Paragraphe 2 : La discrimination dans la vie
professionnelle
Après avoir réussi à franchir le seuil
crucial de l'embauche, on devient salarié ou fonctionnaire. Toutefois,
ces employés ne sont pas à l'abri de traitements discriminatoires
sur leur lieu de travail, pendant l'exécution de leur contrat de travail
(A), ce qui peut conduire à la cessation de leur travail (B).
139 Prof. WOLOU (K.) op. cit. p.45
140 Enquête réalisée par l'ONG Partage et
Action en Synergie pour le Développement (PASYD) le 22 mai 2015portant
sur l'étude des enjeux et défis de la démographie et du
Développement Humain Durable dans le cadre du processus
d'élaboration de la Vision Togo 2030.
141 Art 41 du SGFP « L'accès aux
différentes catégories et subdivisions des catégories de
la fonction publique se fait par voie de concours ».
142 Articles 13-12 à 13-13 CTCI : contrat
stage-école ; article 13-14 à 13-20 CTCI : contrat stage de
qualification ou d'expérience professionnelle
143 Guide à destination des
déléguées et délégués syndicaux ;
embauche : stop aux discriminations, février 2012 éditeur
responsable : T. Bodson, p.3
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page 41
A- La discrimination pendant l'emploi
Dans la vie professionnelle, un employé peut être
confronté à une discrimination. Celle-ci se manifeste sous
diverses facettes : la charge du travail, la rémunération,
l'avancement, la promotion ou la mutation...
Selon cette célèbre parabole de Jésus
Christ, « rendez donc à César ce qui est à
césar, et à Dieu ce qui est à
DIEU»144, l'employeur doit donner à son
employé des tâches conformes à sa capacité, à
la formation reçue. Bref un travail compatible avec ses moyens. Mais une
exagération ou intolérance de l'employeur qui attribue des
tâches inégales, très pénibles,
démesurées, ou même au contraire trop faciles et non
modérées pour le poste occupé serait discriminatoire
à l'égard du travailleur concerné145.
En vertu de la Convention n° 100 de l'OIT de 1951
concernant l'égalité de rémunération entre les
mains-d'oeuvre masculine et féminine, en 1996 l'arrêt
Ponsolle146 dégageait avec vigueur la règle
sacro-sainte : « à travail égal, salaire égal
». Cette règle s'applique en matière de salaires
mensuels mais également en cas de primes, d'augmentations ou d'avantages
accordés aux employés.
Le législateur togolais s'est clairement inscrit dans
cette dynamique en ratifiant cette convention le 20 juin 1983 et en
intégrant la règle de l'égalité de
rémunération dans la législation anti-discrimination.
C'est ainsi que dispose l'article 118 alinéa 1 du CTT que «
[---] Tout employeur est tenu d'assurer, pour un même
travail ou un travail de valeur égale, l'égalité de
rémunération entre les salariés, quels que soient leur
nationalité, leur sexe, leur âge ou leur statut ». Cette
règle constitue une limite fondamentale au pouvoir de l'employeur de
fixer librement les salaires. Elle s'oppose catégoriquement qu'on se
base sur un critère subjectif pour fixer les rémunérations
entre les salariés. Aussi, l'alinéa 2 de l'article 118 du CTT
s'oppose t- elle à ce que les salariés de sexe féminin
soient victimes de différence de traitement en matière de
rémunération dans l'exercice des mêmes fonctions dès
lors que la différence pratiquée par l'employeur au
détriment des femmes ne reposait pas sur une justification objective
tirée des conditions de travail, de l'ancienneté ou de la nature
des
144 Luc : 20- 25
145 Ndemaidriss, Laurent Ries, Renaud Heckmann,
Discrimination dans le monde du travail, mémoire en
Master-Management à l'Université de Loraine/IAE - Dans la
catégorie: Ressources humaines 2011
146 Cass. Soc. 29 octobre 1996, n° 92-43.680 : RJS 12/96
n°1272 arrêt fondateur de la jurisprudence sur
l'égalité de traitement, énonçant la règle
« à travail égal, salaire égal ») la cour de
cass. a jugé que l'employeur est tenu d'assurer l'égalité
de rémunération entre tous les salariés placés dans
une situation identique de travail. A partir de 2000, ce principe a
été appliqué aux avantages catégoriels.
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42
fonctions exercées147.
