
46 « Discrimination directe » : la situation dans
laquelle une personne est traitée de manière moins favorable en
raison de son sexe qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le
serait dans une situation comparable, [---] »
47 Manuel de droit européen en matière de
non-discrimination, édition Conseil de l'Europe, juillet 2010,
p.24-32
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philosophique ou religieuse. La constitution togolaise n'est
pas du reste48. Le SGFPT s'est beaucoup appesanti sur le
critère du handicap physique tout en ignorant son aspect sensoriel et
mental qui demeure non moins important. Tout comme le CTT, le SGFPT a
également ignoré de prendre en considération le
critère de grossesse. Loin de penser que les critères non
énumérés par le législateur ont une moindre valeur,
il faut relever plutôt que ceux-ci sont d'une importance capitale.
Rappelons que les conventions de l'OIT ont
déterminé les critères qui sont obligatoires49
et laissé le soin à chaque pays de compléter
éventuellement la liste en fonction de leurs réalités.
C'est la raison pour laquelle ces critères peuvent varier d'un pays
à un autre. Au Togo, les critères les plus usités pour
discriminer dans le secteur formel sont : l'ethnie 17,18%, l'opinion politique
10,68%, l'origine sociale 6,85%,le sexe 6,69%, les moeurs 5,42%, l'âge
5,10% ; dans le secteur informel ces critères sont : l'ethnie et le sexe
20%, la religion 8%, l'âge, l'opinion politique et les activités
syndicales 4%50. Ces statistiques témoignent de l'existence
de la discrimination dans le monde du travail togolais. Il est clair que ces
critères sont très déterminants dans la qualification de
la discrimination directe.
La discrimination directe est patente. Elle est à la
fois explicite et intentionnelle. Il s'agit de l'utilisation abusive par une
personne de l'un des critères protégés, qui fonde
l'inégalité de traitement dans le monde du travail.
La discrimination directe est d'une présence constante
dans la sphère du travail au Togo. Mais, elle n'a pas fait l'objet d'une
véritable précision. Elle est secondée par la
discrimination indirecte qui n'a pas été non plus
clarifiée.
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