PREMIERE PARTIE
LA RECONNAISSANCE D'UN PRINCIPE DE CONSTRUCTION DE
LA DEMOCRATIE
14
Le pluralisme au Cameroun
« De nombreuses formes de gouvernement ont
été essayées et seront essayées dans ce monde
où règnent le péché et le malheur. Nul ne
prétend que la démocratie est parfaite »
déclarait Winston CHURCHILL80.De façon laconique et
suivant la célèbre formule d'Abraham LINCOLN, la
démocratie est le gouvernement du peuple par lui-même et pour son
intérêt. Cette forme de gouvernement81 s'est
répandu et a gagné quasiment tous les continents au point de
s'imposer comme le système politique « le mieux partagé
dans le monde »82.Il passe pour être actuellement le
meilleur système politique ou du moins « le moins pire de tous
»83.
A cette dimension « réaliste » s'ajoute une
dimension « idéaliste » dans la mesure où la
démocratie renvoie également à système politique
idéal84. En tant que tel, elle n'est rien d'autre qu'une
quête, un processus qui ne saurait se limiter à un type d'Etat
avec des procédures et des mécanismes
particuliers85.
Au Cameroun, ce processus a eu pour point de départ la
reconnaissance du pluralisme, principe érigé au rang de fondement
de la démocratie par le juge constitutionnel
80Intervention de Winston CHURCHILL devant la Chambre
des Communes le 11 novembre 1947.
81 La démocratie,«concept
évanescent aux mille définitions » (cf.
Narcisse MOUELLE KOMBI, La démocratie dans la
réalité camerounaise, op.cit., p. 9), est inscrit au coeur
du destin des Etats contemporains et constitue logiquement un sujet d'enjeu
majeur pour le Cameroun. L'on situe son origine dans l'antiquité, aux
environs de l'an 500 av. JESUS - CHRIST, dans la cité athénienne.
Etymologiquement, ce terme est issu de la jonction de deux mots grecs,
démos, peuple et kratos, pouvoir. La définition
donnée par Abraham LINCOLN, le 19 novembre 1968, lors de son discours de
Gettysburg, selon laquelle elle serait le gouvernement du peuple par le peuple
et pour le peuple restitue donc fidèlement son étymologie,
puisqu'il serait paradoxal qu'un peuple qui possède le pouvoir ne puisse
pas l'exercer dans son intérêt. La démocratie est à
la fois un modèle culturel, normatif et un modèle institutionnel.
Elle s'apprécie généralement à l'aune d'une
douzaine d'indicateurs. Il s'agit de la liberté individuelle, la
primauté du pouvoir civil sur le pouvoir militaire, le pluralisme
politique, la dévolution du pouvoir par le suffrage universel,
l'égalité des conditions des citoyens, la protection des
minorités, le principe du gouvernement représentatif, la garantie
effective des droits de l'opposition parlementaire, l'équilibre des
pouvoirs, l'obéissance aux lois, l'indépendance du pouvoir
judiciaire, et la présence des sources alternatives d'information. Cf.
James MOUANGUE KOBLA, «Peut-on parler d'un reflux du
constitutionnalisme au Cameroun? », Recht in Afrika, 2010, pp. 33
- 82 (spéc.p.39). La Charte de Paris, adoptée par la
Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement à l'occasion de la
Conférence sur la sécurité et la coopération en
Europe, le 21 novembre 1990, la définit comme la subordination du
pouvoir à la volonté du peuple, exprimée à
l'occasion d'élections libres et loyales, fondée sur le respect
de la personne humaine et de l'Etat de droit. Selon le Larousse, c'est
un régime politique dans lequel le peuple exerce lui- même la
souveraineté, sans intermédiaires d'un organe
représentatif - démocratie directe - ou par des
représentants désignés par lui - démocratie
indirecte -.A cette distinction classique entre démocratie directe et
démocratie représentative s'ajoute une multitude de formes que
prend ce système politique. Il peut être pluraliste, populaire ou
consociatif. D'où l'affirmation de Robert DAHL selon laquelle la «
démocratie n'aurait pas été inventée une fois
pour toutes comme la machine à vapeur » (Cf. Robert
Dahl, De la démocratie, op.cit., p.8.)
82 Tanella BONI, « Les femmes
africaines et l'invention de nouvelles formes de solidarité »,
Diogène, n° 22O, octobre - décembre 2007, p. 102
83 Ibid.
84 Robert DAHL, De la
démocratie, op.cit., p. 24.
85 Paula BECKER / Jean -
Aimé RAVELOSON, « Qu'est-ce que la démocratie ?
», op.cit., p. 17.
Le pluralisme au Cameroun
français86.Il recommande la reconnaissance
et l'acceptation des différences dans les domaines ethnique, religieux
et linguistique ainsi que le respect et la protection de libre expression des
idées et opinions et s'articule autour de deux postulats majeurs
pleinement reçu par le Cameroun .Il s'agit d'une part de la
reconnaissance de la diversité des courants d'idées et d'opinions
(chapitre I) et la reconnaissance de la diversité sociologique (chapitre
II).
15
86 Dans la décision n° 89 - 271 du 11
janvier 1990.
16
Le pluralisme au Cameroun
|