SECTION II : VISEES ET CONSEQUENCES DE L'APPLICATION
DU
CONSENSUS
L'objectif principal de l'application du consensus en droit
camerounais est l'intégration politique de tous (paragraphe I), à
travers l'instauration d'une « République pour tous, unie et
intégrée »329.Toutefois, cela conduit
à une nouvelle conception de l'égalité ainsi qu'une
nouvelle forme de citoyenneté (paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : L'INTEGRATION POLITIQUE DE TOUS : VISEE
DU
CONSENSUS
327 Voir note 327.
328 Alain ONDOUA, « La population en droit
constitutionnel », op.cit., p. 93.
329 Narcisse MOUELLE KOMBI, La
démocratie dans la réalité camerounaise,
op.cit., p.277.
Le pluralisme au Cameroun
La « démocratie de rassemblement et non
d'exclusion »330 que le Cameroun s'attèle à
instaurer suppose une participation politique locale effective (A),
préalable au renforcement de la cohésion sociale (B).
A - L'EFFECTIVITE DE LA PARTICIPATION POLITIQUE
LOCALE
La lecture des dispositions constitutionnelles et
législatives relatives à la protection des minorités et
des peuples autochtones, fait jaillir un contraste : tandis que la
participation politique locale331 des « autochtones » est
garantie (1), celle des « allogènes » se trouve amoindrie
(2).
1 - La participation politique locale des «
autochtones » garantie
Au Cameroun, les collectivités territoriales
décentralisées, en l'occurrence les régions sont largement
contrôlées par les autochtones, en vertu des alinéas 2 et 3
de l'article 57 de la Constitution de 1996, qui leur réserve la
présidence du Conseil régional. De telles dispositions
contribuent à garantir une « participation effective et de
premier choix à la couche de population dite autochtones à la
gestion de la région »332.
Le contrôle des autres collectivités
territoriales est également assuré par la pratique de la
désignation systématique d'un autochtone à la tête
des Communautés urbaines. Les communes d'arrondissement ne sont pas
nécessairement dirigées par les membres de communautés
autochtones, alors que les communes ordinaires le sont quasi
systématiquement de facto depuis
l'indépendance333.Citant un document de travail du FEICOM
(Fonds d'Equipement et d'Intervention Intercommunal) daté de 1988, Luc
SINDJOUN fait remarquer qu'en 1987,les responsables communaux originaires des
départements ou de l'arrondissement qu'ils dirigent étaient
97,4%334.Cette garantie de la participation335
330 Alain Didier OLINGA, La Constitution de
la République du Cameroun, op.cit., p. 299.
331 L'élection demeure la voie la plus usitée
pour faire participer le citoyen à l'exercice du pouvoir aussi bien au
plan national qu'au plan local. La Constitution de 1996 en fait
d'ailleurs la modalité essentielle de participation politique au
Cameroun.
332 Alain ONDOUA, « La population en droit
constitutionnel », op.cit., p.95.
333 James MOUANGUE KOBILA, La protection
des minorités et des peuples autochtones au Cameroun, op.cit.,
p.121.
334 Luc SINDJOUN, L'Etat ailleurs,
op.cit., p.166.
335 La participation suppose une idée d'investissement,
car participer à quelque chose c'est y prendre part en mobilisant des
capacités et des ressources physiques matérielles et
intellectuelles. A toute participation s'attache donc nécessairement un
intérêt comme le remarque Philippe BRAUD (Cf. Alain Didier
OLINGA/ BIGOMBE LOGO, « La participation politique locale
communautaire dans la dynamique de la mise en oeuvre de la Constitution du 18
janvier 1996, op.cit., p. 188).
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Le pluralisme au Cameroun
politique locale des « autochtones » contraste avec
celle des « allogènes » qui dans le même temps se trouve
amoindrie.
2 - La participation politique locale des
«allogènes» amoindrie
Tel qu'il ressort de l'alinéa 3 de l'article 57 de la
Constitution de 1996, les seules personnes éligibles au poste de
Président du Conseil régional sont les « autochtones »
de la région. Dans la mesure où les régions du Cameroun
sont à l'image du Cameroun lui - même c'est - à - dire
cosmopolites, les groupes présents dans une région autres que
celles dont ils sont originaires voient leur participation politique
diminuée. Ce qui conduit à déduire que le brassage
ethnique au Cameroun n'a pas toujours produit d'effet politique positif, car
« chaque citoyen se voit sommé de choisir son camp
»336.Or seule une réelle participation politique
locale de toutes les composantes sociologiques de la région
contribuerait au renforcement de la cohésion sociale.
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