WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le pluralisme au Cameroun.


par William Aurélien BAKONG NKWANé
Université de Douala - Faculté des sciences juridiques et politiques - Master 2 en Droit public, Option : Droit public interne 2015
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

PARAGRAPHE II : UNE NOUVELLE FORME DE DISCRIMINATION ET UNE CONCEPTION INNOVANTE DE L'UNITE NATIONALE

A la faveur de l'introduction de la règle relative aux composantes sociologiques, est née une nouvelle forme de discrimination en droit camerounais : la discrimination positive(A) ; Ainsi qu'une conception novatrice de l'unité nationale : l'unité dans la diversité(B).

254 Voir CA/CS jugement n° 33/95 - 96 du 9 mai 1996 ENANDJOUM BWANGO et RDPC c. Etat du Cameroun et CA/CS, jugement n° 59/95 - 96 du 18 juillet 1996, Roger DELORE c. Etat du Cameroun (Commune Rurale de Baré - Mungo/SDF).

255 Voir arrêt n° 96/A/2003 - 2004 du 9 juin 2004 suscité.

256 Depuis l'introduction de l'exigence de la prise en compte des composantes sociologiques, l'on assiste à l'introduction de requêtes tendant à l'annulation des élections pour motif pris de ce que les listes ayant remportées les élections n'ont pas respectées cet exigence. Ainsi, dans le jugement n°59/CS - CA DU 18 juillet 1996, EPALE Roger Delore,le requérant, simple électeur, n'a pas hésité à solliciter de la chambre administrative de la cour suprême, l'annulation du résultats des élections remportées par la liste S.D.F dans la commune rurale de Baré - Moungo, au motif que la liste composée de 25 conseillers comportait 24 allogènes et un seul autochtone. De même, dans le jugement n° 60/CS/CA rendu le même jour, le sieur NGUEYONG Moussa, tête de liste R.D.P.C dans la commune rurale de Mélong, sollicite du juge administratif l'annulation des dites élections, car estime - t - il la liste rivale ne respecte pas la composition sociologique de la commune.,

257 Alain Didier OLINGA, « Le citoyen dans le cadre constitutionnel camerounais », op.cit., p. 163.

258 Une analyse simple et logique permet d'affirmer qu'en droit camerounais, le terme « composantes sociologiques de la circonscription » renvoie aux différentes ethnies présentes dans la circonscription.

259 Alain Didier OLINGA, « Le citoyen dans le cadre constitutionnel camerounais », op.cit.supra, note 253.

Le pluralisme au Cameroun

A - L'INSTAURATION D'UNE DISCRIMINATION POSITIVE

En introduisant la protection catégorielle - celle des minorités et des peuples autochtones - sublimée par la règle de prise en compte des composantes sociologiques, le constituant de 1996 marque son rejet de la conception « caricaturale du citoyen »260 et introduit une nouvelle forme de discrimination. Ainsi de l'interdiction formelle de la discrimination arbitraire (1), l'on est passé à la promotion d'une discrimination positive, notion dont il convient de préciser les contours (2).

1 - L'interdiction de discrimination arbitraire

Au sens le plus large, l'on pourrait qualifier de discrimination « toute différence de traitement, qu'elle soit inscrite dans un texte ou qu'elle résulte du comportement de telle personne ou de la pratique de telle institution »261.Après tout, discriminer, étymologiquement ce n'est rien d'autre que faire une distinction, établir une différenciation sur la base d'un critère, d'un « discriminant ».

Au - delà de son sens premier, étymologique, le terme discrimination est chargé d'une connotation négative : discriminer, dans le langage courant, ce n'est pas simplement séparer mais en même temps hiérarchiser, traiter plus mal certains en privilégiant d'autres262.La discrimination arbitraire est celle qui ne répond à aucune fin d'intérêt général, à aucune exigence spéciale du service public, à aucun intérêt public et qui par conséquent est injustifiée aux yeux du juge263.Ici, la différence de traitement est fondée sur un motif illégitime, comme le fait de refuser à autrui l'accès à un lieu ouvert au public ou à un emploi en raison de sa

260 Qui consiste selon Dominique TURPIN à transformer l'individu en « une pure abstraction juridique, sans race, ni origine ».Voir Dominique TURPIN, « La question des minorités en France », Territoires et libertés, Mélanges en l'honneur du doyen Yves MADIOT, Bruxelles, Bruylant, 2000, pp. 477 - 509( spéc.p.489) .Voir également James MOUANGUE KOBILA, « La participation politique des minorités et des peuples autochtones au Cameroun »,op.cit., p. 57.