L'égalité de traitement ne s'applique donc qu'entre les
salariés relevant d'une même catégorie
professionnelle148.
Pourtant, dans la pratique, le constat en est tout autre parce
que, cette règle n'est vraiment pas « une parole
d'évangile ». La preuve est que très souvent, les
femmes sont défavorisées dans la rémunération par
des salaires plus bas ou qu'elles sont privées de certaines primes et
des prestations de maternité surtout dans le secteur
privé149. Les écarts salariaux au détriment des
femmes se justifient par l'inapplication de la législation
anti-discrimination. Aussi, les titulaires de contrat de travail temporaire ne
bénéficient pas des mêmes rémunérations que
les salariés de qualification équivalente la plupart du temps.
Plus grave, les Enseignants Volontaires communément appelé les
E.V., sont très souvent rémunérés par des salaires
dérisoires, alors qu'ils effectuent un même travail ou un travail
de valeur supérieur à ceux de leurs collègues
titularisés. Il s'agit sans doute d'une discrimination
légalisée et renforcée par l'absence de
réglementation des contrats de travail des agents temporaires et des
E.V.
En France, cette forme de discrimination en matière de
rémunération est aussi très récurrente. Il s'agit
par exemple du fait d'avoir exclu des bénéfices de l'augmentation
de salaire, les seuls salariés qui ont été pendant une
durée de vingt jours en arrêt maladie150. Rappelons
qu'une différence entre les fonctions exercées n'exclut pas
forcement que le travail puisse être considéré comme
étant de « valeur égale ». Ainsi a
été reconnue par la cour de cassation française une
discrimination entre une femme exerçant les fonctions de responsable des
ressources humaines et des hommes occupant des postes de direction commerciale
et financière, ces derniers ayant un salaire plus élevé
alors qu'aucune différence n'existait entre les deux
postes151.
En dehors de la rémunération, des mesures
discriminatoires envers les travailleurs concernent aussi leur avancement.
C'est ainsi que le juge du fond français a déduit que le retard
important subi par un salarié dans le déroulement de sa
carrière par rapport aux autres salariés se trouvant dans une
situation comparable n'était pas étranger à la
discrimination ethnique invoquée par le salarié152.
147 Soc., 19 décembre 2000, Bull. 2000, V, n° 436,
pourvoi n° 98-43.331
148 Chambre sociale 13 mars 2013, pourvoi n° 11-20490
11-20491 et divers autres, BICC n°785 du 1er juillet 2013 avec un
commentaire du SDER et Legifrance
149 CSI, Rapport pour l'examen des politiques commerciales de
la côte d'ivoire, de Guinée-Bissau et du Togo par le conseil
général de l'OMC, Genève, 2 et 4 juillet 2012, p.9
150 Cass. Soc.7-2-2006 n°04-45.733: RJS 4/06 n°444;
Cass. Soc. 21-2-2007 n°05-43.526: RJS5/07 n°59.
151 Cass. Soc. 6 juill. 2010, Bull. civ. V, n°
158
152 Chambre sociale 7 février 2012, pourvoi
n°10-19505, BICC n°764 du 15 juin 2012 et Legifrance
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43
Il est constant que les affectations sont aussi sources de
disparité. C'est souvent l'occasion pour l'employeur d'exprimer ses
sentiments de discrimination. En effet lors de la récente crise qui a
secoué la fonction publique togolaise en 2014, le Gouvernement a pris
des décisions d'affectations punitives à l'encontre de certains
représentants d'enseignants et de délégués
syndicaux153. Cette sanction leur est infligée à cause
de leur militantisme syndical. Il s'agit notamment de la violation de la
liberté de manifestation des syndiqués. Pourtant, la grève
est un droit reconnu aux travailleurs par les articles 269 du CTT et 244 du
SGFPT. En France par exemple, aux termes de l'article 1132-2 du CTF dans
l'éventualité de l'exercice normal du droit de grève, le
salarié ne peut faire l'objet de mesure discriminatoire. Il en est de
même du CTT en son article 39 al.2. Il est déplorable de constater
la persistance de la discrimination syndicale au Togo malgré l'existence
de législation anti-discrimination en la matière.
Il peut aussi y avoir discrimination pendant la période
de formation, de reclassement, de qualification, de classification, de
promotion professionnelle...
Au sein des administrations togolaises, la discrimination est
une réalité que vivent certains employés. Ce qui peut
aboutir à la rupture de leurs contrats de travail.
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