CHAPITRE I
LA GARANTIE PAR LE CONSENSUS
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Le pluralisme au Cameroun
« Dans les sociétés plurales, les
démocraties ont tendance à devenir des « sociations »,
c'est - à - dire des régimes politiques de recherche et de
réalisation des compromis entre intérêts segmentaires
»294.Puisque dans son acception classique, la
démocratie n'est que « la traduction comptable et
civilisée de la loi du plus fort »295, il est
nécessaire de l' « arracher du ciel des idées pures pour
l'ancrer dans la glaise de la matérialité des
sociétés plurales »296.C'est cette
idée qui justifie la prégnance du consensus, défini comme
un « accord informel non matérialisé par un vote
» 297, dans le système de
représentation camerounais (section I).Ce qui n'a pas manqué de
produire des conséquences notables (section II).
SECTION I : LE CHAMP D'APPLICATION DU CONSENSUS EN
DROIT CAMEROUNAIS
Pour instaurer une véritable démocratie dans une
société plurale, toute solution politique doit reposer sur la
négociation298.Au lieu de s'en tenir
uniquement à la majorité arithmétique des 50% + 1, «
il serait préférable de rechercher un consensus
»299. Le Cameroun adhère
désormais à cette idée. En effet la Constitution du 18
janvier 1996 consacre
294 Alain ONDOUA, « La population de
droit constitutionnel », op.cit., p. 95.
295 Jacques BAGUENARD, La démocratie
: une utopie courtisée, Paris, Ellipses, 1999, p. 81.
296 Luc SINDJOUN, « La démocratie
est - elle soluble dans le pluralisme culturel ? », op.cit., p.
24. Arend LIJPHART met en doute la thèse «
traditionnelle » suivant laquelle une démocratie stable peut
difficilement être installée et maintenue dans une
société plurale. Sur base d'une analyse de pays comme la Suisse,
les Pays-Bas, la Malaisie, le Liban, la Belgique, il conclut qu'il n'y a pas
incompatibilité entre démocratie et sociétés
plurales, mais plutôt entre sociétés plurales et
démocratie majoritaire. Voir Arend LIJPHART,
Democracy and Plural Societies. A Comparative Exploration, New Haven,
London, Yale University Press, 1977. Voir également Arend
LIJPHART Democracies. Patterns of Majoritarian and Consensus
Government in Twenty-One Countries, New Haven, London, Yale University
Press, 1984.
297Guy HERMET et
al, Dictionnaire de science politique et des
institutions politiques, op.cit., p.66. Le Dictionnaire de droit
constitutionnel définit le consensus comme « une procédure
qui consiste à dégager un accord sans procéder à un
vote formel. Ce qui évite de faire apparaitre des objections et des
abstentions. Voir Michel de VILLIERS, Dictionnaire de
droit constitutionnel, op.cit., p.53. Pour François
LUCHAIRE, c'est une situation que le droit accepte car existant depuis
longtemps. Voir Stef VANDEGINSTE, « Théorie
consociative et partage du pouvoir au Burundi », L'Afrique des grands
lacs, annuaire 2005 - 2006, Anvers, février 2006, pp. 173
- 207(spéc.p.82).
298 Denis JOUVE, « Les droits de
l'opposition à la suite de la révision constitutionnelle de 2008
: atténuation ou renforcement de la démocratie majoritaire ?
», op.cit., p. 326.
299 Nicolas SCHMITT / Amadou MAIGA, «
Thème 1 : le cadre juridique du processus électoral en Afrique
1990 - 1997 », in : Consultations électorales en Afrique
1990 - 1997, Session d'échange à Bordeaux en 1995 et à
Dakar en 1997, Bilan, implication de la Francophonie et perspectives d'avenir,
Agence de la Francophonie (Délégation générale
de la coopération juridique et judiciaire), 1997, pp. 5 - 9
(spéc.p. 9).
Le pluralisme au Cameroun
la règle de prise en compte des composantes
sociologiques, qui représente ce « consensus »300 qui
irrigue le système de représentation. Depuis sa
constitutionnalisation, cette règle bénéficie d'un champ
d'application élargi, car s'appliquant aussi bien dans le cadre de la
décentralisation régionale (paragraphe I) qu'en droit
électoral (paragraphe II).
PARAGRAPHE I : L'APPLICATION DU CONSENSUS EN MATIERE DE
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