261 Danièle LOSCHAK, « La notion de discrimination dans le droit français et le droit européen », in : Miyoko TSUJIMURA / Danièle LOSCHAK (dir.), Égalité des sexes : la discrimination positive en question. Une analyse comparative (France, Japon, Union européenne et Etats-Unis), Société de législation comparée, 2006, pp. 39-60 (spéc.p. 41).

262 Ibid.

263 Jean RIVERO, cité par James MOUANGUE KOBILA, La protection des minorités et des peuples autochtones, op.cit., p. 164.

Le pluralisme au Cameroun

race, sa langue ou de sa religion264.Ce type de discrimination, au Cameroun tombe sous le coup d'une disposition de droit positif, notamment constitutionnelle265.

Toutefois, que la Constitution interdise formellement certaines formes de

discriminations, en l'occurrence celles fondées sur l'origine, l'ethnie et la croyance, cela n'exclut pas que des distinctions soit faites. C'est ainsi que l'article 1er de la Déclaration de 1789 autorise des différences de traitement fondées sur l'utilité commune266. Il en découle qu'en droit constitutionnel camerounais des différences peuvent être établis entre les citoyens en fonction de leurs situations, d'où la discrimination positive267.

2 - La notion de discrimination positive

Toute différence de traitement revêt deux aspects, l'un négatif et l'autre positif, puisqu'elle s'exerce toujours au profit d'un groupe et au détriment d'un autre268.Les griefs de « lèse - majorité et de lèse-allogènes »269, provoqués par la protection des minorités et des peuples autochtones résultent de l'instauration d'une discrimination positive dans le paysage juridique camerounais. Définie

comme une différenciation juridique de traitement, ayant pour but de favoriser une catégorie déterminée de personnes physiques ou morales, afin de compenser une inégalité de fait

264 Ce type de comportement est d'ailleurs puni par la loi n° 67/LF/1 du 12 juin 1967 portant code pénal (article 242) punit d'un emprisonnement d'un mois à deux ans et d'une amende de 5.000 à 500.000 francs. Ce même texte en son article 341 prévoit un délit d'outrage aux races et aux religions puni d'un emprisonnement de six jours à six mois et d'une amende de 5.000 à 500.000.Cet outrage aux races et aux religions consiste en une diffamation, une injure ou une menace faite soit par des gestes, paroles ou cris proférés dans des lieux ouverts au public en l'encontre d'une religion ou d'une race, soit par tout procédé destiné à atteindre le public.

265 Le préambule de la de la loi constitutionnelle n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972 prévoit que : « nul ne peut être inquiété en raison de ses origines, de ses opinions ou croyances en matière religieuse, philosophique ou politique sous réserve du respect de l'ordre public et des bonnes moeurs».

266L'article 1er de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 dispose que : « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune ».

267 La discrimination positive consiste à accorder des avantages à des groupes de personnes qui sont victimes d'une situation d'inégalité. Elle vise donc à rétablir l'égalité de chances.

268 Danièle LOSCHAK, « Réflexion sur la notion de discrimination positive », Droit social, 1987, p. 778.

269 James MOUANGUE KOBILA, « Le préambule du texte constitutionnel du 18 janvier 1996 : de l'enseigne décorative à l'étalage utilitaire » Lex lata, n° 023 - 024, pp.33 - 38 (spéc.p.33).

Le pluralisme au Cameroun

préexistante270, la discrimination positive se fonde sur un motif légitime qui est la compensation d'une inégalité de fait271.

En organisant la protection des groupes minoritaires et des peuples autochtones, à travers la règle de prise en compte des composantes sociologiques de la circonscription, le constituant et le législateur camerounais272 admettent que certains groupes du fait de leur petit nombre et de leur situation de non dominance pourraient être écartés du jeu politique. La conception absolutiste de l'égalité devant la loi dans une société plurale comme celle camerounaise, de ce point de vue n'est plus adaptée du fait des inégalités de fait qui existent entre les ethnies273.C'est pourquoi il faut corriger les défauts de « l'égalité de chances formelle » en la remplaçant par « l'égalité équitable des chances ».La discrimination positive introduite en droit camerounais, qui par ailleurs renforce l'interdiction de discrimination arbitraire est donc valide au regard du principe de l'égalité.

