La discrimination dans le monde du travail au Togo.par Djignefa Komla YAO Institut des hautes études des relations internationales et stratégiques - Master II en Droit Privé Fondamental 2017 |
CHAPITRE II : L'IMPLICATION DES ACTEURS DU MONDE DU TRAVAIL DANS LALUTTE CONTRE LA DISCRIMINATION 77 Section I : Une implication très active de l'Etat togolais 78 Section II : Une implication accrue des acteurs au sein de l'entreprise et des autres partenaires 87 CONCLUSION . .98 La discrimination dans le monde du travail au Togo INTRODUCTIONLa discrimination dans le monde du travail au Togo Page 1 En vertu du principe d'égalité, tous les Hommes sans distinction de sexe, d'état ou d'âge naissent libres et égaux en droit et en dignité1. Cette égalité se traduit par le droit à la vie, à l'éducation et surtout à un travail décent. Etant un droit humain, le droit au travail2 est un droit qui est reconnu à tout citoyen et ne peut s'exercer que sur la base de la méritocratie. Par conséquent, les candidats à un emploi doivent être traités de la même manière et les travailleurs doivent exercer un travail compatible avec leur moyen tout en percevant un salaire proportionnel audit travail sans être lésé3. Mais, il est constant que dans le monde du travail en général, tous ne sont pas traités de la même manière. Certains sont privilégiés par rapport à d'autres et ce sur la base de certains critères arbitraires comme le sexe, l'âge, l'ethnie, l'opinion politique, la grossesse... Ainsi au Togo, en dépit d'une égalité textuelle4, on note une inégalité factuelle puisque, c'est sur la base de ces critères arbitraires, que des traitements différents sont souvent opérés aussi bien entre demandeurs d'emploi qu'entre travailleurs. Il s'agit de la discrimination. Pourtant dans le monde du travail, les distinctions sociales ne peuvent être légitimées que lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées5. Ainsi, au regard de ce qui précède, nous orienterons notre réflexion sur l'épineuse problématique de la discrimination dans le monde du travail au Togo. La discrimination vient du latin « discriminatio » et veut dire séparer ou distinguer. Dans le langage courant, elle est l' «action de distinguer l'un de l'autre»6. De cette définition, il ressort que la discrimination ne revêt pas une connotation péjorative7. Juridiquement, la discrimination consiste à traiter une personne différemment d'une autre, placée dans une situation comparable en raison d'un critère prohibé, en l'absence d'un motif légitime et dans un domaine prévu par la loi. Par discrimination, il faut entendre donc « toute 1 Articler 1er de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) de 1948 ; article 11, Constitution du Togo, 1992. 2 Art.1er, 2 et 7 DUDH de 1948 ; art. 6, 7, 8, 9 et 10 Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels. 3 Article 23 de la DUDH de 1948. 4 Article 37 de la constitution togolaise de la IVème République du 31-12-2002 : « L'Etat reconnaît à chaque citoyen le droit au travail et s'efforce de créer les conditions de jouissance effective de ce droit. Il assure à chaque citoyen l'égalité de chance face à l'emploi et garantit à chaque travailleur une rémunération juste et équitable. Nul ne peut être lésé dans son travail en raison de son sexe, de ses origines, de ses croyances ou de ses opinions » 5 Article 1er de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 (DDHC). 6 Le Petit Robert de la langue française, édition millésime 2010, p.750 7 GUISLAIN (V.), Etude : la preuve de la discrimination en droit du travail, LegaVox.fr, 15/09/2012, p.1 La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 2 distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l'opinion politique, l'ascendance nationale ou l'origine sociale, qui a pour effet de détruire ou d'altérer l'égalité de chances ou de traitement en matière d'emploi ou de profession ; toute autre distinction, exclusion ou préférence ayant pour effet de détruire ou d'altérer l'égalité de chances ou de traitement en matière d'emploi ou de profession, qui pourra être spécifiée par le Membre intéressé après consultation des organisations représentatives d'employeurs et de travailleurs, s'il en existe, et d'autres organismes appropriés »8. La première partie de cette définition est reprise par l'article 3 alinéa 2 du Code du travail du Togo (CTT) adopté le 05 décembre 2006 et par l'article 307 du Code Pénal du Togo (CPT) de 2015. A travers ces deux articles, le législateur définit la discrimination tout en précisant les critères à l'origine dudit fléau. Au regard de ces trois textes précités, la discrimination consiste à privilégier voire consacrer les inégalités entre les hommes tant dans le secteur public