B- La discrimination durant le processus de recrutement
La phase de recrutement constitue une phase essentielle et
très sensible qui débouche sur l'emploi. A ce stade, l'employeur
a la liberté de choisir ses collaborateurs. En occurrence, c'est le
principe de la liberté contractuelle qui est mis en
exergue136.
Mais les choix doivent s'opérer sans discrimination
parce que, la discrimination est un acte illégal. C'est pourquoi le
législateur dispose aux termes de l'article 39 alinéa
1er du CTT qu'« aucune personne ne peut être
écartée d'une procédure de recrutement, [...] (en
raison des critères protégés par la loi), sauf
inaptitude constatée par le médecin d'entreprise ou par un
médecin agréé, en raison de son état de
santé ou de son handicap. En cas de contestation sur l'inaptitude
invoquée, il est fait recours au médecin inspecteur du travail
».
Malheureusement, pendant le processus de recrutement, la
discrimination ne cesse de s'opérer via le curriculum vitae (C.V.), la
lettre de motivation, le test d'embauche, l'entretien d'embauche. D'abord, le
C.V. et la lettre de motivation sont des éléments très
essentiels voire incontournables pour décrocher un travail. Si le
premier comporte l'identité du candidat à l'emploi, la seconde
lui permet de se vendre. Aujourd'hui plus que jamais, ils sont très
prisés par les employeurs. Mais, tout dépend finalement de
l'usage qu'en font certains d'entre eux
134 Art. 3alinéa 1ER du CTT
135 Art. L. 1142-1 n°1 du CTF
136 GIRARD (C.), La discrimination à l'embauche,
mémoire de D.E.A droit social 2002-2003 p.8
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
39
car le C.V. et la lettre de motivation sont devenus de plus en
plus sujets à discrimination. En effet, le constat sur le marché
du travail est que les employeurs sont en ce XXIème
siècle très exigeants quant au contenu et à la
présentation d'un CV. Une telle exigence peut tout de même
générer des formes de discrimination. Le fait d'exiger des
renseignements personnels : l'état civil ou une photo peut constituer un
moyen d'écarter certains demandeurs d'emploi sur la base de
critères totalement subjectifs. Les employeurs font donc preuve de
discrimination en éliminant d'abord les candidats qui ne correspondent
pas à leur profil. Or, les candidats doivent en principe être
sélectionnés « sur la base de compétences
professionnelles précises, techniques et comportementales, toutes en
lien avec un poste de travail »137.
Ensuite, étant parfois partiaux, le contenu et
l'évaluation des tests d'embauche entraînent sans doute la
discrimination. En principe, ces tests ont vocation « à mettre
en avant les capacités et qualités du candidat en terme de
logique, de mémoire, de connaissance, d'observation voire de quotient
intellectuel »138. Mais souvent, certains employeurs par
le biais desdits tests cherchent à éliminer des candidats qui ne
font pas partie de leur projet de société compte tenu de leur
appartenance aux critères qu'ils désapprouvent.
Enfin, l'entretien d'embauche est discriminant pour le
candidat qui y postule lorsque celui-ci est soumis à des interrogations
portant par exemple sur sa situation de famille, son origine, ses convictions
religieuses, politiques... qui sont sans lien avec le poste à pourvoir.
Une telle démarche ne permet plus de bien juger les candidats, mais
plutôt d'écarter certains d'entre eux qui sont
considérés comme indésirables. Il s'agit dès lors,
de la violation flagrante, de la convention relative à
l'égalité des chances et de traitement des candidats de 1981. Le
législateur togolais n'a tout de même pas encore
réglementé les conditions d'évaluation des candidats
à un entretien d'embauche.
La discrimination au cours du recrutement présente des
conséquences aussi bien pour le candidat discriminé que pour
l'employeur. Pour l'employeur, tout acte discriminatoire est de nature à
entrainer un double risque. L'un économique, consistant à se
priver de compétences ce qui impactera les résultats de
l'entreprise. L'autre juridique se rapportant à des sanctions civiles
que pénales. Par contre le candidat victime de la discrimination, peut
se sentir fortement léser, dévaloriser, s'autocensurer, ce qui
peut l'amener à se replier sur lui-même.
137 HAMDANI (K.), cité dans Recrutez sans
discrimination, Guide pratique destiné aux responsables
d'entreprises et aux directeurs des ressources humaines, avril 2008,
138 Brochure CLCD - version complète.doc,
Discriminations et atteintes à la vie privée dans
l'embauche, CEPAG-IW-FGTB décembre 2012 p. 15
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
40
Au Togo, obtenir un emploi que ce soit dans la fonction
publique ou dans le secteur privé nécessite le plus souvent de
recourir à ses connaissances appelées « les bras longs
» comme en témoigne le chiffre de 31,10 % des personnes ayant
affirmé avoir eu une connaissance dans l'entreprise qui les a
recrutés139. De même, 40,7% de jeunes togolais
reconnaissent avoir eu leur premier emploi grâce à leur
relation140.Cette situation n'est pas sans conséquence dans
la mesure où la jeunesse togolaise s'adonne au gain facile. La
réglementation de l'accès à la fonction publique par
l'organisation des concours141 peut donc être supposée
comme étant un trompe-l'oeil. Toutefois n'occultons pas le fait que
l'excellence est parfois primée.
A l'instar de l'embauche, obtenir un stage de rapport
mémoire ou un stage de perfectionnement devient de plus en plus un
véritable casse-tête pour les étudiants. Le plus souvent,
gagner un stage, revient soit, à mettre en valeur ses relations ou
connaissances soit à présenter une recommandation de renom ou
universitaire. Cependant, il est fréquent que les recommandations
universitaires restent infructueuses. Cette forme de discrimination constitue
un véritable handicap pour les candidats au stage de rapport
mémoire car bon nombre d'entre eux n'arrivent pas à finaliser
leurs études parce qu'ils ne parviennent pas à obtenir un stage
en vue de capitaliser leurs unités d'enseignement. Le législateur
togolais n'a pas encore réglementé ni les conditions ni les
procédures d'accès au stage contrairement à son homologue
ivoirien qui s'est déjà penché sur la
question142.
Certaines personnes sont écartées d'un
recrutement non pas pour faute de qualification ni de compétence mais
uniquement pour cause de discrimination143. A l'instar de
l'embauche, la discrimination reste omniprésente au Togo dans la vie
professionnelle.
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