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Le pluralisme au Cameroun.


par William Aurélien BAKONG NKWANé
Université de Douala - Faculté des sciences juridiques et politiques - Master 2 en Droit public, Option : Droit public interne 2015
  

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Le pluralisme au Cameroun

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INTRODUCTION GENERALE

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Le pluralisme au Cameroun

Dans les « sociétés plurales »1, c'est - à - dire celles dans lesquelles il existe des groupes dont les membres sont divisés en fonction des facteurs tels que la langue, la race, l'appartenance ethnique, l'idéologie ou la religion, la réalisation de la cohésion sociale, mieux de la démocratie, conçue comme un système qui respecte « toutes les croyances, toutes les opinions politiques »2 et qui a « pour principe l'égale dignité de toutes les cultures »3, se heurte à ces clivages. Le Cameroun, société multilingue, multiethnique, multiconfessionnelle et multipartiste en est une parfaite illustration. En effet, cette « Afrique en miniature » qui se veut « une et indivisible, laïque, démocratique et sociale »4 regorge non seulement d'une pléthore de partis politiques, de syndicats, d'Organisations Non Gouvernementales, de groupes religieux mais aussi d'une mosaïque d'ethnies et de langues.

Il existe en réalité une diversité ethnique, culturelle et linguistique - du point de vue des langues nationales - inhérente à la société camerounaise et une diversité politique, religieuse et linguistique - du point de vue des langues officielles - d'origine exogène, étant « le fruit de la quadruple colonisation subie»5. La promotion de l'intégration et de la participation de tous au développement dans ce creuset de cultures a donc eu pour soubassement idéologique la doctrine du pluralisme. Erigée en principe fondamental de la démocratie par le Conseil Constitutionnel français en 19906, elle postule la tolérance7,

1 Luc SINDJOUN, « La démocratie est - elle soluble dans le pluralisme culturel? Eléments pour une discussion politiste de la démocratie dans les sociétés plurales », Introduction inaugurale au colloque international Francophonie - Commonwealth sur le thème « démocratie et sociétés plurielles », tenu à Yaoundé, du 24 au 26 janvier 2000, p. 1. De manière plus claire, une société plurale est celle divisée par des clivages segmentaires et où des partis politiques, groupes d'intérêts, médias et associations ont tendance à s'organiser suivant ces clivages. Ils peuvent être de nature religieuse, idéologique, linguistique, régionale, culturelle, raciale ou ethnique. Voir Stef VANDEGINSTE, « Théorie consociative et partage du pouvoir au Burundi », l'Afrique des Grands Lacs, Annuaire 2005 - 2006, Anvers, février 2006.

2 Philippe LAUVAUX, Les grandes démocraties contemporaines, 1ère éd., Presses Universitaires de France, 2004, p. 48.

3 Françoise RIVIERE, « Réinventer la démocratie ? Diversité culturelle et cohésion sociale », Diogène, revue internationale des sciences humaines, n° 220, octobre - décembre 2007, pp. 3 - 5 (spéc.p.3).

4 Voir alinéa 1er de l'article 2 de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972.

5 Roger Gabriel NLEP cité par Jean Claude EKO'O AKOUAFANE, La décentralisation administrative au Cameroun, Yaoundé, L'harmattan, 2009, p. 49.

6 C.C décision n° 89 - 271 du 11 Janvier 1990.

7 Will KYMLICKA, La citoyenneté multiculturelle. Une théorie libérale du droit des minorités, titre original : Multinational citizenship : a liberal theorie of minority rights (Oxford University Press, 1995), trad. Patrick SAVIDAN, Paris, La découverte, coll. « Textes à l'appui / politique et sociétés », 2001, p. 35.Narcisse MOUELLE KOMBI défini la tolérance est comme une disposition de l'esprit poussant à accepter les opinions religieuses, philosophiques ou politiques d'autrui même si l'on ne les partage pas. Voir Narcisse MOUELLE

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l'esprit d'ouverture8, le respect et l'acceptation de la diversité ainsi qu'une coexistence harmonieuse entre les groupes, sans volonté d'assimilation9.Une réflexion sur le pluralisme, concept par essence dynamique10, suppose au préalable, d'une part la mise en relief de considérations théoriques et d'autre part la détermination des considérations méthodologiques devant guider l'étude.

