SECTION II : LA NAISSANCE D'UNE DEMOCRATIE
PLURALISTE
Le multipartisme et ses corollaires que sont les
libertés d'opinion et d'expression constituent certainement les
fondements de la démocratie pluraliste135.Son
avènement a fait naître au Cameroun une concurrence politique
(paragraphe I) où s'affronte majorité et opposition (paragraphe
II).
PARAGRAPHE I - LA CONCURRENCE POLITIQUE
La nature de la démocratie commande l'organisation de
la compétition électorale136. Pour Raymond
AARON137, tous les régimes pluralistes admettent ce principe,
par ailleurs tributaire de l'universalité et de l'égalité
du suffrage (A) et matérialisé par des élections
concurrentielles (B).
A - L'UNIVERSALITE ET L'EGALITE DU SUFFRAGE
La concurrence politique doit tendre à assurer
l'authenticité de l'expression du suffrage138, entendue comme
l'expression de la participation d'un électeur à une consultation
électorale. Le caractère universel (1) et égal du suffrage
(2) au Cameroun sont contenus dans une formule déclinée à
l'alinéa 3 de l'article 2 de la loi fondamentale139.
1 - L'universalité du suffrage
L'universalité du suffrage signifie que le droit de
vote est reconnu à tous les citoyens, indépendamment de leur
sexe, leur fortune ou leur condition sociale140.D'ailleurs, le
Président de la République, les députés, lés
sénateurs, les conseillers régionaux et les conseillers
municipaux sont élus au suffrage universel141. En Europe, au
XIXème,
135Babacar GUEYE, « La
démocratie en Afrique : succès et résistances »,
pouvoirs, n° 129, 2009, pp. 5 - 25 (spéc. p. 7).
136 Michel de VILLIERS, Dictionnaire de
droit constitutionnel, op.cit., p. 80.
137 Raymond AARON cité par Philippe
LAUVAUX, Les grandes démocraties contemporaines,
op.cit., pp.74 - 75.
138 Ibid., p. 80.
139 L'alinéa 3 de l'article 2 de la loi n° 96/06
du 18 janvier 1996 dispose que « le vote est égal et secret ; y
participent les citoyens âgés d'au moins (20) ans ».
Cette formule a été reprise par la Constitution du 2 juin 1972
(article 2) et par la loi n° 61 - 24 du 1er septembre 1961
portant révision constitutionnelle et tendant à adapter la
Constitution du 4 mars 1960 aux nécessités du Cameroun
réunifié (article 2).
140 Michel de VILLIERS, Dictionnaire de
droit constitutionnel, op.cit., p. 231.
141 Voir Articles 6, 15, 20 al.2, 57 al.2 de loi n° 96/06
du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972,
et al.1 de l'article 169 de la loi n° 2012/001 du 19 avril 2012.
Le pluralisme au Cameroun
l'universalité du suffrage était entendue au
sens du suffrage masculin, les femmes n'avaient pas la «
capacité juridique autonome » puisqu'elles ne pouvaient
accomplir certains actes juridiques sans le consentement de leur
mari142. Depuis son extension inauguré par les
anglo-saxons143, le droit de suffrage est désormais reconnu
à tous les citoyens.
Il existe tout de même des considérations
relatives à la capacité électorale qui sont pris en
compte, en l'occurrence l'âge, la nationalité, la situation
vis-à-vis de la justice ou encore l'état d'altération
mentale. Selon le Code électoral, ne peut prendre part à une
élection que tout camerounais âgé de plus de 20
ans144 et ne se trouvant dans « aucun cas
d'incapacité prévu par la loi »145.Qu'il
soit direct ou indirect, le suffrage, en plus d'être universel doit
être égal.
2 - L'égalité du suffrage
La liberté politique, « droit de regard sur le
sur le monde public, et celui de s'y faire voir, d'y parler et d'y être
entendu »146, doit être accompagné de
l'égalité politique entre les citoyens, donc
l'égalité du suffrage. Soutendu par le principe « un homme
une voix », l'égalité du suffrage est l'un des pendants du
principe de l'égalité de tous les citoyens147, premier
des droits de l'Homme et fondements de tous les autres selon Georges
VEDEL148 .
En consacrant l'égalité du suffrage, le Cameroun
rejette par ce fait le vote plural149,qui est le fait pour un
électeur détenteur d'une voix de pouvoir voter dans plusieurs
circonscriptions, et le vote multiple, qui consiste dans le fait pour un seul
électeur de disposer de plusieurs voix à plusieurs
titres150.Volonté exprimée en respectant les
prescriptions de la loi électorale, le suffrage n'a d'importance que
dans le cadre d'une consultation référendaire ou lors
d'élections concurrentielles.
142 Jean Paul JACQUE, Droit constitutionnel
et institutions politiques, 5ème éd., Dalloz,
2003, p. 23.
143 Ce sont les premiers à reconnaitre le droit de
suffrage aux femmes, notamment l'Etat du Wyoming (USA) en 1869.
144 L'âge électoral au Cameroun est 20 ans
révolus.
145 Voir article 45 de la loi n° 201/001 du 19 avril 2012
portant code électoral.
146 Patrice VERMEREN,« Le postulat de
l'égalité et la démocratie à venir »,
Diogène, n° 220, octobre - décembre 2007, pp.60 -78
(spéc. p. 60).
147 Selon le préambule de la Constitution du 18 janvier
1998, « tous les hommes sont égaux en droit... »
148 Gorges VEDEL cité par Michel de
VILLIERS, Dictionnaire de droit constitutionnel, op.cit., p.
102.
149 Joseph OWONA, Droits constitutionnels et
institutions politiques du monde contemporains, op.cit., p.
167.
150 Ibid.
Le pluralisme au Cameroun
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