II - CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES
A la problématique se rattache un intérêt
et des hypothèses, dont la résolution est conditionnée par
une démarche méthodologique appropriée. Devant se
décliner « en une question et en une question seulement
»59, la problématique est la question juridique qui
constitue l'objet de la recherche, son fil conducteur, la condition de
l'existence du sujet60.
Celle qui se rattache à ce sujet peut être
formulée en ces ternes : quel est l'apport du pluralisme dans la
démocratisation du Cameroun ? Autrement dit, sachant que la
démocratisation61 est un processus qui comporte deux phases,
à savoir l'éclosion ou la transition62 et la
consolidation63, quel est l'incidence du principe du pluralisme sur
construction et la consolidation de la démocratie au Cameroun ? A cette
problématique se rattache un triple intérêt.
56 Voir alinéa 3 de l'article 57 de la
Constitution de la République du Cameroun du 18 janvier 1996.
57 James MOUANGUE KOBILA, La
protection des minorités et peuples autochtones au Cameroun,
op.cit., p. 106.
58 Ibid.
59 Magloire ONDOA,
Méthodologie de la recherche en DEA de droit public
fondamental, Université de Yaoundé II, 2009 - 2010, p.
10.
60 Ibid.
61 Le terme démocratisation, est apparu
récemment dans le débat sur la démocratie. Il est
utilisé parfois pour faire référence aux processus de la
démocratie, parfois il fait référence au «stade
transitionnel» du gouvernement, abandonnant les pratiques non
démocratiques au profit de diverses formes naissantes de partage du
pouvoir, de pratiques de gouvernement et de responsabilité à
l'égard du public dans les nouveaux régimes. Cf. Cherif
BASSIOUNI, « Vers une déclaration universelle sur les
principes fondamentaux de la démocratie: des principes à la
réalisation », in : La démocratie : principes
et réalisation, Publication de l'Union Interparlementaire,
Genève (Suisse), 1998, pp.1 - 23 (spéc.p.6).
62 C'est - à - dire le passage d'un Etat
autoritaire à un Etat démocratique.
63 Sandrine LEFRANC, «
Démocratisations », cahiers du CEVIPOF, n° 36,
novembre 2003, pp. 37 - 55 (spéc.p. 38).
Le pluralisme au Cameroun
Il est d'abord heuristique, dans la mesure où il sera
question de mettre en exergue l'originalité camerounaise en
matière de gestion de la diversité. En effet, la
démocratie apparaît de plus en plus comme « la
technologie de la gestion des sociétés plurales
»64. Or, la diversité camerounaise, au lendemain de
l'indépendance, a été présentée comme un
frein à la réalisation d'une démocratie pluraliste. Ce
manque d'intérêt pour l'instauration d'un tel système se
justifie d'une part par la volonté des premiers dirigeants de vouloir
construire une nation conformément à l'idéal renanien, et
par la peur de voir les partis politiques représenter des ethnies.
D'autre part, cela se justifie par la priorité accordée à
la promotion du développement économique à ce moment -
là65.Il ressort à l'observation d'un pays comme
l'Inde, société de castes, réputée être la
plus divisée que du monde66, avec quinze langues officielles,
vingt deux mille dialectes, et un milliard d'habitants67 mais qui en
1970 faisait partir du cercle des grandes démocraties68, que
la diversité sociologique ne saurait être une pierre d'achoppement
pour la démocratie.
L'intérêt théorique découle du fait
qu'aujourd'hui, le degré d'avancée démocratique d'un Etat
est fonction de la place qu'il accorde aux droits de l'Homme. C'est ainsi que
la « Constitution - séparation des pouvoirs
»69 a fait place à la « Constitution -
charte des droits et des libertés »70.Le texte
constitutionnel du 18 janvier 1996 s'inscrit dans cette logique, en
reconnaissant et en protégeant désormais les minorités et
les populations autochtones. Il instaure également une
décentralisation régionale et consacre pour juguler les
exclusions et favoriser une meilleure représentativité des
différentes strates de la société, l'exigence de prise en
compte des composantes sociologiques en matière électorale. Cette
nouvelle dynamique constitutionnelle marque de ce fait le rapprochement du
système démocratique camerounais du modèle consociationnel
ou consociatif71.
Sur le plan pratique, cette étude permet de rompre avec
l'amalgame qui règne autour du concept du pluralisme, que l'on a
tendance, notamment au Cameroun a vite assimiler au multipartisme ou à
la diversité culturelle. Il s'agit de permettre au citoyen lambda
de faire la
64 Luc SINDJOUN, « La
démocratie est - elle soluble dans le pluralisme culturel ?