I - CONSIDERATIONS THEORIQUES

L'assise des bases théoriques de cette réflexion commande de clarifier les concepts, de déterminer l'objet, le contexte de l'étude, avant de passer en revue quelques travaux de doctrine sur la question.

Le terme pluralisme est susceptible de plusieurs acceptions. Etymologiquement, il est issu du latin pluralis qui signifie plusieurs11. Dans son sens philosophique, il renvoie à une « doctrine selon laquelle les êtres qui composent le monde sont multiples, individuels, indépendants»12.Il est chez Emmanuel KANT l'opposé de l'egoïsmus13.

Dans son sens général, il14 est défini par le Littré comme une « doctrine politique et sociale tolérant et ingérant différents courants ou opinions » 15.Quoique assez claire, cette définition a le défaut de restreindre le concept au seul champ idéel, c'est pourquoi le Petit Robert va plus loin en le concevant comme un « système admettant l'existence d'opinions politiques et religieux, de comportements culturels et sociaux différents au sein d'un groupe organisé »16.

KOMBI, La démocratie dans la réalité camerounaise : libertés, légitimité et modernité politique sous Paul BIYA, 1ère éd., Paris, Dianoia, 2013, p. 255.

8 Joël ANDRIANTSIMBAZOVINA et al, Dictionnaire des Droits de l'Homme, Paris, Presses Universitaires de France, 2012, p. 769.

9 Voir http// www.toupie.org/Dictionnaire/Assimilation.htm consulté le 12 novembre 2013.

10 Slobodan MILACIC, « La consolidation de la démocratie pluraliste dans les pays d'Europe centrale et orientale : de l'âge idéologique à l'âge politique », Revue d'études politiques et constitutionnelles est - européennes, n° spécial, 2007, pp. 27 - 47 (spéc.p. 21).

11 Paul ROBERT, Le Petit Robert de la langue française, Paris, 2006, p. 1983.

12André LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, Presses Universitaires de France, 2002, p. 783.

13 Ibid.

14 Le pluralisme, en tant que principe est défendu dans la doctrine pour la première fois, en 1788, dans Le Fédéraliste de James MADISON, Alexander HAMILTON et John JAY.

15 Le Nouveau Littré, Paris, Garnier, 2007, p. 1414.

16 Paul ROBERT, Le Petit Robert de la langue française, op.cit., p. 783.

Le pluralisme au Cameroun

Dans un sens restrictif mais concordant, le Dictionnaire des Droits de l'Homme, s'inspirant de l'arrêt de la Cour Européenne des Droits de l'Homme dans l'affaire GORSELIK c. Pologne du 17 février 2004, défini le pluralisme comme une doctrine qui postule « la reconnaissance et le respect véritables de la diversité, de la dynamique des traditions culturelles, des identités ethniques et culturelles, des convictions religieuses et des idées et concepts artistiques, littéraires et socio-économiques »17.Le Dictionnaire constitutionnel, l'appréhende comme « une conception de l'ordre politique et juridique qui privilégie la diversité des opinions, des intérêts et de leurs groupements dans la société civile et fait de la garantie de leur pluralité une condition de liberté »18.

Dans l'imagerie populaire camerounaise, l'on a une vision assez réductrice du pluralisme que l'on assimile généralement au multipartisme19 ou tout simplement à la diversité. Il est rarement perçu comme un principe démocratique. Or, en tant que tel, il « englobe beaucoup plus d'aspects que le multipartisme dont les manifestations immédiates se limitent au champ électoral »20.D'ailleurs, « en termes de degré de démocratie, il est beaucoup plus vaste que le multipartisme »21. Outre, bien que les partis politiques soient des « outils essentiels au pluralisme »22, ils ne suffisent pas à eux seuls « pour faire une démocratie, ce que l'on a tendance à croire en Afrique » 23 en général et au Cameroun en particulier.

Fort de ces considérations, le pluralisme est retenu dans le cadre de cette étude comme un principe démocratique qui postule la reconnaissance et l'acceptation des différences ainsi que le respect et la protection de la libre expression des idées et opinions.

