Paragraphe 2 : Les obstacles de fait à une
protection efficace contre la discrimination
L'élimination de la discrimination du monde du travail
demeure toujours problématique pour des raisons soit socioculturelles
(A) soit politico-économiques (B).
A- Les obstacles socioculturels
Ce sont des difficultés sociales et culturelles qui
entravent l'élimination de la discrimination. Ces obstacles varient en
fonction des personnes qui en sont les victimes. Il peut s'agir des personnes
handicapées ou âgées, des femmes ou de la jeunesse.
Les personnes handicapées sont souvent victimes d'une
marginalisation fondée sur des stéréotypes et des
préjugés qui empêchent leur inclusion professionnelle.
C'est ainsi que certains employeurs argumentent que les
personnes handicapée sont porteuses de trois risques. D'abord, n'ayant
pas une bonne condition physique, sensoriel ou mentale, les personnes
handicapées risquent de tomber régulièrement malades.
Ensuite, leur état de santé est susceptible de les rendre
indisponibles de manière permanente au travail. Enfin, l'absence
répétée de la personne handicapée au travail est de
nature à impacter la productivité de base178. Ainsi,
ils ne seraient pas en mesure de donner le meilleur d'eux-mêmes, de
répondre aux attentes et espérances de leurs employeurs. Ce qui
peut porter un coup dur à l'entreprise surtout s'ils occupent un poste
de responsabilité. Toutefois, ces risques varient en fonction de la
nature et de l'état de la personne handicapée.
Les employeurs évoquent aussi le fait que les personnes
handicapées manquent de qualités essentielles comme par exemple
l'agilité. Pour eux, la rapidité, la sûreté et
l'aisance intellectuelle sont les prés requis d'un bon employé
qui font défaut chez les personnes en
178 CFHE, Dynamiser l'emploi Des personnes handicapées
« Mesures appropriées » Des ouvertures européennes,
Novembre 2006, p.4
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
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situation de handicap. Toutes ces raisons font que certains
employeurs renâclent à les embaucher. Celles qui ont la chance
d'être recrutées n'échappent pas à ces
stéréotypes et préjugés et ont du mal à
exercer convenablement leur emploi faute de moyens adéquats mises
à leur disposition.
Toutefois, cette conception de l'employeur qui consiste
à définir la personne handicapée de par sa
vulnérabilité est à relativiser car, bon nombre d'entre
elles malgré leur état ne sont pas dépourvues de ses
capacités et sont parfois bien plus compétents que certains
employés normaux. A titre illustratif, malgré ses débuts
difficiles en tant qu'animatrice à Radio Lomé, compte tenu de la
discrimination dont elle était victime en raison de son état
d'albinos et de son handicap physique, mademoiselle Florence ADJESSON a
réussi aujourd'hui à s'imposer dans son département comme
une animatrice de renom et pour inciter ses frères et soeurs qui se
trouvent dans le même état qu'elle à ne pas se
désespérer, elle a initié une émission
nommée : « mon handicap, ma force ». Maître
Koffi AWOUKOU - TAMAKLOE a également réussi à vaincre son
handicap en devenant le Premier Administrateur de Greffe au Togo vivant avec un
handicap visuel. Nous admettons donc que cette discrimination dont font l'objet
les personnes en situation de handicap est principalement due à la
méconnaissance de leur valeur réelle.
La femme togolaise a du mal à se tailler une place dans
l'univers du travail en raison de la discrimination dont elle est victime.
Cette discrimination débute chez elle dès la naissance. La
préférence pour les garçons à la naissance
constitue la parfaite illustration. En effet, dans la société
togolaise comme dans bien des pays africains, la naissance d'un garçon
est accueillie avec joie alors que la naissance d'une fille est souvent
synonyme de déception.
Au sein des familles togolaises, surtout dans les zones
rurales, la disparité du genre est très tenace à travers
l'inégale répartition des tâches domestiques. En effet,
l'éducation inculquée aux enfants des deux sexes dès le
bas âge est disproportionnée dans la mesure où la jeune
fille est plus orientée vers des tâches domestiques.
L'éducation de base c'est-à-dire familiale est donc vectrice de
discrimination. Il s'agit d'une éducation différenciée en
faveur des garçons et au détriment des filles. La vocation
traditionnelle de la jeune fille qui consiste à s'atteler aux
tâches domestiques est de nature à inhiber fortement ses
résultats scolaires.