Hier reniées parce que considérées comme de freins au développement et à l'unité nationale, les différences nomment ethniques et linguistiques sont aujourd'hui promues. Il en découle une rénovation du concept de l'unité nationale.

B - LA RENOVATION DU CONCEPT DE L'UNITE NATIONALE

Le concept de l'unité nationale274 est depuis 1960 au coeur de la dynamique constitutionnelle et normative du Cameroun275.Cette option fondamentale du

270 Danièle LOSCHAK, « Réflexion sur la notion de discrimination positive », op.cit., supra, note 262. Voir également Claude MOMO, « Quelques aspects du droit électoral rénové au Cameroun », Annales de la Faculté des sciences Juridiques et politiques de l'Université de Douala, n° 1, janvier - juin 2006, pp. 139 - 173 (spéc.p. 161).

271 James MOUANGUE KOBILA, La protection des minorités et des peuples autochtones, op.cit., p.165.

272 En effet c'est d'abord législateur qui introduit la règle de prise en compte des composantes sociologiques de la circonscription, notamment dans la loi n° 91 - 020 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d'élections des députés à l'Assemblée Nationale (alinéa 4 article 5), puis dans la loi n° 92/002 du 14 août 1992 fixant les conditions d'élection des conseillers municipaux (alinéa 2 article 3). Il sera suivi par le constituant en 1996 à la faveur de la révision de la Constitution du 2 juin 1972.

273 James MOUANGUE KOBILA, La protection des minorités et des peuples autochtones, op.cit.supra note 268.

274 L'unité nationale est définie par Paul BIYA comme « le fait pour un camerounais d'être d'abord camerounais avant d'être Bamiléké, Ewondo, Foulbé, Duala ... ». Paul BIYA cité par Jean NJOYA, Unité nationale et mutations politiques : essai sur une régulation symbolique et conservatrice du système politique camerounais, thèse de Doctorat d'État en science politique, Yaoundé II, 2006, p. 20.

275 Alain Didier OLINGA, La Constitution de la République du Cameroun, op.cit., p. 295.

Le pluralisme au Cameroun

constitutionnalisme camerounais fut d'abord conçue comme une sorte d'unité par embrigadement (1) avant de devenir une unité dans la diversité (2).

1 - L'unité par embrigadement

Loin d'être un slogan politique creux mais plutôt un principe constitutionnel276, l'unité nationale fut d'abord conçue comme une unité par embrigadement, c'est-à-dire une « unité de sentiments patriotiques obtenu par le biais de la répression des différences»277. En effet, peu après l'indépendance, un monolithisme tant politique que syndical va s'installer au Cameroun. Suite à l'ordonnance du 12 mars 1962 réprimant la subversion, un syndicat unique, l'Union Nationale des Travailleurs du Cameroun (UNTC) est créé278.Peu après, à la faveur du décret n°66 - 455 du 30 août 1966, l'Union Nationale Camerounaise (UNC), parti unique encore appelé le « Grand Parti Unifié » voit le jour. Celui-ci est considéré comme l'instrument au service de l'unité nationale279, le « vaccin » contre tribalisme que pourrait engendrer le multipartisme280.

De même certaines associations religieuses qui n'oeuvraient pas pour l'unité nationale, furent dissoutes. Ce fut le cas de l'association des « Témoins de Jéhovah » qui demandait à ses fidèles de s'abstenir d'aller voter, de saluer le drapeau ou de chanter l'hymne national. Fondée sur la répression, cette conception de l'unité nationale sera abandonné à la faveur de la Constitution 18 janvier 1996.

2 - La naissance de l'unité dans la diversité

Théorisée par Philippe RAYNAULD à propos d'une étude sur la culture américaine, l'« unité dans la diversité »281, concept similaire à celui de l'«unité composée »282 est fondée sur la tolérance pour les modèles culturels différents. Chaque groupe doit participer à la construction de l'identité nationale en tant que groupe. C'est une unité faite de pluralité, en ce

276 Ibid.

277 Jean Pierre FOGUI, cité par Luc SINDJOUN, L'Etat ailleurs, op.cit., p. 286.

278 Luc SINDJOUN, L'Etat ailleurs, op.cit., p. 282.

279 Ibid., p. 286.

280 Manassé ABOYA ENDONG, « Parti administratif, transitions démocratiques et patrimonialisme en Afrique noire francophone », op.cit.supra, note 52.