Cet essai, se propose ainsi, d'étudier ce principe démocratique et son impact sur le processus de démocratisation du Cameroun, pays comptant aujourd'hui environ 16.406.100

17 Joël ANDRIANTSIMBAZOVINA et al, Dictionnaire des droits de l'Homme, op.cit., p. 770.

18 Olivier DUHAMEL / Yves MENY, Dictionnaire constitutionnel, 1ère éd., Paris, Presses Universitaires de France, 1992, p. 756.

19Babaly SALL, « La Charte Africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance », Atelier d'appropriation, de dissémination et de mise en oeuvre des instruments régionaux et des mécanismes exogènes de gouvernance démocratique et de prévention des conflits endogènes en Afrique de l'Ouest tenu à Dakar et Saly au Sénégal du 16 au 19 octobre 2007, p. 5.

20 Ibid.

21 Ibid., p. 6.

22 Robert MBALLA OWONA, « Réflexion sur la dérive d'un sacro-saint principe : la souveraineté du peuple à l'épreuve des élections au Cameroun », Juridis Périodique, n° 88, 2011, pp. 91 - 109 (spéc. p. 102).

23 Babaly SALL, « La Charte Africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance », op.cit., p .5

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Le pluralisme au Cameroun

millions d'habitants24, 282 partis politiques légalisés25, 284 ethnies26 correspondant à autant de langues nationales27 et deux langues officielles : le français et l'anglais28 .Pour ce qui est du cadre temporel, c'est la période qui va de 1990, année marquant sur le plan pratique l'adhésion du Cameroun au standard quasi-universel de l'Etat de droit et de la démocratie libérale29, jusqu'à nos jours.

L'étude intervient dans un contexte juridique marqué par une nouvelle donne en matière constitutionnelle, à savoir la protection accrue des droits de l'Homme et partant ceux des groupes. Puisque « nous vivons à une époque des Droits de l'homme » 30 et que la démocratie ne peut exister sans leur protection31,le Cameroun s'est inscrit dans cette dynamique, d'une part, en consacrant sur le plan constitutionnel la reconnaissance des minorités32 et des populations autochtones33 et en protégeant leurs droits 34, et d'autre part,

24 Voir Cameroun Tribune, n° 9580/5781 du 15 avril 2010, p. 4.

25 Voir Narcisse MOUELLE KOMBI, La démocratie dans la réalité camerounaise, op.cit., pp. 88 - 91 ; Voir également la liste des partis politiques légalisés au Cameroun dans l'annuaire statistique de la République du Cameroun de 2012, pp .45 - 61.

26 Voir Conseil des droits de l'Homme de l'Assemblée Générale de l'Organisation des Nations Unies, rapport de l'experte indépendante Mme Rita IZSAK, sur les questions relatives aux minorités au Cameroun, à l'issue de sa mission du 2 au 11 septembre 2013, 31 janvier 2014, p. 1.Il faut préciser que les groupes ethniques du Cameroun sont schématiquement repartis et par commodité en quatres grandes aires culturelles :l'aire Beti-fang-Bulu, correspondant grosso modo aux régions du Centre, de l'Est et du Sud ;l'aire des Grassfields, renvoyant aux régions du Nord-Ouest et de l'Ouest, l'aire sahélo-soudanaise, englobant les trois régions septentrionales de l'Adamaoua, de l'extrême-Nord et du Nord et l'aire culturelle Sawa comprenant le Littoral et le Sud - Ouest ainsi qu'une partie de la région du Sud.Cf. Narcisse MOUELLE KOMBI, La démocratie dans la réalité camerounaise, op.cit., p.288.