La femme est le plus souvent réduite à des
stéréotypes et à des préjugés qui
constituent des obstacles à son insertion dans la vie professionnelle.
Ainsi, présentant le risque d'une
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grossesse future179 certains employeurs rechignent
à l'embaucher pour son absentéisme surtout en période
pré et post maternité. Même engagées, certaines
femmes sont rétrogradées ou mises au placard à la suite
d'un congé de maternité. Comparer à l'homme, la femme est
aussi souvent définie comme étant un être inapte à
faire des heures supplémentaires et que sa capacité de
déplacement est plus restreinte. La preuve en est que dans certaines
entreprises, les missions sont confiées aux hommes au détriment
des femmes.
La femme est toujours considérée comme un
être inférieur raison pour laquelle, elle continue d'être
sous-estimée par certaines personnes. Son rôle sociologique dans
les mentalités freine considérablement son inclusion
professionnelle. Même si des avancées ont
été réalisées, la femme a toujours du mal à
sortir de sa léthargie. Ainsi, la femme togolaise compte tenu du
rôle traditionnel qui lui est dévolu, a quelques
soucis de personnalité pour pouvoir s'affirmer et de s'imposer sur le
plan professionnel. Elle a du mal à étendre tout son
schéma social dans lequel elle est enfermée depuis les temps
immémoriaux. Elle a toujours du mal à prendre des initiatives et
cela se justifie par «Le manque de confiance en soi, d'estime de soi
consécutif à une dévalorisation de son sexe à un
effet dévastateur que n'arrivent pas toujours à vaincre
l'instruction et les diplômes obtenus »180. Par
ailleurs, le manque de confiance et de solidarité entre elles les
amènent à orchestrer des campagnes de dénigrement de leurs
consoeurs qui ont le courage de briguer des postes de responsabilité.
C'est pour pallier ces obstacles dans le monde des médias qu'a
été organisée à Lomé du 25 au 27 novembre
2015 sous l'égide de l'Organisation de la Presse Francophone, la
conférence sur le thème « la place des femmes dans les
médias francophones».
La déperdition scolaire de certaines jeunes filles et
l'obscurantisme d'une grande majorité des femmes sont autant d'obstacles
à l'égalité, qui, se révèle finalement
difficile à atteindre car, « Depuis la prime enfance
jusqu'à la vieillesse, la distinction du genre dans les
définitions identitaires et les rôles sociaux invite chacun
à légitimer une hiérarchisation entre les
sexes »181.
L'obstacle à l'employabilité des jeunes est
souvent lié à l'exigence de plusieurs années
d'expérience professionnelle et aussi au manque d'adéquation
entre leurs compétences et les besoins des entreprises. La tendance
actuelle est que les employeurs optent pour des
179 C.J., 8 novembre 1990, Dekker, C-177/88., reconnaissance par
CJUE du refus d'embaucher pour cause de grossesse est une discrimination
180 Livre Blanc, Femmes togolaises, Aujourd'hui et demain
», op.cit., p 94
181 AVIS de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie,
femmes et jeunes en francophonie : vecteurs de paix, acteur de
développement, présenté à l'occasion du
XVe Sommet de la Francophonie Dakar - 29 et 30 novembre 2014 ;
p.9
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« produits finis ». Pour eux, engager un
jeune diplômé sans expérience est un fardeau pour
l'entreprise. Ils estiment révolu le temps où il faut former de
nouveau les personnes recrutées. Alors qu'une personne ayant à
son actif des années d'expérience constitue un atout. Mais, il
n'empêche de relever que cette vision des employeurs n'est pas pertinente
et que c'est en accédant à un stage ou à un emploi qu'on
peut acquérir des expériences. Or, face au chômage
persistant, acquérir des expériences devient donc de plus en plus
difficile pour les jeunes.
Quant aux personnes âgées, ils ne sont pas du
tout à l'abri des préjugés. Ils sont souvent
considérés comme amorphes. Ainsi, pour certains employeurs,
embaucher une personne âgée c'est ralentir le développement
de son entreprise car, ils manquent de vivacité, d'énergie et ils
entreprennent un travail lent et harassant. Il s'agit d'une conception qui
souffre de légitimité.
S'il est admis que les normes socioculturelles influencent
considérablement sur l'impossibilité d'inclusion des femmes, des
personnes handicapées, des jeunes et bien d'autres, dans le monde du
travail, n'occultons tout de même pas le fait que les facteurs
politico-économiques puissent être à la base de la
discrimination.
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