que dans le secteur privé. C'est ce que souligne à juste titre Éric Fassin en ces termes : « Discriminer, c'est naturaliser des inégalités »9. La discrimination revêt donc une connotation négative. La discrimination est souvent assimilée au racisme. Loin de la considérer comme un concept à part entière, la majorité de l'opinion10 fait d'elle le synonyme du racisme. Cependant, on ne saurait confondre la discrimination au racisme car, cette équivalence manque de légitimité. C'est donc à tort que la discrimination est invoquée pour caractériser le concept du racisme. « En effet, la discrimination est du registre des faits et des pratiques, elle produit des inégalités alors que le racisme est du registre des valeurs et des idéologies. Si le racisme est condamné (injures racistes, incitation à la haine raciale,...), il n'induit pas forcément de conduites discriminantes »11. Mais, le racisme, l'homophobie, le sexisme sont des discriminations lorsqu'ils se transcrivent dans les faits, qu'ils s'incarnent dans des traitements, pour donner lieu à une discrimination12. Le monde du travail n'est pas juridiquement défini. Mais, il est l'espace dans lequel l'homme se réalise en exerçant un métier ou en pratiquant une activité rémunérée ou non. Il englobe le secteur public et privé, le secteur formel et informel. Le monde du travail constitue un lieu 8 Article 1, 1.a&b de la Convention de l'OIT (n° 111) concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession adoptée à Genève par la conférence internationale du travail à sa 42e session le 25 juin 1958, Nations Unies, Recueil des traités, vol. 362, p. 31. 9 FASSIN (E.), Discriminatio : pratiques, savoirs, politiques, La documentation Française, Paris, 2008, p.9 10 SIMON (P.), Discriminations : définitions et usages sociaux, in « Discriminations raciales, repérer et comprendre pour mieux agir », Les cahiers du DSU, n°39, Hiver 2003 - 2004 11 CESR Champagne-Ardenne, Emploi-Formation : la prévention et la lutte contre les discriminations, Avis adopté en séance plénière le 5 octobre 2007, p.11 12 www.wikipédia.org/wiki/ Discrimination, consulté le 10 janvier 2017 La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 3 d'expression par excellence des pratiques discriminatoires. Ces pratiques se produisent donc à plusieurs niveaux à savoir pendant l'embauche, pendant la formation professionnelle ou au stage, au cours de l'exercice de la carrière et elle peut provoquer la fin du travail c'est-à-dire de l'emploi ou de la profession. Dans la société togolaise, la discrimination s'exerce dans plusieurs domaines. Il s'agit à titre indicatif de la famille13, de l'attribution de la nationalité14, du logement15, du monde du travail... Seulement, le monde du travail est le centre des pratiques discriminatoires. Il est l'espace où la discrimination se façonne facilement. Il est le lieu privilégié pour les inégalités de tous ordres, d'autant que l'employeur a naturellement tendance à traiter différemment les demandeurs d'emploi et les employés selon des critères affirmés comme illicites par la loi16. Et éliminer la discrimination à ce niveau contribuerait beaucoup à la réduction des injustices sociales. La discrimination est enracinée dans la sphère du travail togolais. En effet, l'histoire nous enseigne qu'elle a été de tout temps une réalité. Que ce soit pendant la période coloniale ou postcoloniale, les togolais ont toujours souffert de ce mal qui est resté graver dans leur mémoire. Il est admis qu'au temps colonial, la discrimination est pratiquée à l'encontre des togolais par les colons blancs17. Sous les allemands, la politique du travail a été essentiellement basée sur la discrimination raciale où les togolais devraient travailler sous les ordres et les intérêts des colons allemands18. En se basant sur des préjugés, l'administration française dans l'entre-deux-guerres (19181939) a orienté les togolais dans divers secteurs d'activités « [---] dans lesquels elle pensait qu'ils pouvaient exceller en raison des prédispositions naturelles qu'elle avait décelées »19. Ainsi, le colon français fait des Kabyès une main-d'oeuvre disponible pour les travaux de mise en valeur du sud compte tenu de leur morphologie, les Losso et les Cotocoli considérés 13 Infra, p. 32, Art. 99 CTPF. 14 Le code de la nationalité togolais de 1978 ne permet pas à la femme togolaise de transmettre sa nationalité à son conjoint du fait du mariage. Ce silence rompt l'égalité entre l'homme et la femme togolais en matière de transmission de la nationalité à leur conjoint. 15 Souvent certains bailleurs rechignent à louer leur maison à certaines ethnies en raison de l'ethnocentrisme 16 Article 3 al.2 CTT et Article 45 SGFPT 17 Infra, p.40 « Au Togo...des concours » ; p. 42 « Plus grave...E.V. » ; p. 43 « Il est constant...des syndiqués ». 