281 Philippe RAYNAULD, « Multiculturalisme et démocratie », Le débat, n° 97, 1997, pp. 152 - 157 (spéc.p. 154).

282 Stéphane PIERRE - CAPS, « Le Conseil Constitutionnel et la question du demos », Renouveau du droit constitutionnel, Mélanges en l'honneur de Louis FAVOREU, Paris, Dalloz, pp. 387 - 397 (spéc.p.390).

Le pluralisme au Cameroun

sens qu'elle prend en compte les différences ethniques, linguistiques, religieuses et idéologiques.

La Constitution camerounaise du 18 janvier 1996 s'ouvre en effet par la reconnaissance de la diversité du substrat d'une société camerounaise fière de « sa diversité »283. En plus elle se veut « une République une et indivisible »284.Ces énoncés solennisent la « variante camerounaise de l'unité dans la diversité»285 .La rupture est ainsi opérée avec les options du constitutionnalisme français reçues par les premières constitutions286, pour rejoindre l'idée de Pierre - François GONIDEC, lorsqu'il soulignait que fait constitutionnel doit transcender son essence juridique pour mieux coller à la réalité sociale287.

53

283 Voir préambule de la constitution du 18 janvier 1996.

284 Voir al.2 de l'article premier de la Constitution du 18 janvier 1996.

285 Alain Didier OLINGA, La Constitution de la République du Cameroun, op.cit., p. 296.

286 Alain Didier OLINGA rappelle que les Constitutions antérieures à celle de 2 juin 1972 (Constitutions de 1960 et de 1961) étaient plus attachées aux principes de l'indivisibilité et de l'unité de la République. Cet attachement aux conceptions constitutionnelles de la France qui rappelle « le mythe français de l'homogénéité du peuple » ne correspondait pas au « prêt - à - porter constitutionnel » camerounais. Voir Alain Didier OLINGA, La Constitution de la République du Cameroun, op.cit., pp. 296 - 299.

287 Pierre - François GONIDEC, « A quoi servent les Constitutions africaines ? Réflexions sur le constitutionnalisme africain », RJPIC, n° 4, 1988, pp. 844 - 866 (spéc.p. 887).

Le pluralisme au Cameroun

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

Comme le soulignait Alexis de TOCQUEVILLE, si les Etats-Unis ont pu échapper au piège du despotisme, c'est parce qu'ils ont accordé un grand intérêt au principe du pluralisme. A sa suite, l'on peut affirmer que si le Cameroun a pu rejeter le « présidentialisme autocratique » c'est également parce qu'il a reconnu ce principe. L'émergence d'une démocratie pluraliste a ainsi pour socle la réception des deux postulats majeurs du principe du pluralisme à savoir la reconnaissance de la diversité politique et la reconnaissance de la diversité sociologique. Solennisée par la très controversée règle de la prise en compte des composantes sociologiques dans la cadre des élections au scrutin de liste288.Tout compte fait, le processus de démocratisation enclenché au Cameroun depuis 1990 est entré dans une nouvelle phase à la faveur de l'édiction de la Constitution du 18 janvier 1996.

54

288 En effet la doctrine camerounaise ne s'accorde pas sur l'opportunité de l'introduction d'une telle exigence. Pour certains à l'instar de Léopold DONFACK SOKENG et de Maurice KAMTO, il s'agit d'une mesure qui n'a d'autre conséquence que de remettre en cause la citoyenneté, l'universalité du suffrage, bref de dénaturer la démocratie. Pour d'autres, en l'occurrence James MOUANGUE KOBILA, Luc SINDJOUN et Alain - Didier OLINGA, une telle exigence est nécessaire dans la mesure où la construction de la démocratie dans une société plurale comme celle camerounaise doit s'appuyer sur la recherche d'un compromis entre les différents segments de la société. Il s'agit pour ces derniers d'une mesure louable visant à éviter la « tyrannie » d'un groupe du seul fait de son nombre. Lire à ce propos Léopold DONFACK SOKENG, « Existe - t - il une identité démocratique camerounaise : la spécificité camerounaise à l'épreuve de l'universalisme des droits fondamentaux », op.cit., pp. 34 - 44 ; James MOUANGUE KOBILA, La protection des minorités et des peuples autochtones au Cameroun, op.cit., pp. 124 - 145 ; Luc SINDJOUN, « La démocratie est - elle soluble dans le pluralisme culturel ?, op.cit., p. 22 ; Alain Didier OLINGA, « La protection des minorités et des peuples autochtones en droit public camerounais, RADIC, 1998, pp. 171 - 191.

Le pluralisme au Cameroun

55

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery