CHAPITRE II
LA PERSISTANCE DE LA DISCRIMINATION
La discrimination est sanctionnée par le droit positif
togolais123. Malgré cela, elle persiste dans l'univers du
travail togolais.
La persistance c'est ce qui dure dans le temps. Ainsi, la
discrimination est d'une présence constante dans le monde du travail au
Togo.
Pourquoi la discrimination persiste telle toujours dans le
monde du travail togolais ? Comment se pratique telle ?
Au Togo, décrocher un emploi, un stage et même un
entretien d'embauche est un véritable parcours du combattant. Tout cela
s'explique par le fait que, l'arsenal juridique togolais a du mal à
être effectivement mis en application. C'est la raison pour laquelle, il
subsiste toujours un décalage entre cette législation et sa
pratique. Aussi, plusieurs obstacles empêchent la réalisation de
l'égalité. Ce qui fait que malgré l'existence de la
législation, l'égalité formelle et concrète ont du
mal à prendre réellement place dans le vécu quotidien des
togolais.
L'impuissance du droit positif togolais est à l'origine
de la persistance des pratiques discriminatoires. La matérialisation de
ce fléau (section I), reste donc très difficile à
éradiquer définitivement dans la sphère du travail en
raison de certaines difficultés (section II).
Section 1 : La matérialisation de la
discrimination dans le monde du travail
L'employeur peut discriminer pour une double raison : soit,
d'un point de vue collectif en raison de la politique interne de l'entreprise,
soit, d'un point de vue personnel compte tenu de son jugement et de ses
perceptions personnelles124.
Le principe de non-discrimination125 prône
l'égalité de chance, de traitement et de
rémunération dans le monde du travail. C'est ce principe qu'a
consacré l'O.I.T. dans la Déclaration de Philadelphie
adoptée le 10 mai1944 en son article II alinéa 2126.
Ce principe a pour base l'égalité, la liberté, la
démocratie, le respect des droits de l'homme et des libertés
fondamentales127. Mais il n'a pas encore acquis une place importante
dans la pratique juridique d'une manière quotidienne au Togo compte tenu
de son caractère lacunaire en droit
123 Supra, pp. 24 à 28.
124 Rapport de synthèse Projet, Stop aux discriminations
à l'embauche ! Conseil de la Jeunesse Octobre 2013
125 Article 11 CT
126 « Tous les êtres humains, quelles que soient
leur ethnie, leur croyance ou leur sexe, ont le droit de poursuivre leur
progrès matériel et leur développement spirituel dans la
liberté et la dignité, dans la sécurité
économique et avec des chances égales »
127 JABBOUR (R.E.), op. cit. p.70
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togolais. Ce sont ces lacunes qui justifient la discrimination
aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé au Togo qui
consiste à défavoriser un candidat à l'embauche ou
à une formation professionnelle, un stagiaire, un fonctionnaire ou un
salarié en raison de certains critères non objectifs. La
discrimination dans le monde du travail intervient finalement aussi bien
à l'embauche (§ 1) qu'à toutes les étapes de la vie
professionnelle (§ 2).
Paragraphe 1 : La discrimination à l'embauche
L'embauche se présente comme l'optique de la recherche
de potentiels candidats en vue de leur sélection pour la conclusion d'un
contrat passant par les actes accomplis par un employeur ayant un poste
à pourvoir128. A l'embauche, la discrimination reste
très présente parce qu'il s'agit de l'étape clé,
décisive d'accès à l'emploi. Ainsi selon le Bureau
International du Travail, constitue une discrimination à l'embauche
« toute distinction, exclusion, restriction ou
préférence ayant pour but d'empêcher, de compromettre ou de
limiter l'accès à un emploi dans des conditions
d'égalité pour une personne en raison de son sexe, sa couleur, sa
race, son origine, sa nationalité, ses opinions ». De cette
disposition, il ressort donc que les candidats à un emploi, à un
stage ou à une période de formation doivent
bénéficier des mêmes chances129 et des
mêmes traitements, qu'il en serait autrement lorsque certains seront
privilégiés au détriment d'autres compte tenu des
critères prohibés. Sauf lorsque la distinction est basée
sur un motif légitime, objectif et raisonnable.
La violation du principe de non-discrimination intervient non
seulement dans l'offre d'emploi émise par l'employeur (A) mais aussi au
cours du processus de recrutement (B).
A- La discrimination par rapport à l'offre
d'emploi
Au Togo l'obtention d'un emploi est un parcours semé
d'embûches. L'employeur peut utiliser plusieurs canaux pour diffuser ses
offres d'emploi : la presse écrite, le journal
télévisé, la radio, l'internet... Mais, il faut noter
qu'en restreignant ces canaux, cela peut porter préjudice à
certains demandeurs d'emploi puisqu'ils ne disposent pas forcément des
mêmes moyens pour accéder aisément aux informations. Cette
restriction de la publication des offres d'emploi n'est donc pas sans
conséquences. Ainsi, « Une diffusion trop restreinte de
l'offre, notamment auprès d'un réseau de connaissances, risque
à terme d'uniformiser les équipes de travail. Parfois, cela
aboutit à ethniciser des tâches dans les entreprises
(associant un métier
128 PERU-PIROTTE (L.), cité par GIRARD (C), La
discrimination à l'embauche, mémoire de D.E.A droit social
à l'université Lille 2 s 2002-2003, p.7
129 Article 23-1 de la Déclaration Universelle des
Droits de l'Homme « (1) Toute personne a droit au travail, au libre choix
de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de
travail et à la protection contre le chômage. » du 10
décembre 1948
La discrimination dans le monde du travail au Togo Page
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ou une fonction à la nationalité ou à
l'origine des personnes)»130.
Le législateur togolais n'a pas prévu de
disposition ni dans le CTT ni dans le SGFPT devant régir la publication
des offres d'emploi. Une telle absence peut dès lors discriminer une
tranche de la population à trouver un emploi compte tenu de moyens
limités dont ils disposent surtout si l'offre n'est publiée que
via internet.
La discrimination dans l'offre d'emploi puise le plus souvent
ses sources de son contenu c'est-à- dire des conditions exigées
par l'employeur dans l'offre émise. Tant d'exigences de la part de
celui-ci ; exemple, cinq (5) ans, dix (10) ans, et même parfois plus.
Cette forme de discrimination est très souvent visible dans le secteur
privé où les employeurs se basant sur le principe de la
liberté de choix émettent des offres à leur convenance,
à leur intérêt personnel et égoïste. Mais un
tel principe se heurte à celui de l'égalité des chances
favorable aux demandeurs d'emploi.
Malgré la prohibition des pratiques discriminatoires,
il est courant de constater et d'observer des offres d'emploi qui expriment
clairement leur préférence aux critères prohibés :
lorsque par exemple une proposition officielle d'embauche est
rédigée au masculin ou au féminin, cela suppose
vraisemblablement que les demandeurs d'emploi appartenant au sexe opposé
ne peuvent pas postuler c'est-à-dire qu'ils sont écartés.
C'est justement dans cette logique que le Président d'une compagnie
aérienne a été condamné pour avoir
écarté la candidature d'un homme à un emploi «
d'hôtesse navigante » au motif que la société
recherchait uniquement le personnel féminin 131. Il s'agit
dès lors de la discrimination liée au sexe. De même,
lorsqu' une offre d'emploi exige que le postulant soit marié, cela
suppose que les célibataires sont exclus. Il s'agit d'une discrimination
basée sur l'état civil des candidats.
Toutefois, ne constitue pas une discrimination, une offre
d'emploi lorsqu'elle est émise objectivement et qu'elle est
raisonnablement justifiée, notamment par un objectif de politique de
l'emploi132. Sur ce, refuser la candidature d'une personne
handicapée au recrutement d'élèves officiers militaires
repose bien évidemment sur une justification objective et raisonnable.
Ceci compte tenu des exigences du métier. En conséquence, le
principe d'égalité n'élimine pas l'intuitu personae du
contrat de travail133.
130 « Recrutez sans discrimination » Guide pratique
destiné aux responsables d'entreprises et aux directeurs des ressources
humaines avril 2008 p.10
131 Trib. Correc. Morlaix, 20 janvier 1984, Rev. fse. Dr.
Aérien 1984, P. 98 Tilhet-Pretnar.
132 LEFEBVRE (F.), « Mémento pratique »
Social 2009
133 PEANO (M.-A.), l'Intuitus personae dans le contrat de
travail, Dr. Soc. 1995 p.129
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Toute publicité ayant une vocation discriminatoire
c'est-à-dire, le fait qu'un employeur ait mentionné ou ait fait
mentionner dans une offre d'emploi des conditions de nature à
altérer l'égalité des chances entre les candidats à
l'emploi est prohibée par le législateur togolais134.
Mais celui-ci n'a pas défini clairement cette prohibition de la
discrimination publicitaire. De surcroît, il ne mentionne pas comment
l'offre d'emploi doit être rédigée. Son homologue
français de son côté s'est clairement prononcé sur
le sujet en ces termes : « nul ne peut mentionner ou faire mentionner
dans une offre d'emploi le sexe ou la situation de famille du candidat
recherché. Cette interdiction est applicable à toute forme de
publicité relative à une embauche et quels que soient les
caractères du contrat de travail
envisagé»135.
Il est constant qu'une fois l'offre émise, les
candidats sont appelés à y postuler. D'aucuns sont
d'entrée de jeu frappés par la probabilité d'une
inégalité issue de l'offre. Mais ceux qui ont la chance de
poursuivre la périlleuse lutte à la quête du
précieux sésame qu'est le travail ne jouissent pas forcement des
mêmes privilèges. Lors du recrutement, la discrimination marque
incontestablement ses empreintes qui peuvent demeurer
indélébiles.
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