18 Prof. ASSIMA -KPATCHA (E.), Travail et salariat au Togo français dans l'entre-deux guerres (1914-1939), thèse de doctorat d'histoire nouveau régime 4 juin 2004, Université de Lomé, p. 41 19 Prof. ASSIMA-KPATCHA (E.), Ethnicité, crise sociopolitiques et processus de réconciliation nationale, LETRIA et CEROCE-2016, p. 29 La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 4 comme inintelligents, sont affectés dans l'armée et aux travaux champêtres y compris certains Kabyès ; les Ewé et les Mina vus comme civilisés, instruits et intelligents étaient destinés au travail de bureau et aux activités intellectuelles20. Malheureusement, c'est cette discrimination des colons empreinte de divers préjugés que se sont appropriés les autochtones21. Il faut donc reconnaître qu'après la colonisation, c'est entre togolais que la discrimination se pratique de nos jours22. L'actualité du sujet est frappante. En effet, la discrimination fait l'objet des attentions politiques23, de la société civile24 et est le sujet d'étude des universitaires25. La discrimination est donc très omniprésente dans la vie quotidienne des Togolais. Face à la persistance de ce phénomène dans le monde du travail, des voix s'élèvent pour le combattre. C'est ainsi que le 03 mars, journée internationale des personnes vivant avec le VIH, est placée cette année 2017 sous le thème, « la lutte contre la discrimination à l'égard des personnes vivant avec le VIH ». Tandis que le 08 mars, journée internationale de la femme a été dédiée à la concrétisation de la parité genre dans le monde du travail au Togo à l'horizon 2030. Il est intéressant de comparer la législation anti-discrimination togolaise avec celle de la France afin de comprendre et de constater où se situe l'Etat togolais. D'une part, le législateur français à aménager la charge de la preuve de la discrimination26, ce qui n'est toujours pas le cas du droit togolais. D'autre part, l'Etat français dispose d'un organe spécialisé dans la lutte contre la discrimination appelé « le Défenseur des Droits »27 ce que le Togo n'a pas encore mis en place. Même si la mise en place d'un organe de contrôle dénommé l'observatoire des discriminations est préconisé, celui-ci peine toujours à être opérationnel28. Face à cette situation de discrimination qui prévaut dans le monde du travail au Togo, le législateur a posé un principe général de non-discrimination en la matière. Ce principe est 20 Ibidem, pp. 27&28& 21 Ibidem, p.29 22 Infra, p.40 « Au Togo...des concours » ; p. 42 « Plus grave...E.V. » ; p. 43 « Il est constant...des syndiqués ». 23 Le 02 décembre 2016, sous la direction de Mr. Pius AGBETOMEY ministre de la justice, le Togo a présenté au Comité pour l'élimination de la discrimination sis à Genève son rapport sur l'état d'avancement de la lutte contre la discrimination. Malgré que les experts dudit comité aient reconnu les efforts du Togo, il lui est recommandé de s'engager plus activement dans la lutte contre la discrimination liée surtout aux personnes handicapées et aux femmes. 24 Infra, p.52 25 ANATE (K), ASSIMA-KPATCHA (E.), & TSIGBE (K.N.), Ethnicité, crise sociopolitiques et processus de réconciliation nationale, LETRIA et CEROCE-2016, p.79 26 Infra, p. 24 27 Loi n° 2011-334 du 29 Mars 2011 relative au Défenseur des Droits 28 Prof. WOLOU (K.), Etude sur la discrimination en matière d'emploi et de profession au Togo et proposition d'un plan d'action, 16 10 2013, p.61. La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 5 incorporé aussi bien dans le CTT29, dans le SGFPT30, dans la constitution togolaise31, dans le CTPF32, dans le CSST33, que dans la CCIT34. Ce principe de non-discrimination vise à établir un équilibre de chances, de traitement et de rémunération. Aussi, la ratification des traités et conventions internationaux35 par l'Etat togolais est-elle une parfaite illustration de cette lutte active contre les discriminations. Afin de combattre les différentes formes de discrimination qui se pratiquent dans le monde du travail au Togo, le CTT dispose : d'abord en son article 3 alinéa 1er que « Toute discrimination directe ou indirecte en matière d'emploi et de profession est interdite ». Il s'ensuit que le législateur prohibe les discriminations directe et indirecte. Mais comment dissocier l'une de l'autre face au mutisme de celui-ci quant à la caractérisation de ces deux notions ? Ensuite, dans sa dynamique de lutter contre la discrimination, le législateur interdit le harcèlement sexuel36. Mais pour celui-ci, ce harcèlement ne peut être que le fait du supérieur hiérarchique et il n'a pas non plus prohibé le harcèlement moral qualifié de discrimination lorsqu'il se fonde sur un critère protégé qui est un motif de discrimination. Enfin, la discrimination peut résulter d'un ordre reçu. Pourtant, le législateur ne l'interdit pas. Face à cette problématique, quel est alors le degré de prise en compte par le droit positif togolais des différentes formes de discrimination en jeu dans le monde du travail ? L'interdiction de discriminer concerne les différentes étapes du parcours professionnel. Comment se manifeste dès lors la discrimination dans le monde du travail togolais ? Face à la problématique de la discrimination, et dans l'impérieuse nécessité de mettre les candidats à un emploi sur un pied d'égalité de traitement dans le monde du travail, le législateur a dû prendre certaines dispositions en faveur de certaines catégories de personnes. Il en est ainsi des traitements de faveur octroyés aux travailleurs handicapés qui sont souvent vulnérables et défavorisés sur le marché de l'emploi et qui sont prévus par les articles 153 et 155 du CTT de 2006. C'est ce qui est qualifié de « discrimination positive ». C'est dire donc que, même si le législateur prohibe la discrimination, toutes les formes de discriminations ne contreviennent pas à la loi. Qu'est ce qui fait dès lors sa spécificité ? Ne peut-elle avoir un impact négatif sur la population non-favorisée ? Positiver la discrimination, c'est aussi faire 29 Article 3 et 39 du CTT 30 Articles 42, 46, 49, 50 du Statut Général de la Fonction Publique Togolaise (SGFPT) 31 Articles 2, 11, 33 et 37, de la Constitution de la IVème République du Togo du 31-12-2002 32 Articles 107 et 372 du Code Togolais des Personnes et de la Famille (CTPF) 33 Article 16, 1 du Code de Sécurité Social du Togo (CSST) 34 Article 43 al.2 de Convention Collective Interprofessionnelle du Togo (CCIT) 35 Infra, pp.20, 29, 30 et 42. 36 Article 40 du CTT La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 6 de l'égalité genre une réalité. Mais, la parité est-elle une question de fait ou de droit dans le monde du travail au Togo face au silence du législateur par rapport à ce sujet ? Dans le monde du travail, il est constant, qu'il est extrêmement difficile d'apporter la preuve de la discrimination. Le législateur n'ayant rien dit à ce sujet, la victime de la discrimination reste la plupart du temps sans moyen de défense. Face à une telle situation, nous devons nous poser la question de savoir, s'il s'agit d'un oubli de la part du législateur ou d'un silence délibéré ? Comment prouver alors la discrimination malgré le mutisme du législateur ? Si la loi impose aux employeurs de respecter le principe de non-discrimination et leur reconnaît tout de même la liberté de choix, comment mettre en balance ces deux principes ? C'est d'ailleurs l'inquiétude que relevait RHÉA E. JABBOUR dans sa thèse37. La question de la discrimination est un mal qu'il faut bien cerner et chercher les voies et moyens pour le mettre hors d'état de nuire afin qu'elle cesse d'être un handicap dans la vie professionnelle. Eliminer la discrimination de l'univers du travail au Togo permettra aux talents d'éclore afin de ne plus se sentir lésé. Dans cette perspective, quels rôles doivent jouer les acteurs du monde du travail et que doivent faire les institutions de la République qui sont mandatées pour combattre la discrimination ? Cependant, ces institutions ayant une vocation générale, n'est-il pas temps de songer à instituer un organe plus spécialisé pour lutter efficacement contre la discrimination afin d'instaurer l'égalité ? Si le huitième Objectif du Millénaire pour le Développement (OMD) est consacré aux questions liées aux inégalités genres38 c'est justement pour éliminer la discrimination. Mais pourquoi si le gouvernement tente de s'inscrire dans cette perspective, son élan volontariste a du mal à être suivi par certains auteurs de la discrimination ? S'il résulte de l'enquête menée par Afrobarometer en 2014 que 86% des togolais sont d'accord avec l'affirmation selon laquelle les « femmes devraient avoir les mêmes droits et recevoir le même traitement que les hommes »39 pourquoi l'égalité dont' il est question ne s'applique pas de manière effective au Togo ? La question de la discrimination est-elle réellement et sérieusement prise en compte par les uns et les autres ? 37 La discrimination à raison de l'apparence physique (lookisme) en droit du travail français et américain approche comparative, thèse pour le doctorat en droit à l'université de Panthéon-Sorbonne paris 1, le 28 octobre 2013.p. 38 AKINOCHO (H.O.) et BLIMPO (M.P.), La place de la femme dans l'opinion des Togolais, Afrobarometer Briefing Paper No. 142 March 2014, p.1. 