27 James MOUANGUE KOBILA, La protection des minorités et peuples autochtones au Cameroun, op.cit., p. 33.L'homogénéité linguistique apparente d'une circonscription administrative cache bien souvent la coexistence d'une multitude d'entités réclamant chacune sa singularité, son identité et aspirant même a une certaine visibilité sur l'échiquier géopolitique et économique. Le cas du Mfoundi illustre ce phénomène à merveille. Dans ce département, siège des institutions de l'Etat, le triptyque autochtone Ewondo - Etoudi - Bene n'épuise pas son exubérante diversité socio - ethnique originelle. L'on dénombre environ 30 clans et 60 grandes familles. On recense ainsi le groupe Mvog - Tsoungui Mballla (Mvog - ada, Mvog - Atemengue, Mvog - Betsi, Mvog - Dzou, Mvog - Effa, Mvog - Ekoussou, Mvog - Ntigui...) ; le groupe Etoudi (Mvog - Abena,Mvog - Ahanda, Mvog - Evouna, Mvog - Eka Mballa...) ; le groupe Bene (Mvog - Belinga, Mvog - Manga, Mvog - Manga ; les Mvog - Atangana Mballa,Emveng,Tsinga, Mvog - Mbi, Edzoa, Mvog - Ebanda, Emombo etc. Voir Narcisse MOUELLE KOMBI, La démocratie dans la réalité camerounaise, op.cit., pp. 289 - 290.

28 Voir alinéa 3 de l'article 1er de la Constitution de la République du Cameroun du 18 janvier 1996.

29 Luc SINDJOUN, « Cameroun : le système politique face aux enjeux de la transition démocratique (1990 - 1993) », Afrique politique, Paris, Karthala, 1994, p. 143 et s.

30 Aharon BARAK, « L'exercice de la fonction juridictionnelle vu par un juge : le rôle de la Cour Suprême dans une démocratie», RFDC, n° 66, 2006, pp. 227 - 302 (spéc. p. 241).

31 Ibid.

32 Pour Francesco CAPOTORTI «une minorité est un groupe numériquement inférieur au reste de la population d'un Etat, en position non dominante dont les membres ressortissants de l'Etat possèdent du point de vue

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Le pluralisme au Cameroun

en matière électorale à travers l'exigence de prise en compte des composantes sociologiques

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Sur le plan historique, aujourd'hui la participation politique des groupes notamment ethniques au Cameroun est devenue une priorité, à travers l'exigence de prise en compte des composantes sociologiques, dorénavant perçue comme « un principe fondamental du droit constitutionnel camerounais»36.L'on ne saurait toutefois, oublier que la recherche de la meilleure formule pour une cohabitation pacifique et harmonieuse entre ces populations composites rassemblées au hasard des conquêtes coloniales et des traités37 a conduit les premiers dirigeants à adopter une politique de répression vis-à-vis de l'ethnie, via une législation dite «ethnocidaire»38. De même, toujours dans le but de mieux gérer la diversité, le Cameroun a connu plusieurs formes d'Etats : d'un Etat unitaire « centralisé »39 en 1960, l'on est aujourd'hui passé à un Etat unitaire décentralisé40, sans oublier qu'en 1961 l'on a opté pour le fédéralisme41.

Il serait quelque peu malaisé d'affirmer qu'aucun travail n'a été fait sur ce sujet. En effet, de nombreux auteurs, se sont illustrés par la qualité de leurs travaux sur la question. James MADISON soulignait déjà que le pluralisme est un moyen qui favorise la conservation

ethnique, religieux, ou linguistique, des caractéristiques qui diffèrent de celles du reste de la population et manifestent un sentiment de solidarité, à l'effet de préserver leur culture, leurs traditions, leur religion, ou leur langue ».Cf. Jean NJOYA, « États, peuples et minorités en Afrique sub-saharienne : droit, contraintes anthropologiques et défi démocratique »,Communication présenté au 4ème forum mondial des droits de l'Homme sur le thème « identité et minorité : vivre et agir ensemble dans la diversité », Nantes - France du 28 juin au 1er juillet 2010, p.3.

33 Selon l'idée avancée par Roger Gabriel NLEP, au Cameroun, chacun est autochtone là où ses ancêtres se trouvaient à l'arrivée du colonisateur en 1884.Le point de vue de cet auteur est que le Cameroun naît véritablement en 1884 et c'est à partir de cette date qu'il faut apprécier l'autochtonie et l'allogénie.

