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Le pluralisme au Cameroun.


par William Aurélien BAKONG NKWANé
Université de Douala - Faculté des sciences juridiques et politiques - Master 2 en Droit public, Option : Droit public interne 2015
  

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PARAGRAPHE II : LA NAISSANCE D'UNE NOUVELLE CONCEPTION DE

L'EGALITE ET D'UNE « CITOYENNETE A GEOMETRIE VARIABLE »

De l'application de la règle relative à la prise en compte de la composition sociologique, naît une conception nouvelle de l'égalité, à savoir l'égalité par la différenciation (A) ainsi qu'une sorte de « citoyenneté à géométrie variable » (B).

340 Pierre BOISARD, « La cohésion sociale à l'ère de la mondialisation », Droit social, Librairie technique et économique, 2008, pp.1225 - 1231 (spéc.p.5).

341 Il ne s'agit pas de l'égalité des conditions ou des revenus, mais plutôt un degré réduit et acceptable d'inégalité. Cette première condition est donc définie par le négative.

342 Ces deux conditions se mesurent par l'intensité des liens sociaux et la force du sentiment d'appartenance.

343 Pierre BOISARD, « La cohésion sociale à l'ère de la mondialisation », op.cit., p.5.

344 Ibid.

345 Narcisse MOUELLE KOMBI, La démocratie dans la réalité camerounaise, op.cit., p.253.

346Pour le philologue français et historien des religions, Joseph Ernest RENAN, père de la conception dite française de la nation, la nation est une entité spirituelle, une âme constituée de deux éléments : l'un se situant dans le passé avec la possession en commun d'un riche legs de souvenirs, l'autre étant dans le présent avec le consentement mutuel, le désir de vivre ensemble.

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Le pluralisme au Cameroun

A - LA NAISSANCE DE L'EGALITE PAR LA DIFFERENCIATION

L'égalité347, traditionnellement qualifié de « principe gigogne »348, en ce sens qu'il se décompose en de multiples cas d'application, est le premier droits de l'Homme, le fondement de tous les autres349.En droit camerounais, à la conception égalitaire de l'égalité (1), le constituant adjoint une la conception équitable de l'égalité (2).

1 - La conception égalitaire de l'égalité

L'égalité350 devant la loi est le premier cas d'application du principe d'égalité. Héritée des doctrines rousseauistes qui ont influencées les révolutionnaires de 1789, cette conception égalitaire de l'égalité est consacrée en droit camerounais, dans la mesure où la Constitution de 1996, déclare que « l'Etat assure l'égalité de tous les citoyens devant la loi »351 avant de préciser que tous les hommes sont égaux en droits et en devoirs352.Cela se manifeste dans le cadre de l'expression du suffrage ou devant les charges publiques353.

Il ressort que le principe d'égalité dans son acception classique garantit que chacun sera traité avec égal respect et sollicitude par les pouvoirs publics, dans la sphère publique354. Il suppose ainsi « l'interdiction de tous privilèges en faveur ou au détriment de certains citoyens »355.Mais devant le constat selon lequel les sociétés contemporaines génèrent

347 Dominique ROUSSEAU, Droit du contentieux constitutionnel, op.cit., p. 441.

348 Jean Jacques ROUSSEAU dira que « la démocratie est le seul régime politique qui, en principe, peut vraiment garantir la liberté et l'égalité de tous». Voir Jean Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, Paris, Editions du Seuil, 1977, p. 268.

349 Georges VEDEL cité par Guy HERMET et al, Dictionnaire de droit constitutionnel et des institutions politiques, op.cit., p. 102.

350 Le principe de l'égalité est proclamé en 1776 par la Déclaration d'Indépendance américaine, puis par les révolutionnaires français dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. Celle-ci affirme en son article premier que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Disposition reprise par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948, par l'article 3 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples du 27 juin 1981 et par le préambule de la Constitution camerounaise de 1996.

351 Voir l'alinéa 2 de l'article premier de la Constitution du 18 janvier 1996.

352 Voir préambule de la Constitution du 18 janvier 1996.

353 Cette égalité signifie juste que chaque citoyen doit participer aux charges publiques, mais chacun le fait en proportion de ses capacités. Voir préambule de la constitution du 18 janvier 1996.

354 James MOUANGUE KOBILA, La protection des minorités et des peuples autochtones au Cameroun, op.cit., p. 159.

355 Carl SCHMITT, Théorie de la Constitution, titre original : Verfassusgslehre (Duncker and Humblot, Berlin, 1989), trad. Olivier BEAUD, PUL, coll. « Léviathan », 1993, p.393.

Le pluralisme au Cameroun

encore des inégalités, les pouvoirs publics adoptent de plus en plus des mesures susceptibles de mener a plus d'égalité356.

2 - La conception équitable de l'égalité

Le principe de l'égalité ne fait pas obstacle à ce qu'une loi établisse des règles à l'égard des catégories de personnes se trouvant dans des situations différentes357. L'égalité par la loi ou l'égalité par la différenciation358 est donc celle qui exige que l'on applique des mesures différentes à des situations différentes. Elle est ainsi cristallisée par l'exigence de prise en compte des composantes sociologiques de la circonscription et par l'exigence d'avoir un autochtone à la tête de la région. L'accent est mis, comme l'affirme Dominique ROUSSEAU sur la « conception équitable de l'égalité »359 , au détriment de la « conception égalitaire de l'égalité »360.Cet état de chose est motivé par la volonté de promouvoir la participation de tous aux affaires publiques.

Ainsi, au nom de la « justice [et de la cohésion] entre les groupes »361, le constituant de 1996 et le législateur ont introduit une égalité basée sur l'attribution de droits différents aux membres de groupes différents362.Dès lors, en droit camerounais, la reconnaissance des droits spécifiques aux groupes « moins forts » « est désormais l'essence même de la vraie égalité »363.

Il ne s'agit pas de justifier une règle que l'on pourrait qualifier de discriminatoire364, même si cela contribue à s'interroger sur le sens qu'il faut désormais donner à la citoyenneté.

356 James MOUANGUE KOBILA, La protection des minorités et des peuples autochtones au Cameroun, op.cit ., p. 108.

357 Cf. C.C. 79 - 107 D.C 12 juillet 1979.

358 Selon l'expression de Jean RIVERO .Voir James MOUANGUE KOBILA, La protection des minorités et des peuples autochtones au Cameroun, op.cit., p. 156

359 Dominique ROUSSEAU, Droit du contentieux constitutionnel, op.cit., p. 447.

360 Ibid.

361Will KYMLICKA, La citoyenneté multiculturelle, op.cit., p. 75.

362 Même si cela peut être perçu par les autres groupes, ceux qui ne bénéficient pas de droits spécifiques,(les « allogènes » au Cameroun) comme une inégalité.

363 James MOUANGUE KOBILA, La protection des minorités et des peuples autochtones au Cameroun, op.cit., p. 259.

364 Dominique ROUSSEAU, Droit du contentieux constitutionnel, op.cit., p. 449.

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