39 Ibidem, p.3 La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 7 Malgré toutes les dispositions prises pour prévenir la discrimination et l'éliminer, elle persiste largement dans le monde du travail au Togo40. Pourquoi un tel constat ? Plusieurs hypothèses sont à envisager : D'abord, les dispositions législatives misent en place pour lutter contre la discrimination demeurent lettre morte. Il se pose alors le problème de l'application effective de la législation anti-discrimination togolaise. On peut dès lors penser qu'il s'agit en conséquence d'une réalité sociale qui dépasse la portée de cette législation. Ensuite, cela peut s'expliquer par l'insuffisance de la législation anti-discrimination et des règlements anti-discrimination41. En outre, cela peut être due à l'incompréhension et à la difficile assimilation des textes anti-discriminations par les acteurs du monde du travail. Que faut-il faire pour qu'ils soient véritablement appropriés par ceux-ci ? De plus, cela peut se justifier par la non prise en compte d'autres outils juridiques pour contrer la discrimination. Enfin, l'existence d'une telle réalité serait due au fait que soit la discrimination est ancrée dans les mentalités des gens, soit ceux qui en profitent énormément ne veulent pas s'en dessaisir ; soit encore que les messages de non-discrimination sont mal véhiculés. Parler de la discrimination dans le monde du travail au Togo revient finalement à se demander : Pourquoi, la prohibition de ce phénomène par le législateur demeure inefficace ? Quels sont les défis majeurs que le droit positif togolais et les acteurs en lutte contre la discrimination doivent relever ? Bref, quelles perspectives pour le monde du travail togolais face à une discrimination galopante ? Les réflexions que nous menons sur la discrimination dans le monde du travail au Togo présentent un intérêt certain et ce, à plus d'un titre. D'une part, sur le plan théorique, cette étude met en exergue les lacunes de la législation antidiscrimination togolaise tout en proposant des solutions aux pouvoirs exécutif et législatif. Elle constitue également une source d'inspiration pour les juristes et non juristes dans la rédaction des documents stratégiques. D'autre part, sur le plan pratique, ce travail permet d'abord à tous les acteurs du monde du travail togolais de découvrir de manière claire le vrai visage de la discrimination qui se pratique au Togo, en cernant avec précision des solutions en veilleuse qui peuvent être mises à jour pour baliser la voie à l'égalité entre tout le monde. Ensuite, les questions liées à la discrimination dans le monde du travail constituent le cheval de bataille de nombreuses 40 Prof. WOLOU (K.), op. cit. p. 3 41 Voir infra pp. 29 et 30 organisations de la société civile togolaise. Celles-ci vont pouvoir s'en inspirer pour informer les travailleurs sur leurs droits et les dispositions à prendre pour prévenir les discriminations au mieux pour sanctionner les auteurs de celles-ci en cas de leur survenance. En outre, ce travail devra conscientiser les organisations d'employeurs sur le rôle qui est le leur face à la problématique de la discrimination. Enfin, les organisations de travailleurs y trouveront les réponses claires à leurs diverses inquiétudes afin de mieux orienter leurs actions pour défendre et accompagner les travailleurs victimes de la discrimination. Le préambule de la constitution togolaise de la IVème République du 31 décembre 2002 dispose que le peuple togolais a « [---] décidé à bâtir un Etat de Droit dans lequel les droits fondamentaux de l'Homme, les libertés publiques et la dignité de la personne humaine doivent être garantis et protégés [---] ». En conséquence, il urge de restaurer les principes qui gouvernent le monde du travail : l'égale dignité humaine, la solidarité, l'égalité de chance de traitement de rémunération, la liberté individuelle, le respect des différences, la justice et la démocratie. Sur ce, le grand défi auquel doit faire face le Togo est la lutte effective contre la discrimination dans le monde du travail. Malheureusement, nonobstant l'existence de quelques protections théoriques et pratiques, la prohibition de ce phénomène demeure inefficace (partie I). Ce qui nous amène à analyser les voies et moyens en vue d'une meilleure protection contre la discrimination et dans le but de bâtir un monde du travail qui restera à l'abri de celle-ci (partie II). Première Partie : L'inefficacité de la prohibition de la discrimination dans le monde du travail au Togo. Deuxième Partie : Pour une protection plus efficace contre la discrimination dans le monde du travail au Togo. La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 8 |
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