34 Voir préambule de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972.

35 Voir alinéa 1er de l'article 57 de la Constitution de la République du Cameroun du 18 janvier 1996 .Voir également James MOUANGUE KOBILA, La protection des minorités et peuples autochtones au Cameroun ,1ère éd., Paris, Dianoia, 2009, pp. 113 - 119.

36James MOUANGUE KOBILA, « La participation politique des minorités et des peuples autochtones au Cameroun : l'application de l'exigence constitutionnelle de la prise en compte des composantes sociologiques de la circonscription dans la constitution des listes de candidats aux élections au Cameroun », RFDC, n° 75, 2008, pp. 629 - 664 (spéc.p. 631).

37 Léopold DONFACK SOKENG, « Fondements et signification de l'hymne national du Cameroun », Solon, revue africaine de parlementarisme et de démocratie, n° 7, vol. 7, août 2013, pp. 7 - 18 (spéc.p. 15).

38 Jean Claude EKO'O AKOUAFANE, La décentralisation administrative au Cameroun, op.cit., p. 59. 39Ibid., p. 44.

40 Voir alinéa 2 de l'article 1er de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972.

41 Voir article 1er de la loi n° 61 - 24 du 1er Septembre 1961 portant révision de la Constitution du 4 mars 1960.

Le pluralisme au Cameroun

de l'égalité, de la liberté et l'auto - gouvernement du peuple, dans la mesure où il empêche l'apparition et l'installation du pouvoir absolu, unique ou totalitaire d'une majorité42.A sa suite, Alexis de TOCQUEVILLE fera de la défense de ce principe le moteur de la démocratie, puisqu'il permet d'éviter les excès de l'individualisme, tout en favorisant le développement quasi illimité de la vie associative43. Carl SCHMITT 44 et Antoine TINE45 iront dans le même sens en faisant du pluralisme, le coeur de la démocratie. Selon le premier, relativiser ce principe, reviendrait à renoncer à la démocratie elle-même. Dominique ROUSSEAU affirmera en reprenant l'expression du juge constitutionnel français dans sa décision n° 89 - 271 du 11 Janvier 1990 que le pluralisme des courants d'idées et d'opinions est « le fondement de la démocratie »46, car c'est le terreau sur lequel poussent toutes les autres libertés47. Pour Karl POPPER, sans pluralisme, il n'est pas de société démocratique48, puisque ce principe s'oppose entre autres au parti unique, au dogmatisme et à la concentration des pouvoirs49 qui caractérisent les régimes non démocratiques.

John RAWLS, quant' à lui soutient que le pluralisme se manifeste par l'existence et l'acceptation des différences dans les domaines religieux, ethnique, linguistique et des positions ouvertement irréconciliables mais qui sont tout à fait raisonnables. Pour lui, c'est un puissant facteur d'équilibre, « la base d'une vie commune démocratique, d'une démocratie pluraliste, dans laquelle il n'est pas possible un consensus total de la société, circonstance qui oblige à procéder à la recherche d'un consensus par recoupement »50.Enfin, Paula

42 James MADISON cité par Antoine TINE, « E pluribus unum, essai d'une philosophie politique du pluralisme démocratique », Bibliothèque numérique « Les classiques des sciences sociales », 2002, p. 11.

43 Ibid.

44 Carl SCHMITT cité par Chantal MOUFFE, « Carl Schmitt and the paradox of liberal democracy », in: David DYZENHAUS (dir.), Laws as politics. Carl Schmitt's critique of liberalism, Durham, Duke University Press, 1998, pp. 159 - 175 (spéc. p. 160).

45 Antoine TINE, « E pluribus unum, essai d'une philosophie politique du pluralisme démocratique », op.cit., p. 36.

46 Ce pluralisme de courants d'idées et d'opinions, quelques années auparavant, par la décision n° 84 - 181 DC des 10 et 11 octobre 1984 avait été érigé par le Conseil constitutionnel français au rang d' « objectif à valeur constitutionnelle » .Voir Véronique CHAMPEIL - DESPLATS, « Le conseil constitutionnel, protecteur des droits et des libertés ? », CREDOF, n° 9, 2001, pp. 11 - 22 (spéc.p. 13). Voir également Dominique ROUSSEAU, Droit du contentieux constitutionnel, 8e éd., Paris, Montchrestien, 2008, p. 34.

