B - L'APPLICATION AMBIGUE DU PRINCIPE DE L'EQUILIBRE
REGIONAL
Dans son application actuelle, le principe de
l'équilibre régional regorge des notions à
polémique. C'est le cas de la notion de « composantes sociologiques
de la circonscription », substrat de ce principe, qui n'est pourtant pas
défini en droit camerounais (1).Cette absence de définition
entraine logiquement des tergiversations du juge électoral (2).
1 - L'absence de définition de la notion de «
composantes sociologiques » en droit
camerounais
Autant le constituant camerounais se montre précis et
soucieux de détail lorsqu'il parle des identités linguistiques et
religieuses, autant il est évasif voire spécieux quand il
évoque la
246 Narcisse MOUELLE KOMBI, La
démocratie dans la réalité camerounaise,
op.cit., p.291.
247 Luc SINDJOUN, L'Etat ailleurs, entre
noyau dur et case vide, op.cit., p. 319.
248 Le système de quotas consiste a attribuer un
pourcentage ou nombre de place à chaque régions. Les quotas sont
repartis ainsi qu'il suit : région du Littoral 12%,Centre 15%, Sud 4%,
Adamaoua 5%, Extrême - Nord 7 %, Est 4 %,Ouest 13 %, Nord - Ouest 4 %,
Sud - Ouest 8 %.
249 Luc SINDJOUN, L'Etat ailleurs,
op.cit., p. 319.
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Le pluralisme au Cameroun
question ethnique250.Ni le constituant, ni le
législateur, encore moins le juge n'a pris le soin de donner un contenu
concret à la notion de « composantes sociologiques de la
circonscription ».D'où la confusion qui règne autour de
celle - ci, car chacun y va de sa définition. Dans son mémoire en
défense produit le 7 février 1996, relatif à l'affaire
RDPC (Commune Rurale de Penja) c. Etat du Cameroun(MINATD) et
SDF-UNDP-UFDC, le représentant de L'Etat, M. KAMENI, Victor
soutient que : « Cette notion englobe non seulement
l'ethnicité, mais aussi toutes les composantes sociologiques à
savoir les femmes, jeunes, handicapés, professionnels, non
professionnels, cultivateurs et manoeuvres, bref toutes les couches de la
circonscription concernée »251.
Cette position est partagée par un autre
représentant de l'Etat, du nom de PATILI William dans l'affaire
NJOUME Victor (Commune Rurale de Melong) c. Etat du Cameroun(MINATD)
Celui - ci soutient à son tour que la notion de composantes
sociologiques « ne saurait se limiter à l'ethnie» »,
elle doit englober les « différentes catégories
professionnelles, les différents groupes religieux etc.»
252.Devant une telle confusion, il revenait au juge de
préciser ce que le droit positif camerounais entend par «
composantes sociologiques de la circonscription », puisque ni le
constituant, ni le législateur ne l'a fait. Au lieu de cela, il laisse
persister le flou et mais se contente néanmoins de sanctionner les
listes ou partis politiques qui méconnaissance la règle qui s'y
rattache253.
2 - Les tergiversations du juge électoral
camerounais
L'absence de définition claire de la notion de
composantes sociologiques de la circonscription n'a pas manqué de donner
lieu à des revirements pour le moins incompréhensibles. En effet,
à l'occasion du contentieux des élections municipales du 19
janvier 1996, le juge électoral camerounais avait déclaré
qu'en l'absence de spécification des composantes sociologiques de chaque
circonscription, il ne pouvait pas sanctionner
250 Léopold DONFACK SOKENG, Le
droit des minorités et des peuples autochtones au Cameroun,
thèse de doctorat en droit, Université de Nantes, 2001, pp. 227 -
228.
251 Voir jugement n° 31/95 -96 du 19 avril 1996.
252 Voir jugement n° 76/95 - 96 du 26 septembre
1996. Pour plus de détails à propos de ces deux affaires,
voir James MOUANGUE KOBILA, La protection des
minorités et des peuples autochtones au Cameroun, op.cit., p.
105.
253 Voir arrêt n° 96/A/2003 - 2004 du 9 juin
2004, SDF (Commune Urbaine de Nkongsamba), EYEM François, MEUTCHI
Joseph, ISSA Souleymane c .Etat du Cameroun (MINATD) ; jugement d'appel
n° 94/A/02/03 du 19 avril 2004, SDF (Commune Urbaine de Nkongsamba) c.
Etat du Cameroun (MINATD) et RDPC .Ces deux décisions ont
été commenté par James MOUANGUE KOBILA. Voir James
MOUANGUE KOBILA « La participation politique des minorités
et des peuples autochtones au Cameroun, op.cit., pp. 629 - 664.
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Le pluralisme au Cameroun
l'inobservation de l'exigence de prise en compte des
composantes sociologiques de la circonscription254.Pourtant huit ans
plus tard, il opère un revirement, en procédant à la
disqualification des listes de candidats qui ne respectent pas cette
exigence255.Avait-on pour cette élection
spécifié la composante sociologique de chaque circonscription
électorale? La réponse est non. Quel est donc le fondement d'un
tel revirement jurisprudentiel ?
En plus de cela, avant de sanctionner une liste pour non prise
en compte des composantes sociologiques256 de la circonscription,
l'on devrait « s'assurer que cet état résulte d'une
volonté délibérée d'agir en ce sens
»257.Il peut arriver qu'un groupe ethnique258
refuse d'adhérer aux idéaux prônés par un parti
politique et de figurer sur ses listes259.Une autre
conséquence de l'instauration de cette règle est la naissance
d'une nouvelle forme de discrimination et d'une nouvelle conception de
l'unité nationale.
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