PARAGRAPHE II - LA DIMENSION RELIGIEUSE DU DROIT A LA
DIFFERENCE
La religion est une donnée importante de
l'identification des groupes humains et des individus. Elle oriente leurs
comportements, leurs pratiques et leurs prises de
position221.L'expression des identités religieuses n'est
réellement possible que dans un contexte de liberté religieuse
(A) donc dans un Etat non confessionnel c'est - à - dire ayant
opté pour la laïcité (B).
A - LA LIBERTE RELIGIEUSE
Selon la déclaration du Concile Vatican II sur la
dignité humaine, la liberté religieuse consiste en ce que les
hommes soient soustraits à toute forme de contrainte physique ou
psychologique, tant de la part des individus que des groupes sociaux. Personne
ne doit être forcé d'agir contre sa conscience, ni
empêché en privé ou en public, seul ou associé
d'exprimer sa foi dans les justes limites222.Composante essentielle
des droits de l'homme, la liberté religieuse revêt deux aspects,
l'un individuel (1) et l'autre collectif (2).
219 Voir article 24 b de la Loi n° 2004/018 du 22 juillet
2004 fixant les règles applicables aux régions.
220 Voir article 22 b de la loi n° 2004/018 du 22 juillet
2004 fixant les règles applicables aux communes.
221 Bernard - Raymond GUIMDO DONGMO, « La
protection juridictionnelle de la liberté de religion au Cameroun
», Droits et Cultures, L'Harmattan, n° 42, 2001/2, pp. 39 -
56 (spéc.p.39).
222 Voir Déclaration du Concile Vatican II sur la
dignité humaine du 8 décembre 1965, paragraphe 2.
Le pluralisme au Cameroun
1 - L'aspect individuel de la liberté
religieuse
Dans sa dimension individuelle, la liberté religieuse
« implique un devoir d'autonomie et d'autodétermination
»223. L'individu peut choisir librement d'adhérer
ou de ne pas adhérer à un groupe religieux, car
conformément au préambule la Constitution du 18 janvier 1996,
toute personne a droit à la liberté de pensée, de
conscience et de religion. Aucun individu ne doit être contraint sur le
plan personnel, civique ou social d'accomplir des actes contraires à ses
convictions religieuses. L'affaire relative à la dissolution de
l'association des « Témoins de Jéhovah » en
1972224 illustre les difficultés liées au respect de
cette liberté au Cameroun
Puisque toute liberté peut donner lieu au
désordre, les modalités d'exercice de la liberté
religieuse sont contenues dans la loi n° 90/55 du 19 décembre 1990
sur les réunions et manifestations publiques. Il ne faut pas non plus
oublier qu'à cette liberté de culte se greffe une pratique
exercée la plupart du temps de manière collective.
2 - L'aspect collectif de la liberté
religieuse
La liberté de culte ne s'épuise pas dans la
croyance, en plus des pratiques individuelles - mortifications, jeûnes,
prières individuelles -, elle s'exprime par des pratiques collectives
dans le cadre des réunions régulières et/ou
circonstancielles. Tout mouvement religieux doit donc être maître
de son activité et posséder le droit de s'organiser librement
dans le respect des lois en vigueur225. En tant que groupes sociaux,
les groupes religieux peuvent posséder des instituts d'étude
théologiques, publier des livres à caractère religieux et
utiliser les moyens de communication sociale pour professer leur doctrine .En
témoigne l'existence de multiples radios à caractère
confessionnels : Radio Bonne Nouvelle, Dunamis FM, Radio Solutions, Radio
Veritas etc...
223 Bernard - Raymond GUIMDO DONGMO, «
La protection juridictionnelle de la liberté de religion au Cameroun
», op.cit., p. 39.
224 L'association religieuse des « Témoins de
Jéhovah » avait en effet été dissoute par le
décret n° 70/DF/1972 du Président de la République,
parce qu'elle prêchait l'abstention aux élections et interdisait
à ses fidèles de prendre part à tout service militaire. La
dissolution de cette association a donné lieu aux célèbres
affaires Eitel MOUELLE KOULA c. République Fédérale du
Cameroun (arrêt n° 178/CAY du 29 mars 1972) et NANA TCHANA Daniel c.
République Fédérale du Cameroun (arrêt n°
194/CAY du 25 mai 1972).Les requérants soutenaient dans leurs
requêtes que la dissolution de leur association s'était faite en
violation des dispositions de la Constitution du 04 mars 1960. Le juge
rejetât lesdites requêtes jugées mal fondées et
soutenait que l'association avait violé les lois en vigueur en agissant
comme un parti politique.
225 La dissolution de l'association des « Témoins
de Jéhovah » ne portait pas atteinte à la liberté de
culte dans sa dimension individuelle mais plutôt collective, car il
était interdit à ses membres de se regrouper en association. Il
faut noter que cette association a été par la suite
relégalisée par le décret n° 93/043 du 3
février 1993 du Président de la République.
Le pluralisme au Cameroun
Conformément à la loi 053/90 du 19
décembre 1990,la création d'une association religieuse
obéit au régime de l'autorisation226 , mais toute
association religieuse qui porte atteinte à l'ordre public dans le cadre
de ses activités peut être suspendue227.Cette
dernière disposition est d'autant plus importante que, malgré que
le tableau confessionnel légal de la République du Cameroun
présente 46 associations religieuses, de nouvelles sectes et mouvements
religieux illégaux ont pignon sur rue et exercent leurs activités
sans égards aucun pour la tranquillité publique, pilier important
de l'ordre public. Ce type de phénomène est néanmoins le
propre aux Etats laïcs.
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