47 Dominique ROUSSEAU, Droit du contentieux constitutionnel, op.cit., p. 341.

48 Karl POPPER cité par Joël ANDRIANTSIMBAZOVINA et al, Dictionnaire des droits de l'Homme, op.cit., p. 769.

49 Ibid.

50 John RAWLS cité par Juan Camilo SALAS CARDONA, Démocratie pluraliste et droits des minorités, thèse de doctorat en droit, Université de Strasbourg, 2013, p. 222.

Le pluralisme au Cameroun

BECKER et Jean - Aimé RAVELOSON pensent que dans une société démocratique, le pluralisme se caractérise sur le plan politique par :

le respect, l'acceptation et la reconnaissance de tous les points de vue, aussi

différents ou divergents soient-ils ; et leur diffusion, ainsi que leur application

ne devraient rencontrer aucun obstacle. [Il] se base sur des discussions

contradictoires, dont les résultats reposent souvent sur des compromis qui

finissent ainsi par satisfaire tous les groupes concernés, ou tout au moins,

sont acceptables dans leur ensemble51.

En ce qui concerne la doctrine camerounaise, Manassé ABOYA ENDONG fait remarquer que la réfutation sur le plan pratique du multipartisme a constitué un frein au plein déploiement du pluralisme au Cameroun car, comme le note Robert MBALLA OWONA, les partis politiques demeurent « des outils essentiels du pluralisme démocratique »52. Ceci, poursuit le premier auteur est la conséquence de la crainte des dirigeants de voir les partis politiques représenter uniquement une ethnie déterminée53.

Pour ce qui est de la diversité ethnique, phénomène directement lié à la question autochtone et allogène, la pertinence de l'introduction dans la Constitution du 18 janvier 1996, de la distinction autochtone /allogène peut être discutée au regard de son impact sur la démocratie, opine Léopold DONFACK SOKENG. Il affirme à la suite d'Etienne ROY, que la protection des minorités et des peuples autochtones ne consolide pas la démocratie pluraliste, mais l'altère54.Claude MOMO soutient l'idée de l'instauration d'une discrimination positive par le constituant de 1996 dans le cadre de la décentralisation régionale55. Il illustre cela en se référant aux alinéas 2 et 3 de l'article 57 de la Constitution du 18 Janvier 1996 qui

51 Paula BECKER / Jean - Aimé RAVELOSON, « Qu'est-ce que la démocratie ? », Fondation Friedrich - Ebert, Antananarivo, Septembre 2008, p. 13.

52 Robert MBALLA OWONA, « Réflexion sur la dérive d'un sacro-saint principe : la souveraineté du peuple à l'épreuve des élections au Cameroun », op.cit., supra, note 17.

53 Manassé ABOYA ENDONG, « Parti administratif, transitions démocratiques et patrimonialisme en Afrique noire francophone » in : Stéphane BELL (dir.), La recherche scientifique et le développement en Afrique, Presses de la Nouvelle Imprimerie Laballery, 2008, pp. 220 - 260 (spéc.p. 220).

54 Léopold DONFACK SOKENG, « Existe-t-il une identité démocratique camerounaise ? La spécificité camerounaise à l'épreuve de l'universalisme des droits fondamentaux », Polis/RCSP., Vol.1, n° spécial, 1996, pp. 39 - 40.

55 Claude MOMO, « Quelques aspects du droit électoral rénové au Cameroun », Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l'Université de Douala, n°1, 2002, pp. 139 - 173 (spéc.p. 161).

Le pluralisme au Cameroun

prévoient respectivement que le conseil régional doit refléter « les composantes

sociologiques de la région » et qu'il doit être présidé par une personnalité autochtone56.

Concernant la diversité linguistique et religieuse, James MOUANGUE KOBILA souligne que les minorités protégées dans le contexte camerounais sont des minorités ethniques et non linguistiques ou religieuses57.Dans la mesure où l'anglais a été érigé en langue officielle au même titre que le français, «la protection de la minorité linguistique anglophone strictissimo sensu ne se justifierait pas »58.

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