Eléments pour une discussion politiste de la démocratie dans les
sociétés plurales », op.cit., p. 5.
65 Jean Claude EKO'O AKOUAFANE,
La décentralisation administrative au Cameroun,
op.cit., p. 24.
66 Robert DAHL, De la
démocratie, Nouveaux horizons, op.cit., p. 151
67 Ibid.
68 Philippe LAUVAUX, Les grandes
démocraties contemporaines, op.cit., p. 45.
69 Dominique ROUSSEAU, Droit
du contentieux constitutionnel, op.cit., p. 499
70.Ibid.
71 Luc SINDJOUN, L'Etat
ailleurs, Paris, Economica, 2000, p. 310.
Le pluralisme au Cameroun
différence entre le multipartisme, le pluralisme comme
synonyme de diversité et le pluralisme comme principe
démocratique.
Pour Madeleine GRAWITZ, l'hypothèse est une «
proposition de réponse à la question posée
»72, c'est - à - dire à la
problématique. Tout au long de ce travail, l'on entreprendra de
démontrer que le pluralisme est le pilier de la démocratisation
du Cameroun. En effet sa reconnaissance a permis l'éclosion d'une
démocratie et sa garantie contribue aujourd'hui à sa
consolidation.
Bien qu'il n'en soit pas un modèle parfait, le Cameroun
est bel et bien une démocratie pluraliste .C'est pourquoi les
débats tournent désormais autour de son acclimatation culturelle,
de son évolution73.Cette évolution, se traduit par une
plus grande protection des droits de l'Homme74 et partant des
groupes à travers cette «incitation au compromis »75
qu'est l'exigence de la prise en compte des compositions sociologiques.
Pour démontrer ces hypothèses, il serait
judicieux dans le cadre de ce travail d'opter pour le positivisme,
défini par Jean - Louis BERGEL comme une démarche qui consiste
à « ne reconnaitre de valeur qu'aux seules règles de
droit positif [...] »76. Pour être plus
précis, l'on aura recours à la dogmatique qui est une
méthode fondée sur l'étude des textes et sur leur
interprétation, postulant la détermination et la restitution du
droit en vigueur appréhendé à travers les seuls textes
juridiques77.Les démarches exégétique et
casuistique nous permettront de restituer le droit et ses multiples
fluctuations.
L'on ne saurait non plus oublier le fait qu'une loi n'a de
valeur que dans son contexte car étant doté d'un esprit.
D'ailleurs pour Anne - Marie LE POURHIET, «ce qu'exprime avant tout la
loi fondamentale d'un pays c'est une philosophie politique, un choix
72 Madeleine .GRAWITZ,
Méthodes des sciences sociales, 11ème
éd., Paris, Dalloz, 2001, p. 398.
73 Ibid.
74 Pour Dominique ROUSSEAU, renforcer la
démocratie implique que la Constitution s'intéresse d'avantage
aux droits des gouvernés qu'au statut des gouvernants. Voir
Dominique ROUSSEAU, Droit du contentieux
constitutionnel, 8e éd., Paris, Montchrestien, 2008, p.
499. Toutefois, cela ne signifie pas que toute démocratie qui se
consolide tend a devenir consociative, loin s'en faut .Il faut, outre la
présence des facteurs favorables à l'instauration d'une
démocratie consociative, tels que la division importante du champ
social, la petite taille de la société ou encore la
loyauté des bases partisanes.
75 James MOUANGUE KOBILA, La
protection des minorités et des peuples autochtones au Cameroun, op.cit,
p. 93.
76 Jean - Louis BERGEL,
Méthode du droit, théorie générale du
droit, 2ème éd., 1989, p. 24.
77 Magloire ONDOA,
Méthodologie de la recherche en DEA de droit public fondamental,
op.cit., p. 12.
Le pluralisme au Cameroun
de société, une façon d'être
ensemble »78.L'on aura également recours au droit
étranger « qui consiste à avoir recours aux solutions
dégagées dans certains pays étrangers pour la solution du
problème objet de la recherche »79.
Comme technique de recherche, l'analyse documentaire permettra
d'exploiter les textes et documents recensés pour soutenir
l'argumentation développée tout au long de ce travail. Cette
argumentation qui est structurée autour de deux axes : la reconnaissance
d'un principe de construction de la démocratie (première
partie) et la garantie d'un principe de consolidation de la
démocratie (seconde partie).
12
78 Anne - Marie Le
POURHIET, « Langues et Constitutions », Raisons
politiques, n° 2, 2004, pp. 207 - 215.
79 Magloire ONDOA,
Méthodologie de la recherche en DEA de droit public fondamental,
op.cit.,p. 21.
Le pluralisme au Cameroun
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